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Cela est tellement vrai, qu'il a fallu l'intervention des services de Paris pour mettre en lumière les épidémies locales et les cas isolés de fièvre typhoïde qui se présentent dans les bassins sourciers; ce sont eux qui ont endossé les charges de la désinfection, ce sont eux qui suivent les convalescents dans leurs changements de domicile. Tout cela se fait avec un ordre, une précision admirables, parce que la santé de Paris est en jeu, et cependant, si la méthode est bonne, comment se fait-il que les administrations locales ne l'adoptent pas et pourquoi leur inertie fait-elle contraste avec l'activité du service sanitaire de la capitale?

N'est-il pas évident que si chacune des communes situées dans les bassins sourciers de la Dhuis, de la Vanne et de l'Avre faisait, pour l'alimentation en eau qui lui est propre, ce que fait Paris, des épidémies seraient évitées et que les services de la capitale se trouveraient singulièrement soulagés?

Il n'en est pas ainsi parce que l'organisation d'une surveillance locale nécessite des frais que de petites communes ne se soucient pas de réclamer sous forme d'impôts; dépenser de l'argent pour se garer d'un danger, c'est poser un acte de prévoyance qui ne frapperait pas suffisamment l'esprit des électeurs. Il suffira de dire que c'est l'enquête faite par les soins des services parisiens qui a permis de constater que la source de Poélay, servant à l'alimentation de la ville de Verneuil, ést souillée par ses propres déjections, pour apprécier ce que l'on pourrait attendre d'une surveillance exercée par l'administration municipale elle-même.

On doit donc considérer comme dangereux pour toute autre ville le système accepté pour Paris, puisque, dans les régions où tant de recherches intéressantes ont été faites, il se trouve encore des administrations aussi peu soucieuses de la santé de leurs commettants.

N'oublions pas non plus que s'il est fâcheux de voir mettre en décharge des sources destinées aux aqueducs parisiens, parce que leur situation est temporairement compromise, cette opération n'est pas de nature à suspendre le service; elle le rend plus difficile à certains moments, comme en témoignent les observations de la Direction, mais, de même que l'augmentation de dépenses qu'occasionne la surveillance n'influe pas sur le budget, de même le service ne se ressent pas trop des suppressions ordonnées. Tel est le cas, par exemple, pour la source du Miroir, dont le débit est de 14 000 mètres cubes par jour et dont la mise en décharge est ordonnée depuis fin septembre 1900.

Qu'une autre ville eût pris possession de cette source, capable

d'assurer l'alimentation de 80 à 100 mille habitants, se représente-t-on bien ce que serait la situation d'une population réduite à l'alternative ou de s'empoisonner ou de suspendre son service!

M. l'ingénieur Babinet a pu exprimer, au sujet des sources vauclusiennes, une opinion vraie à ne considérer que Paris; nous plaçant à notre point de vue également, nous l'avons combattue en séance du 25 février 1901, en disant que nous nous plaisions à croire qu'il n'est pas en Belgique un ingénieur qui, ayant le sentiment de la responsabilité qui pèse sur lui le jour où il est chargé de l'alimentation d'une ville, oserait, de propos délibéré, dériver, vers l'agglomération à desservir, une source vauclusienne.

J'ajoutais que les pouvoirs publics n'ont pas le droit de projeter la distribution d'une eau alimentaire si elle ne donne pas toute garantie de pureté, que le doute n'est pas permis en pareille matière, que les certitudes les plus formelles doivent être acquises et qu'il importe, en outre, l'eau étant reconnue irréprochable comme provenance, de surveiller attentivement et d'une façon incessante l'envoi vers les agglomérations de l'eau captée.

Je terminais en disant qu'il m'avait paru utile de combattre la manière de voir de M. l'ingénieur Babinet, parce qu'il était à craindre que sa théorie relative aux sources vauclusiennes, étant plus récente, fût jugée meilleure que la nôtre, ce qu'il fallait éviter.

J'ai indirectement appris que M. Babinet s'était défendu d'avoir émis une «< théorie », ainsi que j'avais cru pouvoir le dire ici même, il y a deux ans.

