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Communications :

SUR LES ANCIENNES RECHERCHES

DE

TERRAIN HOUILLER A MENIN

PAR

X. STAINIER

Docteur en sciences naturelles.

La découverte du bassin houiller de la Campine a donné un regain d'actualité aux tentatives anciennes que l'on a faites pour découvrir de nouveaux bassins houillers au Nord des anciens bassins.

En venant à mon tour fournir des renseignements sur ces tentatives, je n'ai aucunement l'intention, comme d'autres, de vouloir diminuer le mérite de ceux qui ont contribué à la découverte du bassin campinois. Bien au contraire, si, dans certains milieux incompétents, on a fait un grief aux inventeurs d'avoir eu des prédécesseurs, cela prouve tout simplement que dans ces milieux on ignore totalement comment se font les découvertes. Si quelqu'un avait tenté de pratiquer des recherches dans le Nord de la Belgique sans qu'aucun indice, aucune tentative antérieure n'existât, celui-là eût été un fou, et si, par aventure, il eût réussi, il n'aurait pu en attribuer le mérite qu'au hasard. Par contre, celui-là fait œuvre de génie qui, s'armant des renseignements fournis par l'expérience antérieure, même infructueuse, en tire une synthèse et un concept fécond.

Cela dit, j'entre en matière. M. le Directeur général honoraire des mines Harzé a rappelé avec soin toutes les tentatives que l'on a faites pendant plus d'un siècle, peut-on dire, dans l'ordre d'idées qui nous occupe.

Cet historique présente au point de vue philosophique un vif intérêt, car il nous montre par quelle longue élaboration la pensée humaine doit passer pour aboutir à un résultat définitif, après des tâtonnements, des

1903. PROC.-VERB.

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reculs et des pas en avant. A cet égard, on peut considérer comme un recul les recherches faites à Menin. En effet, les recherches si lointaines des frères Castiau, à Audenarde, recherches qui ont été exhumées avec tant d'à-propos par M. le Directeur général des mines J. Dejaer, ces recherches, dis-je, ont montré combien on avait alors des idées justes et scientifiques sur les principes géologiques qui doivent présider à ce genre de recherches. Au contraire, le sondage de Menin, relativement récent, n'est que le produit de concepts faux, basés sur des renseignements inexacts, pour ne pas dire plus (1).

Pour ceux qui ne sont point familiarisés avec les principes géologiques, il semble dur d'admettre qu'un bassin houiller doive nécessairement avoir des limites. La cupidité aidant, on s'imagine volontiers que l'on peut poursuivre indéfiniment des recherches pour étendre les limites de bassins connus ou pour en trouver de nouveaux. Une fois engagé dans cette voie, le moindre indice suffit pour engager des gens aventureux à se lancer dans de coûteuses tentatives, car, comme on l'a dit, volontiers on croit ce que l'on espère. C'est ce qui est arrivé pour Menin vers 1860. De nombreux sondages pratiqués dans la Flandre française avaient montré très nettement la limite Nord du bassin du Pas-de-Calais et avaient rencontré le calcaire carbonifère sous les mortsterrains, quand un sondage fut pratiqué à Halluin, à 6 kilomètres au Sud de Menin. Ce sondage aurait, paraît-il, recoupé 21.60 de terrain houiller, qui aurait donc constitué le commencement d'un nouvean bassin houiller s'étendant vers le Nord dans la Flandre occidentale. Nous dirons tout à l'heure ce qu'il faut penser de cette prétendue découverte de Houiller à Halluin. Quoi qu'il en soit, un entrepreneur de sondages, M. A. d'Yochet, de Menin, s'appuyant sur la découverte de Halluin, parvint à décider des capitalistes à pratiquer un sondage de recherche à Menin. Ce sondage, poussé au delà de 500 mètres, recoupa des terrains plus anciens que le Houiller, comme nous le montrerons tout à l'heure.

Nous avons eu dernièrement la bonne fortune de retrouver un des rares documents qui ont été produits par M. d'Yochet pour étayer sa théorie du bassin houiller de la Flandre occidentale. Comme ce document n'a reçu qu'une publicité extrêmement restreinte, nous croyons bon de le reproduire ici sous une échelle moindre (un quart de l'échelle

(1) Au cours de la lecture de ma communication, M. Van den Broeck a annoncé qu'il possédait des renseignements très curieux, qui jettent un jour nouveau sur ce point de la question. Il a annoncé qu'il ferait une communication prochainement à ce sujet.

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tuellement toutes les annotations que cette coupe porte à l'original. Nord-Sud et passant par Menin. Nous donnons aussi ci-dessous texoriginale). Ce document consiste en une coupe vraisemblablement

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Ingénieur en chef des Mines, Employé dans le département du Nord,

ET D'APRÈS LES SONDAGES EXÉCUTÉS POSTÉRIEUREMENT A CE TRAVAIL, POUR SERVIR AUX RECHERCHES DU BASSIN HOUILLER
PRÉSUMÉ DANS LA FLANDRE OCCIdentale (BelgiqUE), DRESSÉE PAR LE SOUSSIGNÉ A. D'YOCHET.

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1. Terrain de diverses natures: argiles noires, sables, craie, dièves; dits morts-terrains.

