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telle assimilation au «<rochage » des lingots métalliques, assimilation défendue, cependant, dans d'importants traités classiques, tels que celui de M. A. de Lapparent. M. Fouqué veut bien m'écrire à ce sujet qu'il a constaté maintes et maintes fois par la voie expérimentale ce que bien d'autres ont dû vérifier comme lui, savoir que les silicates fondus, loin de gonfler au refroidissement, diminuent au contraire de volume en se solidifiant, soit sous forme vitreuse, soit plus spécialement encore sous forme de cristaux.

Devant des énonciations aussi divergentes, on ne peut que réclamer des éclaircissements nouveaux et se borner à faire remarquer que cette donnée controversée serait à grand tort considérée, par les partisans de la thèse Stübel, comme un élément essentiel du bien fondé des vues d'ensemble de cet auteur.

L'assimilation du processus de refroidissement des amas ignés laccolithiques à celui de la solidification de lingots métalliques peut, sans difficulté aucune, être éliminée de la thèse Stübel sans nuire en rien à l'exactitude de celle-ci. La sortie lente des laves, de même que le brusque phénomène explosif, s'expliquent aisément sans faire intervenir en rien le refroidissement des amas laccolithiques, et cela par l'intervention des facteurs exposés tant dans la thèse d'A. Gautier que dans celle de M. van Ertborn.

L'application des phénomènes du rochage au refroidissement des masses ignées laccolithiques, évoquées au sein de l'écorce terrestre par la thèse du Dr Stübel, constituerait donc, si elle est fondée, simplement un élément supplémentaire possible, non seulement d'actions mécaniques, dues à de tels phénomènes de gonflement (pouvant peutêtre accessoirement être invoqués dans la genèse de certains tremblements de terre), mais encore de production gazeuse et notamment d'hydrogène et d'autres gaz combustibles, concourant, par ce processus spécial, à la réalisation des vues de MM. Gautier, Brun et van Ertborn.

Quant au phénomène de gonflement invoqué pour la phase de refroidissement du magma, s'il est justifié, il serait tout au moins l'une des causes des contre-pressions internes amenant la lente expulsion lavique du cratère des volcans.

Le paisible phénomène de montée ou d'émission lavique externe serait de temps à autre interrompu, voire même remplacé, par les phases temporaires et accidentelles de violents phénomènes de production et de foisonnement de gaz internes, surchauffés et comprimés, dont la brusque détente, à la sortie du magma lavique du cratère, constituerait à la fois le processus explosif externe, projecteur et

pulvérisateur, et le phénomène de reconstitution aqueuse, origine de la vapeur d'eau des éruptions volcaniques.

L'action << éventuelle » et discutée des phénomènes de refroidissement constituerait tout au plus l'introduction d'un facteur dont la thèse Stübel peut parfaitement se passer. Le facteur principal n'en restera pas moins fourni par la combinaison du processus des «< compresseurs à air »> invoqué par M. van Ertborn avec celui des phénomènes de dégagements gazeux dus au réchauffement des roches cristallines, invoqué par MM. A. Gautier et Brun.

En résumé, quelle que soit la manière de voir que l'on adopte au sujet de la genèse et de la constitution de l'écorce terrestre que l'on soit partisan du feu central, d'un océan périphérique igné entourant un noyau solide, ou des foyers périphériques localisés et étagés de M. A. Stübel, aucune de ces manières de voir n'est le moins du monde. inconciliable avec l'application des faits constatés par les expériences de laboratoire, savoir que sous l'influence d'une certaine élévation de temperature, les roches cristallines de types très divers et constitutives des régions profondes sous-jacentes à la série sédimentaire, dégagent, avec une partie de leur eau de constitution, des gaz combustibles, parmi lesquels domine l'hydrogène.

D'autre part, il reste à vérifier si, sous l'influence de refroidissements locaux, au contraire, les matières ignées internes peuvent réellement se gonfler et tendre à laisser sortir par leurs exutoires naturels (les volcans), outre des flots de laves, les gaz combustibles exhalés par ce phénomène de « rochage » en grand, opéré par la solidification laccolithique d'ilots corticaux de magma igné.