Je tiens à déclarer que mon plus vif désir est de ne pas prêter aux savants dont je discute l'avis, une manière de voir qu'ils n'ont pas ; mais on conviendra que les discussions scientifiques deviendraient impossibles si des questions de «< mots » devaient séparer les personnes qui n'ont d'autre objectif que le bien public.

Attaché au service des eaux de la capitale, ce savant ingénieur, appelé à renseigner les sources capables de compléter ce service, a probablement reconnu que si l'on mettait à l'écart les « sources vauclusiennes », le problème serait insoluble; c'est là chose infiniment probable et que je n'ai pas à discuter.

Toujours est-il que l'opinion de ce savant ingénieur et le sentiment de la Commission au sujet de la sécurité offerte par la surveillance médicale menacent d'être érigés en théorie et que les événements ont montré que notre crainte était justifiée; nous en avons trouvé la preuve

dans le travail de M. Le Couppey de la Forest sur les eaux de sources, ainsi que dans les savantes études de M. Fournier.

L'exposé de la méthode employée par la Ville de Paris pour l'étude des eaux de sources, par M. Le Couppey de la Forest, donne le texte d'une conférence faite à la Société des Sciences de l'Yonne, le 3 juillet 1902, à l'occasion des recherches au sujet des causes de l'épidémie de fièvre typhoïde d'Auxerre, qui avait donné de l'inquiétude à Paris.

Ce travail témoigne nettement de la tendance de son auteur à appliquer, d'une façon générale, les résultats de la grande expérience qu'il a acquise dans l'exploration des bassins sourciers de Paris, à tous les bassins sourciers quels qu'ils soient.

M. Le Couppey de la Forest, après avoir analysé les conditions dans lesquelles doit être faite l'étude d'une source lorsqu'on en projette la dérivation, termine en disant que « par l'exécution de travaux, tels que le contournement de certains points dangereux ou le revêtement imperméable de certains lits trop poreux, on pourra conjurer quelques-uns des inconvénients et faire que des sources considérées comme mauvaises pourront être conservées, au contraire, dans d'excellentes conditions (1) ».

Précédemment, parlant d'une étude épidémiologique, à mener parallèlement à l'étude géologique, l'auteur déclare que cette enquête a, entre autres, comme but « l'organisation future de la surveillance médicale dans tout le périmètre d'alimentation (2) ».

Je considère, Messieurs, cette double manière de voir, reflet de ce qui se fait pour Paris, comme extrêmement dangereuse, parce qu'elle consacre l'opération détestable qui consiste à mettre à contribution les sources vauclusiennes.

Comment pourrait-on prétendre organiser sérieusement, et surtout efficacement, la surveillance médicale de tout le périmètre d'alimentation des centaines de sources qui desserviront des centaines de localités, depuis la grande ville à population importante jusqu'à l'humble village abritant quelques habitants?

Telle serait bien la situation en Belgique, si l'on prétendait accepter de telles conclusions.

Qui oserait assumer une semblable responsabilité, lorsqu'on sait qu'en région calcaire il suffit qu'un paysan creuse une fosse à purin à

(1) Méthode employée par la Ville de Paris pour l'étude des eaux de sources, par M. MAX LE COUPPEY DE LA FOREST, p. 14.

(2) Idem, p. 12.

Il est inutile de chercher la perfection du moment que les eaux nouvelles seront mélangées à celles de l'Avre.

C'est encore dans ce même ordre d'idées que M. l'ingénieur Babinet, après avoir dit : « Une source peut être dite vauclusienne lorsqu'elle est alimentée par des écoulements superficiels à travers des terrains dont les fissures sont trop larges pour en assurer l'épuration dans des conditions satisfaisantes »>, a pu ajouter : « On ne peut songer à interdire l'emploi des eaux vauclusiennes, car les sources les plus abondantes, indispensables pour alimenter les grandes agglomérations d'hommes, leur doivent souvent une partie de leur fort débit. Dans les terrains calcaires, c'est le cas général. »

Résumant ce qui précède, on peut en conclure qu'une pureté irréprochable de l'eau de source ne représente pas, pour la ville de Paris, la condition primordiale de sa dérivation, et que cette non-pureté originelle peut être admise, si elle a pour corollaire la surveillance attentive des bassins sourciers.

