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mais elles sont susceptibles de se déposer dans les parties élargies et les lacs souterrains. Certaines de ces substances ont cependant été employées avec succès.

L'amidon de pomme de terre n'existe pas en général dans les eaux, il se reconnaît facilement au microscope en lumière polarisée, où chaque grain donne une croix noire, et la teinte bleue que lui communique l'iode en fait un auxiliaire précieux; mais ses grains ont des dimensions considérables (140 microns).

Il ne peut être utilisé que dans des cas très spéciaux où la vitesse de propagation est considérable.

Les micro-organismes ont été employés avec succès; on a proposé d'employer des bacilles chromogènes inoffensifs. M. le Dr Miquel, chef du service bactériologique, et M. Cambier, chef adjoint du service bactériologique à l'Observatoire de Montsouris, ont employé avec succès le Saccharomyces cerivisia (levure de bière) (8 à 9 microns) et le Mycoderma aceti (1.5 μ) pour les études des eaux de sources qui alimentent Paris.

La levure de bière a donné d'excellents résultats, mais elle exige l'étude préalable des eaux de sources pour s'assurer que ces eaux ne contiennent pas le Saccharomyces employé.

Le Mycoderma aceti est d'un emploi plus délicat; ce mycoderme existe, en effet, dans beaucoup d'eaux de source, il nécessite une étude plus complète que les Saccharomyces. Ces germes ont l'avantage de pouvoir se multiplier dans des bouillons de cultures appropriés; ils peuvent par suite être décelés à une dilution que peuvent difficilement atteindre les substances minérales solubles.

Les substances dissoutes paraissent résoudre le problème dans toute sa généralité. Si on introduit dans la nappe, à l'état de mélange intime, un volume d'eau renfermant une substance en solution, les molécules d'eau qui auront reçu une modification dans leur composition, chemineront, en se diffusant, il est vrai; mais la substance dissoute ne semble pouvoir arriver aux résurgences qu'avec les eaux qui ont été utilisées pour sa dissolution.

Ce phénomène a été expérimentalement mis en évidence par M. Th. Schlæsing pour l'étude des dissolutions dans les sols :

« J'ai mouillé (1), dit-il, 1kg,2 de sable lavé et séché avec 200 centimètres cubes d'une solution de sel marin contenant 10 grammes de

(1) TH. SCHLOESING, Contribution à l'étude de la chimie agricole. Paris, Dunod, 1885, p. 125.

chlorure par centimètre cube ; j'ai introduit et tassé légèrement le sable dans une allonge cylindrique; au-dessus j'ai étalé du coton mouillé, chargé de répartir également de l'eau pure, que j'ai débitée à raison de 40 centimètres cubes par heure. Le liquide chassé de l'allonge a été recueilli par lots de 10 centimètres cubes; de trois en trois lots, on a dosé le chlore.

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>> On voit que les trois quarts au moins de la dissolution ont été déplacés sans mélange avec l'eau. »

M. Schlosing ajoute que le sable n'a pas besoin d'être saturé d'eau : il peut exister des espaces libres entre les grains, le phénomène persiste.

« On se rend compte aisément de la manière dont se passe le phénomène. Qu'on divise le sable par la pensée en couches horizontales, très minces, et qu'on suppose que l'eau y descende par tranches parallèles. La couche supérieure abreuvée d'eau va céder à la suivante un premier mélange d'eau et de la dissolution saline; la seconde cédera à la troisième un mélange un peu plus riche, et ainsi de suite, jusqu'à ce qu'une certaine couche reçoive de la précédente une dissolution dont la composition sera infiniment voisine de celle de la dissolution préexistante. A partir de cette couche, la portion de dissolution contenue dans les couches sous-jacentes sera simplement déplacée et chassée finalement hors du vase. »

Parmi les substances solubles, les sels de fer, les chlorures et les matières colorantes paraissent seuls avoir été employés.

Les sels de fer ont l'inconvénient de ne pas être assez stables. Les chlorures se prêtent merveilleusement aux expériences, principalement le chlorure de sodium, qui paraît très bien résister aux agents de décomposition. Les gisements d'eaux géologiques chargées de sel, la prédominance du sel marin dans les eaux de la mer, nous montrent que ce corps est un des résidus ultimes de la désagrégation des roches, et qu'il est véhiculé sans altération au milieu des formations géologiques. Il est facile à déceler à l'aide du nitrate d'argent; malheureusement, la présence normale du chlore dans les eaux exige un dosage exact au moyen d'une solution titrée d'azotate d'argent équivalente à 3,5 de chlore par litre, et du chromate de potasse comme indicateur.

Parmi les matières colorantes, la fluorescéine a été employée avec succès. M. Camille Vincent, professeur à l'École centrale des Arts et Manufactures de Paris, préconise cette substance depuis plus de vingt ans pour cet usage. M. Ferray, d'Évreux, l'a employée avec succès en 1882, pour les études des sources de la région de l'Avre et de l'Iton, et M. A. Trillat a montré (1) qu'elle résiste mieux aux agents de décomposition que les fuchsines neutres ou acides, le violet de Paris, le bleu de méthylène, le vert malachite, l'auranine, le rouge Congo, l'éosine, la safranine.

Nous préférons cette substance à toutes les autres, à cause de ses propriétés :

1o Elle est très facile à reconnaître à l'œil nu, sans avoir besoin de recourir à une manipulation, quelque simple qu'elle soit.

2o La visibilité seule permet de la distinguer de la coloration propre des eaux à condition, toutefois, que l'on mette en jeu la propriété fluorescente qui la caractérise.

