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11 mai dernier et intitulé: Sur les traces de la mer lutétienne au

Soudan (1).

C'est dans des calcaires disposés en bancs réguliers et modelés en escarpement par l'action d'anciens lits fluviaux, aujourd'hui ensablés, que le capitaine Gaden a recueilli un Nautile, quatre Oursins, des Lucines et deux moules de Nérite.

Le Nautile, comparé par M. Douvillé aux collections de l'École des Mines, paraît très voisin du Nautilus Lamarcki du Calcaire grossier parisien. C'est aussi une espèce fréquente dans nos sables éocènes de Bruxelles.

M. Victor Gauthier, l'échinologiste bien connu, a étudié les Oursins, et sans hésitation il les rattache à l'Éocène moyen, ou Lutétien. Le genre Plesiolampas, particulier à l'Éocène moyen de l'Inde et de l'Égypte, est représenté par une espèce nouvelle.

Un Rhabdocidaris mal conservé, de la section Leiocidaris, indique simplement un Oursin tertiaire. Mais deux bons exemplaires du genre Linthia ressemblent tellement, d'après M. V. Gauthier, au Linthia Ducroqui Cotteau, du Calcaire éocène de Saint-Palais (Charente-Inférieure), qu'on peut difficilement les en séparer.

Les moules de Lucines, rapportés du Lutétien de Tamaské, indiquent des espèces appartenant au groupe éocène de la Lucina gigantea, et les moules de Nérites appartiennent à la variété de Nerita (Velates) Schmideliana, qui caractérise l'Éocène moyen (2).

La mer lutétienne, qui déjà, grâce à des Échinolampas recueillis dans des puits des environs de Dakar, était jalonnée dans cette région du territoire africain, s'est donc avancée, fait remarquer M. de Lapparent, jusqu'au cœur du Soudan.

Dans la région située au Sud de l'Aïr, qui a été traversée par la mission Foureau-Lamy, il a été constaté dans des couches marneuses, en plusieurs points de la contrée intermédiaire entre Tamaské et le Tchad, notamment à Zinder et dans le Damerghou, l'extension de la formation éocène renfermant les mêmes Nautiles et les mêmes Oursins qu'à Tamaské.

M. de Lapparent, partant de ce fait qu'aucun relief ne sépare le Damerghou de la région de Bilma, dans le Sahara oriental, où a été

(1) Comptes rendus de l'Académie des sciences, t. CXXXVI, p. 1118 (séance du 11 mai 1903).

(2) Les détails relatifs à ces deux derniers genres sont fournis par M. de Lapparent dans sa note ultérieure à l'Académie des sciences: Sur de nouveaux fossiles au Soudan (séance du 2 juin 1903).

trouvé l'Oursin maestrichtien, conclut que vraisemblablement la mer lutétienne a également occupé cette dernière région.

Quoi qu'il en soit, dit le savant membre de l'Institut, «< la trouvaille de Tamaské, complétant celle de Bilma, modifie considérablement l'idée qu'on avait coutume de se faire du passé géologique de l'Afrique. Longtemps on avait admis que le dernier effort de la mer s'était traduit, à l'époque crétacée, par un golfe éthiopien venant de la Méditerranée et n'atteignant pas les hauteurs du Tibesti.

» L'Oursin de Bilma nous avait appris que ce golfe s'était avancé au moins jusqu'aux approches du Tchad. Voici maintenant qu'il nous faut admettre, à l'époque lutétienne, une incursion de la mer depuis Dakar jusqu'au Damerghou, sans préjudice d'une jonction possible de ce golfe atlantique avec le golfe lybique. En tout cas, au moins jusqu'au Tertiaire moyen, la mer a occupé le cœur du Soudan, nourrissant sur ses bords des êtres semblables à ceux qui vivaient dans les mers de l'Inde, de l'Égypte et du golfe bordelais (1). »

Dans sa toute récente note du 2 juin dernier (2), à laquelle fait allusion sa lettre ci-dessus, M. A. de Lapparent signale les deux nouveaux importants fossiles du Damerghou (entre Zinder et l'Air) que lui a remis dernièrement le capitaine Gaden. L'Exogyre est constituée par une coquille un peu roulée, de type incontestablement crétacé. L'Ammonite, représentée par du carbonate de fer, est la première qui ait été constatée au Soudan. M. Munier-Chalmas, qui l'a soigneusement étudiée, lui trouve des affinités avec deux genres turoniens: Mammiles et Vascoceras. Le dernier genre a été créé par Choffat pour des espèces turoniennes à distribution assez vaste, qu'on observe à la fois en Tunisie, en Algérie, en Portugal, en Espagne et en Provence.