S'il fallait, comme le pensent M. Fouqué et d'autres volcanologistes, abandonner ces dernières vues, cela n'enlèverait qu'un facteur secondaire au mécanisme de la production gazeuse, qui alors resterait attribuée soit à la composition des laves elles-mêmes, subissant certaines influences et devenant foisonnantes, soit aux phénomènes de réchauffement des roches cristallines, invoqué par MM. A. Gautier et Brun.

Dans l'un comme dans l'autre cas, le processus explosif se résoudrait tout d'abord en une formidable poussée, essentiellement gazeuse, à détente subite à son arrivée au jour, source de tout le mécanisme éruptif à projection externe chaque fois qu'il y a communication au dehors. Quant à la lente ascension des laves qui suit et sépare les « explosions >> gazeuses, elle n'a nullement besoin pour s'expliquer du gonflement interne de refroidissement invoqué par M. Stübel et ses adeptes.

Elle est due aux contre-pressions produites par la différence de densité entre les laves de la cheminée, fortement imprégnées de gaz à haute pression, et les matières ignées des régions latérales et circonvoisines de sa base. Enfin, elle paraît devoir être due en même temps à la force propulsive et élévatoire des gaz injectés dans la lave et agissant à la manière d'un injecteur Giffard.

Que la roche descende vers la chaleur ou que la chaleur monte vers la roche, ou enfin que ce soit au contraire le refroidissement du magma qui agisse, peu importe le résultat est le même. Qu'il y ait dans l'écorce terrestre une vaste série de phénomènes de tension, de retrait, de ruptures d'équilibre, essentiellement traduits par des effondrements de voussoirs et de fragments disloqués, comme le veut peut-être trop exclusivement Suess; qu'il y ait ou qu'il y ait eu au-dessus des foyers périphériques, de hauteur et d'âges divers, des localisations simplement << endodermiques » de ces mêmes phénomènes tectoniques: plissements, glissements, charriages et dislocations quelconques n'ayant nullement affecté les énormes épaisseurs des régions sous-jacentes de l'épaisse cuirasse terrestre rigide, restée non plissée, ni affectée dans son ensemble, tout cela se concilie indifféremment avec les thèses ici présentées dans leur intéressante connexion. Le fait capital est que toutes ces vues d'ensemble, si divergentes qu'elles paraissent, s'accordent sur ce point essentiel qu'elles permettent certainement aux roches cristalliniennes profondes d'être influencées par la chaleur et de dégager leur eau et leurs gaz de constitution. Le point qui paraît devoir rester en suspens est de savoir si, adventivement, ces vues permettent aussi d'admettre que des amas laccolithiques de matière ignée, soumis au refroidissement, peuvent concourir aux mêmes résultats, base des manifestations de l'ascension lavique et surtout du processus initial éruptif explosif.

Il convient de remarquer que le raisonnement des pages 20 à 27, qui montre, aussi bien pour les partisans du feu central que pour ceux d'une mer ignée circumcentrale, que les régions de cassure et de plissement de l'écorce solide avec exutoires volcaniques sont forcément celles où doivent s'élaborer les phénomènes invoqués par MM. Gautier et Brun, s'applique avec bien plus de force encore aux dispositifs de la thèse Stübel, d'après lesquels, si nous nous reportons à la figure 1, le magma igné D représenterait simplement un foyer périphérique igné, très excentrique par rapport à l'ensemble de l'écorce terrestre, dont la partie représentée par la figure constituerait seulement une zone absolument superficielle, seule plissée et fracturée.

Il y a dans l'ensemble des diverses considérations qui précèdent matière à d'intéressantes discussions, et j'espère que des confrères plus autorisés en la matière voudront bien reprendre l'examen détaillé de ce captivant sujet et donneront au débat toute l'ampleur qu'il comporte.

ANNEXE (1).

Quelques jours à peine après la séance du 20 janvier 1903 à laquelle a été faite la présente communication, a paru, dans le numéro daté du 21 janvier 1903 du tome III de la Revue des questions scientifiques, le compte rendu d'une conférence de M. A. de Lapparent intitulée : L'Eruption de la Martinique, causerie faite le 30 octobre 1902, à Liége.