3° Elle résiste d'une manière très suffisante aux agents de décomposition qu'elle rencontre dans le sous-sol. Dans nos expériences personnelles, dans celles de M. Fournier et de M. Le Couppey de la Forest, on a pu retrouver cette substance après un séjour de dix jours dans des sols crayeux ou calcaires.

4o Elle n'a pas pu être fixée sur les fibres textiles et, par suite, on n'a pas à craindre de la voir disparaître comme beaucoup de substances tinctoriales.

La fluorescéine que nous employons n'est pas la fluorescéine chimique, qui résulte de l'action de l'anhydride phtalique sur la résorcine à 195°-200°.

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Cette substance (tétraoxyphtalophénonc) est insoluble dans l'eau, mais si on la dissout dans un alcali potasse, soude ou ammoniaque,

(1) A. TRILLAT, Sur l'emploi des matières colorantes pour la recherche de l'origine des sources et des eaux d'infiltration. (COMPTES RENDUS DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES, 13 mars 1899.) Voir aussi dans les Annexes du présent procès-verbal la reproduction de l'étude de M. TRILLAT: Essai sur l'emploi des matières colorantes pour la recherche des eaux d'infiltration, publiée dans les ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR, t. XVIII, pp. 444-451.

elle perd deux molécules d'eau et donne des composés stables solubles dans l'eau; ce sont les sels de la tétraoxyphtalophénone anhydride. Le sel de soude que nous employons

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est une substance solide d'une couleur jaune orange quand elle est pure et rouge-brun si elle contient des impuretés (excès d'alcali).

Ses solutions dans l'eau sont rouges par transparence et elles présentent, par réflection, une belle FLUORESCENCE verte qui est caractéristique de la fluorescéine et qu'il ne faut pas confoudre avec la coloration.

L'intensité de la fluorescence est telle qu'elle est encore visible à l'œil nu à la dilution du deux cent millionieme et qu'elle peut être décelée au moyen de notre fluoroscope au dix-milliardième.

Emploi de la fluoresceine.

L'emploi de la fluorescéine est assez délicat; il ne donnera les résultats que l'on est en droit d'en attendre que si certaines précautions sont prises.

1o On désire connaître si une perte d'eau contribue à l'alimentation d'une source.

Il suffira de diluer un poids déterminé de fluorescéine dans l'eau et de la mélanger intimement avec l'eau qui se perd.

Il y a intérêt à opérer sur un volume d'eau perdue assez considérable et par suite à exécuter le jet de la fluorescéine pendant un temps assez long, la quantité de fluorescéine versée à l'heure étant calculée d'après le débit de la nappe et le volume d'eau emmagasinés dans le sous-sol. 2o On désire connaître la propagation des eaux souterraines dans une région déterminée.

Ici le problème est tout autre; il faut modifier profondément la composition de la nappe en un point déterminé et assurer la diffusion de la matière employée.

Dans ce dernier cas, la surélévation d'un niveau piézométrique de la nappe au point où se fait le jet est indispensable; on y parvient en faisant arriver en ce point une quantité d'eau supérieure à celle qui se

perd en temps normal, par exemple en effectuant la levée des vannes d'un moulin pendant un temps plus ou moins long.

Cette surélévation du niveau piézométrique n'a qu'un but: assurer la dispersion de la matière dissoute dans un grand volume d'eau de la nappe.

Il peut se faire que cette arrivée d'eau supplémentaire cause une intumescence dans la nappe aquifère; cette intumescence se propagera en suivant les lois de l'écoulement des eaux et pourra se traduire aux sources par une augmentation de débit ou une surélévation du plan d'eau.

Il ne faut pas confondre ce phénomène avec l'arrivée des molécules liquides. C'est un phénomène d'ordre mécanique, qui peut être comparé à celui de la transmission des vitesses dans un milieu parfaitement élastique dont l'expérience classique de Mariotte montre les effets.

Il n'y a pas plus de relation entre ce phénomène et la circulation des molécules d'eau qu'il n'y en a entre la transmission du son ou de la lumière et le déplacement de molécules d'air ou de l'éther.

Les phénomènes d'intumescence produits après les pluies ou après une crue sont du même ordre. Dans nos études sur la circulation des eaux souterraines du val d'Orléans, nous avons montré que les intumescences produites sur la Loire, par les crues, sont reproduites sans retard de phases à la source du Loiret et dans les puits forés qui atteignent la nappe du Calcaire de Beauce. Cela nous a permis d'établir que la nappe du Calcaire de Beauce circule sous pression au droit du val d'Orléans, c'est une nappe captive ou ascendante, mais nous ne croyons pas pouvoir comparer la vitesse de propagation des molécules d'eau perdue en Loire avec la vitesse de propagation de l'intumescence.

Quantité de fluorescéine à employer.

La quantité de fluorescéine à employer est très variable avec chaque cas particulier, c'est une question d'espèce. Nous avons souvent employé avec succès des quantités très faibles de cette substance (300 à 400 grammes); mais nous n'avons jamais hésité à employer des poids considérables lorsque cela était nécessaire; c'est ainsi que dans une expérience faite sur la Loire, nous avons jeté 50 kilogrammes de fluorescéine en une demi-heure, soit 100 kilogrammes à l'heure. La fluorescéine a été retrouvée à la source du Loiret quelques jours après.

Il faut employer la fluorescéine avec assez de prudence pour ne pas colorer d'une manière trop intense les sources et les puits du voisinage; l'expérience est le meilleur guide.

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