Cette découverte permet, dit M. de Lapparent, d'assimiler avec assez de vraisemblance à des formes crétacées les Ammonites que le voyageur Rohlfs a signalées, il y a un demi-siècle, dans la relation de son voyage du Tibesti à Bilma.

Les mers de la craie, qui s'étendaient donc de la Libye jusqu'à Bilma et à l'Ouest du Tchad, couvrant le Damerghou et rejoignant sans doute l'Atlantique, constituèrent des dépôts ayant ensuite servi de substratum aux couches éocènes, dont l'existence est maintenant acquise à Zinder, à Tamaské et sur les côtes du Sénégal.

(1) Comptes rendus de l'Académie des sciences, t. CXXXVI, p. 1120 (11 mars 1903). (2) A. DE LAPPARENT, Sur de nouveaux fossiles au Soudan (COMPTES RENDUS DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES, t. CXXXVI, no 22. pp. 1297-1298 [2 juin 1903]).

On est en droit de penser, dit M. de Lapparent, dans sa Note du 2 juin 1905, qu'à l'époque crétacée, «toute la partie de l'Afrique située au Nord du 15 ou 14° degré de latitude Nord était occupée par une vaste mer, laissant émerger, d'un côté, le massif de l'Abyssinie, de l'autre une ile embrassant l'Air, les Tassili, l'Ahaggar et le Tademait >>.

Dans une étude intitulée: Sur une formation marine d'âge tertiaire au Soudan français et publiée dans le numéro du 15 juin 1903 de la Géographie, M. A. de Lapparent reprend l'ensemble des résultats obtenus jusqu'ici sur l'extension des eaux marines éocènes dans la région soudanaise.

Après avoir conclu que c'était bien un bras de mer venant de l'Atlantique qui, passant sur le territoire de la Sénégambie, devait s'étendre jusqu'au Sahara oriental, l'auteur termine ainsi :

<«< Ce bras de mer arrivait-il en Libye? C'est probable, quand on réfléchit que les affinités indiennes de l'Oursin de Bilma dénotent une communication par l'Égypte avec l'Inde. Et cette probabilité augmente encore par le fait qu'un des Oursins de Tamaské appartient à un genre qui, jusqu'à présent, n'est connu que de l'Égypte et de l'Inde; de sorte que les échantillons égyptiens semblent jalonner la route que les êtres marins auraient suivie pour aller de l'Inde, par la Syrie et la Libye, jusqu'au Soudan.

>> Quoi qu'il en soit, il résulte de ces trouvailles un changement complet dans la manière d'envisager le passé géologique du continent africain. Non seulement les conclusions tirées de l'Oursin de Bilma ne peuvent plus ètre discutées; mais leur portée s'agrandit encore et s'étend à des époques plus rapprochées de la nôtre. Ce n'est pas seulement dans le Nord, sur les régions de la Libye et de l'Atlas, que les mers crétacées et tertiaires ont réussi à empiéter, c'est aussi dans la partie centrale, entre le Sénégal et le Tchad. De la sorte, au moment où la mer lutétienne couvrait la contrée de Paris, et où sur ses bords croissaient les palmiers-éventails, alors que, sur l'emplacement des futures Pyrénées, la même mer édifiait les assises du calcaire à nummulites, l'Afrique du Nord ne formait guère qu'une ile, comprenant les massifs actuels de l'Air, des Tassili, de l'Ahaggar et du Touat. Une autre ile, ou presqu'ile, surgissait en Ethiopie, entourée à l'Ouest par la mer de Bilma, à l'Est par une autre mer, dont les traces se retrouvent dans la terre des Somalis, sur le bord de l'Afrique orientale et à Madagascar.

