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Comme le dit M. Le Couppey et comme je l'ai déjà imprimé plusieurs fois (Les Abimes, 1894, p. 553, - Annales des Mines, juillet 1896, p. 167, Spelunca, 1898, p. 158,- La Spéléologie, 1900, p. 81): « ce chapitre encore est des plus incomplets... et les vitesses varient en fonction du volume d'eau, de la pente et des obstacles souterrains (rétrécissements, éboulements, siphonnements, bassins de retenue, etc.) qui retardent l'écoulement, diminuent la section en multipliant les frottements. »

Le mois dernier, j'ai fait à Padirac une expérience des plus instructives, que j'ai moi-même suivie deux jours, et qui a été ensuite observée pendant quinze jours sur un parcours intérieur de 1 kilomètre, particulièrement bien varié et approprié. J'en déduis en ce moment les résultats pour les communiquer incessamment à l'Académie des sciences et vous en ferai part ultérieurement.

Comme limites extrêmes, j'ai pu constater des minima de moins de 10 mètres à l'heure et des maxima de plus de 1 kilomètre a L'HEURE au cours de mes diverses recherches.

Jusqu'à présent, les expérimentateurs ont observé le temps entre la perte et la réapparition; il faut aussi - et c'est ce que j'ai fait et continuerai de faire suivre la marche sous la terre même dans les rivières souterraines où cela est possible.

Le retard de la fluorescéine, visible à l'œil nu, par rapport à la marche moyenne de l'eau est réel, mais bien difficile à apprécier; on devra chercher les moyens de le préciser. De même pour la remise en marche par les crues.

Il est évident que la nature diversifiée des terrains change les conditions du phénomène.

I importe d'employer des quantités assez notables de substance, même si l'on se sert du fluorescope, de façon à assurer une coloration très abondante.

Quant au retard de la fluorescéine sur l'amidon, le sel, etc., c'est une assertion contraire à tous les faits que je connais, et il faudrait que MM. Fournier et Magnin, avant d'émettre cette trop hâtive conclusion, l'appuyassent sur des chiffres empiriques précis.

En résumé, il faut remettre toute généralisation à plus tard, continuer et multiplier les expériences, raisonner et interpréter les résultats de chacune d'elles. Et quand elles seront suffisamment nombreuses, on pourra tenter ce que je me réserve de faire dans un travail d'ensemble en préparation de formuler quelques règles ou lois générales sur ce sujet.

Pour le moment, la devise doit être festina lente. Sinon la précipitation engendrera des erreurs.

Extrait d'une lettre de M. Imbeaux.

« Je n'ai pas d'expériences à vous citer pour la question qui vous intéresse, ou plutôt je n'ai que des expériences négatives.

» Nous avons, à plusieurs reprises, jeté des quantités énormes de fluorescéine dans un ruisseau qui rentre sous terre à 1 kilomètre environ à l'amont de notre galerie de captage souterrain de la Forêt de Haye, au-dessus de Nancy (calcaire bajocien). Mais nous n'avons pu en trouver aucune trace dans l'eau captée : et cependant c'est la même eau qui nous revient, mais sans doute elle se filtre dans les détritus qui remplissent les fissures du calcaire.

» La preuve en est que plusieurs analyses bactériologiques nous donnent de l'eau à peu près aseptique. On pouvait aussi se demander si le contact du calcaire ne détruit pas la fluorescéine..

>> Nous en avons toutefois mis de telles quantités que cela n'est pas probable. Nous sommes heureux de ce résultat négatif, car nous avons ainsi toute chance d'avoir de l'eau très pure.

» Je crois, comme M. Le Couppey, qu'il n'y a pas de règle générale ni de vitesse fixe. Cela dépend du trajet compliqué et souvent contourné que l'eau doit faire dans les divers terrains; et quels sont les terrains, même de semblable origine géologique, qui se ressemblent sous ce rapport? »

Au sujet de cette dernière lettre, M. Van den Broeck annonce qu'il a demandé à son correspondant des renseignements complémentaires sur divers points qu'il lui paraît intéressant de préciser davantage dans cette communication, qui semble admettre une filtration suffisante des eaux dans un massif calcaire fissuré, et cela au sein d'un massif de peu d'étendue, cas qui paraît assez exceptionnel pour mériter une étude plus approfondie.

Note de M. Léon Janet.

Dans leur exposé relatif à la vitesse d'écoulement des eaux souterraines, MM. Fournier et Magnin arrivent à cette conclusion que, dans le Jura, Ja fluorescéine parcourt en général moins de 1 kilomètre par jour, et

chemine plus lentement que le sel, l'amidon, les particules argileuses et les bactéries.

Ils tirent en outre des formules usuelles de l'hydraulique cette conclusion que, par les grandes eaux, lorsque les galeries se remplissent complètement et que l'ensemble du système fonctionne comme une conduite en pression, la vitesse s'accroît dans les portions dilatées.

Il me paraît y avoir dans cette dernière affirmation une erreur évidente; le débit étant constant, la vitesse variera en raison inverse de la section et, par conséquent, elle diminue dans les portions dilatées.

Quant à la vitesse de propagation de la fluorescéine, les résultats énoncés pour le Jura par MM. Fournier et Magnin n'ont nullement le caractère de lois générales.

