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gonflée par les pluies, cet ensemble de conditions, voire une seule de ces conditions, d'autant mieux faites pour séduire qu'elles rendent singulièrement plus aisée la solution du problème, cet ensemble de conditions, dis-je, sera de nature à provoquer des désastres. Aussi, j'ai cru qu'il était de mon devoir de signaler le danger qu'il y a à interpréter pour un autre milieu que celui où elles ont surgi, les opinions que je viens de rappeler, parce que, tôt ou tard, si elles étaient admises en Belgique, elles y amèneraient le deuil.

En voulant sauver la source d'Arcier de Besançon, en application de ce qui se fait pour Paris, un savant en est arrivé par une pente insensible à faire fi, en réalité, de ce que nous enseigne la science.

Ouvrez, Messieurs, n'importe quel traité d'hygiène publique. Vous y lirez qu'il est une maladie qui, insidieusement, fait des ravages incessants; vous y lirez que dans ses paroxysmes, qui jettent l'affolement dans les populations, cette maladie fauche la jeunesse, à laquelle elle s'adresse de préférence; que dans de nombreux cas, presque toujours en cas d'épidémies, elle est d'origine hydrique; comme vous lirez aussi que c'est, avec le choléra, une des maladies contre lesquelles il est le plus aisé de lutter en fournissant de bonnes eaux aux villes, vous reconnaîtrez avec moi qu'il n'est pas de compromission possible avec un tel ennemi.

Il est évident que la Commission de perfectionnement de l'Observatoire de Montsouris et ses collaborateurs ne sont pas responsables de l'interprétation générale donnée à leur avis sur un cas particulier et qu'on aurait fort mauvaise grâce à leur faire grief des services qu'ils ont rendus... Ce serait excessif. Cependant, à la décharge des savants qui ont appuyé leur manière de voir sur l'exemple qui leur était donné, il convient de dire que les rapports de la Commission n'établissent pas, d'une façon nette, que les conclusions ne visent que les eaux de Paris.

C'est cette ambiguïté qu'il est désirable de faire disparaître, sans quoi nous risquons fort de voir, à bref délai, consacrer dans des ouvrages techniques cette idée antiscientifique que l'on peut, sous réserve de certains amendements, utiliser les sources vauclusiennes pour l'alimentation. Ce serait là une singulière conclusion donnée aux beaux travaux de la Commission et aux intéressantes découvertes dues à la légion d'explorateurs qui ont marché sur les traces de M. Martel.

Si cette conclusion déplorable venait à être imprimée, comme elle serait rééditée une série de fois, par suite du phénomène de répétition qui afflige la littérature technique, elle risque fort de se transformer en vérité scientifique qu'il sera fort difficile d'extirper par la suite.

Il est indispensable que l'on remonte le courant fâcheux d'opinion qui tend à faire admettre que des sources sont dignes de participer à l'alimentation des agglomérations humaines quand elles sont sujettes à des contaminations temporaires.

Il est désirable que l'on se pénètre bien de cette idée que si, dans nos demeures, « il est vain d'espérer une eau de boisson privée de germes (1) », il est parfaitement possible d'obtenir une eau pratiquement stérile au sortir du sol.

J'entends dire que l'examen microscopique ne révélera que quelques rares colonies, une dizaine par exemple, dues non à l'eau, mais à l'imperfection des moyens dont nous disposons pour opérer les prélève

ments.

Il est non moins désirable que l'on sache que s'il est impossible de faire arriver l'eau au robinet du consommateur dans ce même état de pureté, l'augmentation du titre microbien ne doit être que le résultat, indifférent pour la santé publique, d'un contact avec l'air et que, dans ces conditions, même la présence du bacterium coli est un fait banal. Mais ce qui n'est pas banal, ce qui doit provoquer la condamnation de la source, c'est cette même présence du bacterium coli à l'émergence, parce qu'elle représente le témoin d'une filtration imparfaite.

Si l'élaboration de l'eau doit se faire dans un sol dont la surface est habitée par l'homme et si, dans son terme final, à l'émergence, elle se montre impuissante à éliminer le bacterium coli, la source est suspecte et ne peut être acceptée pour l'alimentation; et ce qui est dit du bacterium coli devient dès lors vrai pour les autres germes.

C'est dans ces termes qu'il convient que l'ingénieur hydrologue et le géologue se confinent; on doit considérer comme dangereusement paradoxale, la théorie qui déclarerait qu'il importe peu que l'eau de source renferme 150 ou 200 colonies microbiennes à l'émergence, puisque fatalement elle les présentera au robinet.

Également, si l'on a pu admettre une surveillance incessante des bassins sourciers comme capable de préserver la population parisienne d'épidémies de fièvre typhoïde, c'est à titre exceptionnel. La règle générale pour l'ingénieur hydrologue et le géologue doit être que, seules, les zones de protection naturelle des eaux sont acceptables; dès lors la surveillance médicale est une superfétation. Lorsqu'une source, dans une contrée habitée, se présente dans des conditions telles qu'il n'est pas possible, par la création de zones de protection naturelle, de s'en

(1) Travaux des années 1899 et 1900 sur les eaux de l'Avre et de la Vanne,

p. 8.

emparer avec la certitude qu'elle peut, à moins d'une faute commise par le personnel, échapper en tout temps à la contamination, cette source devra être déclarée inutilisable pour l'alimentation.

(Applaudissements.)