>> Ainsi s'explique le climat dont jouissaient alors les régions situées au Nord d'une pareille Méditerranée. D'autre part, si le régime désertique a pris possession du Sahara, du moins cette modification ne remonte-t-elle pas, comme on le croyait, à l'aurore des temps secondaires, et sans recourir à l'hypothèse, aujourd'hui abandonnée, d'une mer saharienne contemporaine des grands glaciers alpins, on n'est plus forcé d'infliger à l'Afrique du Nord la monotone histoire d'une émersion indéfiniment prolongée.

» Le bras de mer qui s'étendait du Sénégal au Tchad avait-il vers le Sud d'autres ramifications? Un de ses bras réussissait-il à passer entre les massifs granitiques que traverse la Bénoué? C'est ce que nous apprendra sans doute la mission que se propose d'accomplir M. le capitaine Lenfant, à qui nous souhaitons le succès que mérite une telle entreprise. En attendant, c'est une chose considérable que l'occupation française du Soudan, déjà si féconde pour avoir mis fin aux cruautés des Samory et des Rabah, couronne son œuvre civilisatrice par des conquêtes scientifiques. >>

Pour terminer cette communication, résumant les divers exposés récemment faits par M. A. de Lapparent sur la répartition des terres et des mers éocènes du Soudan français, M. Van den Broeck ajoute que son confrère M. Van de Wiele, avec lequel il s'entretenait de ce captivant sujet, lui faisait remarquer que le climat désertique du Sahara a commencé à une époque qui ne peut remonter bien loin dans les âges tertiaires, car un grand nombre d'espèces d'animaux et de plantes de la faune et de la flore modernes se rencontrent à la fois au Soudan, en Éthiopie et dans l'Inde, indiquant ainsi l'existence récente de contrées fertiles s'étendant depuis l'Atlantique jusqu'à l'Océan Indien.

QUESTION MISE A L'ORDRE DU JOUR.

La vitesse de propagation des eaux souterraines et de la fluorescéine dans les canaux et fissures des terrains calcaires.

M. E. Van den Broeck donne lecture d'une Note, résumant comme suit un récent travail de MM. E. Fournier et A. Magnin exposant le résultat de leurs recherches, dans le Jura, relatives à la vitesse d'écoulement des eaux souterraines.

ANALYSE D'UNE NOTE DE MM. E. FOURNIER ET A. MAGNIN

SUR LA

VITESSE D'ÉCOULEMENT DES EAUX SOUTERRAINES

PAR

Ernest VAN DEN BROECK

Dans leur étude publiée dans le numéro du 6 avril 1903 des Comples rendus de l'Académie des sciences, MM. E. FOURNIER et A. MAGNIN ont exposé sur la Vitesse d'écoulement des eaux souterraines un ensemble de considérations destinées à attirer, à divers titres, l'attention de ceux de nos collègues, assez nombreux d'ailleurs, qui s'intéressent à la circulation des eaux en massifs calcaires. Certains éléments de cet exposé réclament, vu leur importance autant scientifique que pratique, d'être mis en relief et étudiés — non sans esprit critique toutefois à certains égards par ceux qui emploient la fluorescéine, sans se rendre toujours exactement compte des multiples et compliqués facteurs à l'aide desquels se diversifient les résultats des expériences. D'autres éléments dérivent de données fournies par des observateurs divers et auxquelles les auteurs paraissent avoir, trop hàtivement peut-être, attribué une portée générale qu'elles ne peuvent cependant avoir, vu surtout les conditions spéciales dans lesquelles ces expériences ont été faites. Bref, cet exposé réclame une étude assez complexe de mise au point, et comme il eût pu paraître quelque peu présomptueux, tant de la part de mon collaborateur, M. Rahir, que de moi-même, qui avons précisément l'intention d'étudier expérimentalement l'emploi des substances diverses destinées à l'étude de la circulation souter

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raine des eaux, - comme il eût pu paraître audacieux, dis-je, d'élever des critiques à l'égard d'auteurs ayant fait leurs preuves depuis 1896, notamment dans la région du Jura, j'avais, au préalable, en notre nom commun, demandé à M. Le Couppey de la Forest, secrétaire de la Commission d'études des eaux de Paris, son avis sur les doutes très accentués que nous inspiraient, à M. Rahir et à moi, certaines des conclusions si formelles énoncées, sans aucune mention

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