Tout d'abord, il y a lieu de remarquer que la craie, à travers laquelle circulent les eaux alimentant les sources de l'Avre, de la Vanne, du Loing et du Lunain, n'est pas, comme le disent MM. Fournier et Magnin, un terrain à perméabilité homogène. Sans doute les grandes cavernes sont beaucoup plus rares dans la craie que dans les terrains jurassiques, mais la propagation de la matière colorante s'effectue dans les diverses directions avec des vitesses très différentes, et l'on ne doit considérer comme terrains à perméabilité homogène que les sables.

Il est essentiel de faire remarquer, comme le dit M. Le Couppey de la Forest dans son intéressante communication, que les résultats obtenus sont faussés par le temps que met la matière à gagner la nappe ou les canaux souterrains. Lorsqu'on opère sur un bétoire engouffrant un grand volume d'eau, celle-ci arrive très rapidement à la nappe, mais il en est tout autrement quand l'expérience est faite dans un lit poreux faiblement absorbant.

Dans le bassin de Paris, les vitesses de propagation surpassent de beaucoup 1 kilomètre par jour.

Lorsqu'on observe deux flux successifs de fluorescéine, le phénomène peut être attribué, tantôt à des pluies chassant la matière colorante des cavités dans lesquelles elle s'était accumulée, tantôt à deux trajets souterrains différents.

Dans la craie, contrairement à ce qui semble se passer dans le Jura, la vitesse de propagation de la fluorescéine est plus grande que celle de la levure de bière et du sel marin.

Il est tout naturel de trouver de semblables divergences, parce que le régime des eaux souterraines est entièrement variable, suivant la nature des terrains dans lesquels elles circulent,

Dans les sables, les eaux souterraines forment des nappes homogènes.

Le débit d'un puits qu'on y creuse dépend principalement de la dépression produite.

Dans les calcaires très diaclasés, comme la craie, un puits trouve toujours de l'eau, quel que soit son emplacement, du moment qu'il descend au-dessous de la surface piézométrique, mais le débit est extrêmement variable avec la nature de la craie. Les eaux souterraines forment, en ce cas, des nappes inhomogènes.

Enfin, dans certains calcaires très compacts, il n'y a plus de surface piézométrique discontinue, et les eaux circulent dans des cavités souterraines de plus ou moins grandes dimensions. Les eaux souterraines forment alors non des nappes, mais des canaux aquifères.

Dans les deux premiers cas, la propagation de la fluorescéine peut être observée dans un grand nombre de puits et permettre la construction de courbes isochronochromatiques. Dans le dernier cas, la fluorescéine ne se propage que suivant un ou plusieurs canaux souterrains, et l'on ne peut guère la retrouver qu'aux points d'émergence.

En résumé, les résultats énoncés par MM. Fournier et Magnin pour le Jura ne doivent pas être généralisés, et, comme le dit M. Le Couppey de la Forest, de minutieuses observations, faites dans chaque région, sont seules susceptibles de donner les lois de propagation souterraine des divers réactifs employés pour les étudier.

Il est ensuite donné lecture de la note suivante envoyée par MM. Fournier et Magnin :

SUR

LA

PROPAGATION DES EAUX SOUTERRAINES

PAR

E. FOURNIER et A. MAGNIN.

Les résultats obtenus dans les intéressantes expériences signalées par M. Le Couppey de la Forest, et qui ont donné des vitesses de propagation beaucoup plus grandes que celles observées par nous dans le Jura, peuvent, à notre avis, s'expliquer facilement par des considérations géologiques. Les calcaires dans lesquels ont été faites les expériences de M. Le Couppey de la Forest sont, dit l'auteur, «< tantôt divisés en petits bancs de 2 à 3 centimètres d'épaisseur, tantôt déposés en lits compacts puissants de 1 mètre à 1,50 »; en un mot, ce sont

des calcaires bien stratifiés et dans lesquels l'épaisseur de chaque strate est toujours faible et inférieure, d'après l'auteur, à 1,50.

Il s'ensuit que l'eau, empruntant successivement les diaclases et les joints, atteint les résurgences par gradins successifs multiples, ainsi que le montre le schéma ci-dessous (fig. 1.)

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Nota. La lettre C, qui manque sur la figure, doit se trouver sous la lettre A,
et au sein du troisième banc figuré, à l'origine de la ligne pointillée.

Il résulte de la multiplicité des échelons que la pente entre la perte A et la résurgence B se trouve répartie sur une ligne C D, le long de laquelle la pente moyenne, bien que brisée par les échelons successifs, demeure néanmoins assez considérable (1). Dans les calcaires du Jura, auxquels s'appliquent nos expériences, les bancs compacts, sans joints de stratification, atteignent des épaisseurs allant de 10 à 50 mètres (voir fig. 2), de sorte que, depuis la perte, l'eau descend brusquement en trois ou quatre échelons verticaux jusqu'à un niveau N, à peine supérieur à celui de la résurgence R, et que le parcours N R s'effectue avec une pente presque nulle; la vitesse se trouve ainsi considérablement réduite.

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La faible valeur de la pente N R a été vérifiée par nous de visu dans de nombreuses explorations souterraines. Je citerai comme exemple le gouffre du Gros Godeau, pour lequel le parcours E N donne une

(1) Les échelons étant très rapprochés les uns des autres, il s'en suit que leur surface ne peut demeurer longtemps horizontale.

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