J'ai eu le regret de ne pouvoir assister à cette conférence et je n'en connaissais aucun compte rendu. Aussi ai-je été charmé, en prenant connaissance de cet exposé de mon savant confrère de Paris, de constater que M. de Lapparent, se basant sur le caractère peu fusible et essentiellement vacuolaire des débris andésitiques et ponceux rejetés par le Mont-Pelée, s'est attaché à démontrer le rôle prépondérant de l'élément gazeux et a expliqué par la lutte entre une lave tenace et visqueuse et les poussées gazeuses, les sorties latérales et le caractère explosif des phénomènes observés. Bien que M. de Lapparent paraisse, tout au moins dans la première partie de son exposé, rester avant tout partisan d'un vaste noyau central igné, soit fluide, soit soumis, par l'énormité des pressions, à un état particulier de consistance, et qu'il admette la communication permanente de cet océan igné central ou circumcentral interne avec l'extérieur, par la voie des volcans, il n'en arrive pas moins à la très rationnelle conclusion suivante :

Dans tous les appareils volcaniques, quels qu'ils soient, le fait dominant, essentiel, est l'ascension simultanée de la lave ou pierre fondue et des gaz ou vapeurs qui l'accompagnent. Les deux phénomènes ne sont pas indépendants; leur liaison est intime. Et comme toujours la montée de la lave dans les cheminées volcaniques est précédée par une violente poussée gazeuse, il est permis de dire que le volcanisme, c'est-à-dire l'apparition à la surface du foyer interne d'énergie, a pour cause essentielle la tendance des gaz mélangés à la matière ignée à se séparer d'elle, ce qu'ils ne peuvent faire qu'en l'entraînant partiellement avec eux.

Par cette importante et très suggestive déclaration, si parfaitement fondée, qui reconnaît la nature gazeuse du facteur produisant l'élévation

(1) Texte complémentaire fourni pendant l'impression.

du flot lavique et qui montre l'association des deux éléments fonctionnant d'après le principe du «< compresseur à air » des puits artésiens, M. A. de Lapparent se montre donc tout prêt à admettre à la fois les vues et la portée des expériences de MM. Gautier et Brun, en même temps que la justesse de la comparaison que vient d'énoncer M. van Ertborn.

Sans faire aucune allusion cependant aux curieuses recherches de M. A. Gautier, son collègue de l'Institut, et laissant entièrement de côté l'échauffement des roches « cristalliniennes » et la production gazeuse qui s'ensuit, M. A. de Lapparent ne mentionne que les émanations gazeuses produites par le refroidissement des magmas et par la diminution corrélative des pressions. Après avoir, avec infiniment de raison, repoussé la thèse d'une intrusion des eaux marines dans le processus éruptif, après avoir montré que la lave contient emmagasinés, au même titre que ses divers éléments lithologiques, des gaz et des vapeurs qui lui sont propres et ne provenant pas d'une source extérieure, M. de Lapparent, tout en conservant à la VAPEUR D'EAU un rôle dominant que l'on a vu en réalité devoir être attribué à l'HYDROGÈNE venu des profondeurs, admet que les diminutions de température et de pression sont les causes du départ de ces gaz et vapeurs; en un mot, c'est le phénomène du « rochage », dù au refroidissement des masses ignées, qu'il considère comme la cause primordiale des exhalaisons de gaz et de vapeur déterminant le processus éruptif. Puisque cette assimilation au phénomène de rochage, invoquée naguère par Fournet, admise par MM. de Lapparent, Stübel et d'autres, se trouve combattue par divers spécialistes, il convient qu'une discussion préalable sur ces opinions contradictoires soit ouverte, afin de permettre que l'on sache définitivement à quoi s'en tenir sur ces énonciations opposées.

On a vu, par l'exposé qui précède, que si les phénomènes de REFROIDISSEMENT et de diminution de pression des magmas internes peuvent éventuellement constituer l'une des causes d'émanations gazeuses, il convient en réalité d'attribuer un rôle à la fois moins discutable et plus important aux phénomènes de RÉCHAUFFEMENT et d'augmentation de pression dans les régions de contact et d'influence des roches cristallines. et des magmas ignés. Ces derniers phénomènes produisent à un haut degré les émanations gazeuses invoquées et l'action intensive d'énormes quantités d'hydrogène accompagné d'autres gaz combustibles, dont l'énergie expulsive et les hautes pressions si justement identifiées aux effets du compresseur à air des puits artésiens - justifient bien

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