2. Terrain houiller. Bassin du Nord et du Pas-de-Calais. Couches de houille exploitées.

3. Calcaire carbonifère dit «< pierre de Tournay ».

4. Dépôt houiller présumé. Couche de houille présumée.

La coupe porte encore pour différents sondages qui y figurent les indications spéciales suivantes :

Sondage de Halluin terrain houiller rencontré à Halluin sur 21m,60.

Sondage de Seclin : fin du bassin houiller reconnu à Seclin par sondage.

Comme on peut le voir aisément à l'inspection de cette coupe, M. d'Yochet supposait qu'au delà d'un relèvement du calcaire carbonifère, un nouveau bassin houiller se reformait plus au Nord dans la Flandre occidentale. La seule preuve que l'on eût de l'existence de ce nouveau bassin consistait dans la rencontre du terrain houiller au sondage de Halluin. Il serait évidemment très intéressant de savoir exactement à quoi nous en tenir au sujet de ce sondage, dont la coupe n'a jamais été publiée à notre connaissance. Le cahier de sondage existe encore, paraît-il, en possession de M. Lemaître, fils du maire qui était en fonctions à Halluin à l'époque du sondage. Malgré mes démarches, je ne suis pas parvenu à me procurer ce cahier. Quoi qu'il en soit, d'après l'état de nos connaissances, il est bien certain que le terrain houiller n'a pu être recoupé à Halluin. M. G. Dewalque a publié jadis la coupe du puits pratiqué par M. d'Yochet à Menin (1). De cette coupe, il ressort que vraisemblablement le sondage a recoupé le poudingue devonien moyen (poudingue d'Horrues), reposant sur les phyllades du Silurien. Ultérieurement, un autre sondage pratiqué à Menin, à la brasserie Lannoy, a recoupé la dolomie du Frasnien (2).

Par conséquent donc, si réellement à Halluin on a, comme l'indique la coupe d'Yochet, recoupé 21,60 de terrain que l'on pouvait confondre avec le Houiller, c'est que l'on y a traversé des schistes noirs appartenant soit aux schistes de la Famenne (Devonien supérieur), soit, et plus vraisemblablement, des calschistes tournaisiens (Carbonifère inférieur).

Comme on le voit, toute l'histoire de la tentative de Menin, en mettant les choses au mieux et sans suspecter la bonne foi de ses promoteurs, cette histoire se résume dans une recherche basée sur une grosse erreur de détermination de terrains.

Ajoutons, pour être complet, que l'histoire n'a pas même servi à

(1) Cf. Ann. Soc. géologique de Belgique, t. I, Proc.-verb., p. 75.

(2) Cf. VAN ERTBORN et COGELS, Mélanges géologiques, fasc. I, 1880, p. 43. A. RUTOT, Bull. Soc. belge de Géol., de Paléontol. et d'Hydrol., t. I, 1887, MÉM., p. 22.J. GOSSELET, Ann. Soc. géol. du Nord, t. VII, pp. 79 et 188.

prémunir les habitants de Menin contre de nouvelles << surprises »>, tant la mémoire humaine est courte. En effet, dans la grande période de fièvre de recherches que nous venons de traverser, je me rappelle avoir, en 1900, coupé dans un journal quotidien l'entrefilet suivant, qui se passe de commentaires :

« Une société anonyme vient de se constituer à Menin dans le but de pratiquer des sondages près de cette ville, non loin de la porte de Bruges, où se trouverait, assure-t-on, un gisement houiller. Des recherches faites il y a une quarantaine d'années auraient permis de constater l'existence d'un terrain houiller à 190 mètres de profondeur, mais les gisements ne parurent pas cependant propres à l'exploitation. Certains ingénieurs prétendent que le sol, dans cette partie de la vallée de la Lys, recèle des veines de houille, mais que le combustible se trouve enfoui à une profondeur supérieure à 300 mètres. C'est ce que les recherches projetées ont pour but d'étudier. »>

M. Rutot, relativement à cette communication, rapporte que la recherche du Houiller, à Menin, a donné lieu à la création d'une légende d'après laquelle tout géologue, opérant dans cette partie du pays, est désigné sous le nom de koolman; c'est ainsi notamment qu'il fut appelé lors des levés géologiques qu'il fit dans la Flandre.

M. le baron van Ertborn rappelle que la coupe du sondage de Menin a été publiée par M. Dewalque dans les Annales de la Société géologique de Belgique.

Il signale aussi, quant à ces prétentions d'avoir rencontré le Houiller, que semblable assertion avait été faite de même dans la vallée de la Senne, au Sud de Droogenbosch, dans la direction de Tourneppe, où l'on disait également avoir trouvé du Houiller, alors que, en réalité, il s'agissait de schistes cambriens décomposés.

M. Van den Broeck, qui a été appelé naguère à examiner cette question de la houille à Menin, sera heureux de pouvoir fournir, à la suite du travail de M. Stainier, quelques données complémentaires au sujet de la coupe manuscrite montrée par celui-ci au cours de sa communication. Il possède un exemplaire imprimé, et plus détaillé, de cette coupe, ainsi qu'une série de documents complémentaires qu'il s'occupera ultérieurement de mettre en ordre.

M. E. Putzeys prend ensuite la parole et fait la communication que nous reproduisons ci-après.

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