L'énormité des masses d'eau à dériver, si l'on s'en tient au programme d'une alimentation en eau de source aussi large que celle prévue, peut effectivement rendre nécessaire pour Paris une telle manière de voir, que nous n'avons ni à approuver ni à désapprouver, car pour prendre position en semblable matière, il faut posséder tous les éléments du sujet.

Mais si nous n'avons pas qualité pour apprécier ce qui se fait pour Paris, il est de notre devoir de rechercher si la manière de voir jugée bonne pour cette capitale (dérivation de sources vauclusiennes après amendement, sous réserve d'une inspection médicale incessante) serait tolérable en d'autres circonstances.

Ici, je n'hésite pas à me déclarer pour la négative et à exprimer le regret de constater que des savants aient pu se laisser entrainer à proposer l'imitation de ce qui ne peut et ne doit pas servir d'exemple.

J'ai dit en maintes occasions, et je ne puis me dispenser de le répéter, que ce qui est peut-être acceptable pour Paris, ville unique, n'est pas pour ce fait de bonne application pour d'autres villes et surtout pour les petites villes et pour les villes de moyenne importance, qui sont très nombreuses.

Tout d'abord, n'oublions pas que les services d'inspection des bassins sourciers livrant l'eau à Paris sont outillés comme aucune ville ne peut l'être; ce qui serait pour d'autres une charge écrasante, réclame ici un surcroît de dépenses qui n'apparaît pas dans un budget colossal.

Cela est tellement vrai, qu'il a fallu l'intervention des services de Paris pour mettre en lumière les épidémies locales et les cas isolés de fièvre typhoïde qui se présentent dans les bassins sourciers; ce sont eux qui ont endossé les charges de la désinfection, ce sont eux qui suivent les convalescents dans leurs changements de domicile. Tout cela se fait avec un ordre, une précision admirables, parce que la santé de Paris est en jeu, et cependant, si la méthode est bonne, comment se fait-il que les administrations locales ne l'adoptent pas et pourquoi leur inertie fait-elle contraste avec l'activité du service sanitaire de la capitale?

N'est-il pas évident que si chacune des communes situées dans les bassins sourciers de la Dhuis, de la Vanne et de l'Avre faisait, pour l'alimentation en eau qui lui est propre, ce que fait Paris, des épidémies seraient évitées et que les services de la capitale se trouveraient singulièrement soulagés?

Il n'en est pas ainsi parce que l'organisation d'une surveillance locale nécessite des frais que de petites communes ne se soucient pas de réclamer sous forme d'impôts; dépenser de l'argent pour se garer d'un danger, c'est poser un acte de prévoyance qui ne frapperait pas suffisamment l'esprit des électeurs. Il suffira de dire que c'est l'enquête faite par les soins des services parisiens qui a permis de constater que la source de Poélay, servant à l'alimentation de la ville de Verneuil, est souillée par ses propres déjections, pour apprécier ce que l'on pourrait attendre d'une surveillance exercée par l'administration municipale elle-même.

On doit donc considérer comme dangereux pour toute autre ville le système accepté pour Paris, puisque, dans les régions où tant de recherches intéressantes ont été faites, il se trouve encore des administrations aussi peu soucieuses de la santé de leurs commettants.

N'oublions pas non plus que s'il est fâcheux de voir mettre en décharge des sources destinées aux aqueducs parisiens, parce que leur situation est temporairement compromise, cette opération n'est pas de nature à suspendre le service; elle le rend plus difficile à certains moments, comme en témoignent les observations de la Direction, mais, de même que l'augmentation de dépenses qu'occasionne la surveillance n'influe pas sur le budget, de même le service ne se ressent pas trop des suppressions ordonnées. Tel est le cas, par exemple, pour la source du Miroir, dont le débit est de 14 000 mètres cubes par jour et dont la mise en décharge est ordonnée depuis fin septembre 1900.

Qu'une autre ville eût pris possession de cette source, capable

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