Au sujet de cette communication, M. Kemna ajoute quelques détails à son étude sommaire du travail de la Commission de Montsouris et s'exprime comme suit :

M. AD. KEMNA.

Les eaux de Paris. Note complémentaire au sujet du Troisième Rapport de la Commission de Montsouris.

Dans la séance du 19 mai 1905, j'ai rendu compte du troisième rapport de la Commission de Montsouris sur les eaux de Paris. Je voudrais communiquer aujourd'hui à la Société quelques nouvelles récentes, peu importantes par elles-mêmes, mais symptomatiques de l'état des esprits. Pour quelques-unes des considérations qu'elles m'ont inspirées, je me suis rencontré avec M. Putzeys, non seulement dans les idées, mais parfois même dans l'expression. M. Putzeys prémunit les administrations contre une imitation trop servile de l'exemple de Paris. Les faits nouveaux que je donne ne peuvent que renforcer cet avertissement salutaire et opportun.

Dans une séance du Conseil municipal de Paris, il y a quelques jours, sur un rapport de M. Navarre, a été votée l'acquisition des sources de Cailly, au prix de 280,000 francs. Le rapport de M. Navarre disait que par l'acquisition de ces sources, on pourrait éviter de devoir capter le courant des Boscherons et les eaux du Val-d'Orléans.

Ceci est, comme on a pu le voir, tout à fait conforme aux idées de la Commission de Montsouris. Mais le préfet, M. de Selves, a aussitôt fait des réserves et demandé la disjonction des conclusions. On a donc voté uniquement l'acquisition des sources de Cailly.

Il semble donc que le Service technique n'a pas définitivement renoncé aux eaux, de qualité fort douteuse, du courant des Boscherons et du Val-d'Orléans. Un indice de ces dispositions est fourni par un article de journal, que l'on peut croire inspiré par le Service technique. Dans le numéro du 2 juillet de l'Entreprise et l'Industrie, sous le titre : << L'adduction de nouvelles eaux de source de Paris », il est d'abord insisté sur l'insuffisance de l'alimentation et sur l'urgence d'un supplé ment. L'auteur continue comme suit : « Bien que les renseignements

du Service des eaux ne soient rien moins que rassurants, certains pessimistes prétendent que, suivant l'habitude, le rapport administratif ne dit que la moitié de la vérité et qu'il faut voir la situation plus grave encore qu'on ne l'expose. On sait que le projet de l'administration comportait plusieurs parties d'abord la captation de diverses sources de la région de l'Avre destinées à parfaire l'alimentation de l'aqueduc de l'Ouest, qui est incomplète; il n'amène à Paris au maximum que 1 200 litres d'eau par seconde, alors que la capacité permettrait un apport de 1 800 litres; puis, dans la région de la Loire, la captation, dans le Val-d'Orléans, de 5 000 litres d'eaux reconnues par la Commission de Montsouris pour être des eaux de rivière dégrossies et rafraichies, susceptibles d'emploi sans préparation pendant la plus grande partie de l'année. »

La Commission de Montsouris a, en effet, déclaré que le Val-d'Orléans donnait une eau de rivière, mais nullement que, pendant la plus grande partie de l'année, cette eau pourrait être employée sans préparation. Nous avons eu soin de citer textuellement ce passage du rapport dans notre étude, et le lecteur pourra voir qu'il n'y a aucune restriction du genre de celle qu'on introduit maintenant.

Des choses de ce genre paraissent à première vue inexplicables; on ne comprend guère la ténacité du Service technique à vouloir malgré tout amener des eaux plus que douteuses. Voici, je crois, la raison : Quand on a construit l'aqueduc de l'Avre, on l'a fait trop grand pour les sources que l'on captait, afin de pouvoir y ajouter, par la suite, d'autres sources encore; dès cette époque, on aura songé au courant des Boscherons, peut-être même au Val-d'Orléans. Également à cette époque, il y a de cela une quinzaine d'années, le contrôle scientifique n'avait pas beaucoup à dire et le Service technique faisait un peu ce qu'il voulait. Mais depuis lors est intervenue la Commission de Montsouris, qui condamne les sources dont le captage était depuis longtemps arrêté dans la pensée du Service technique, et celui-ci se trouve donc dans une situation des plus difficiles. Son intention paraît être de passer outre à l'opposition des hygiénistes et de poursuivre le développement de son système.

L'attitude du préfet, tant à la Commission de Montsouris qu'au Conseil municipal, permet de croire que l'autorité administrative partage cette manière de voir et appuiera le Service technique.

Il me semble peu probable que l'opposition des hygiénistes puisse être vaine. La Commission de Montsouris souvent tâtonne, parfois s'égare; la facilité de parole dans la hâte de l'improvisation amène un

peu de gaîté dans la littérature hydrologique; mais l'observateur étranger aurait tort de juger uniquement sur ces apparences extérieures. La Commission prend son rôle très au sérieux. On ne saurait avoir assez d'admiration et d'éloges pour le courage avec lequel elle a exposé la situation vraie, sans aucune réticence. On sent à chaque page qu'elle est animée du désir de bien faire, et, chose surtout remarquable, elle a su se garder des emballements. Le Service technique et l'autorité administrative se tromperaient, je crois, s'ils confondaient ces critiques avec les oppositions bruyantes qu'ils ont rencontrées jusqu'ici. Mazarin aimait à entendre chanter les Parisiens. On doit se méfier des gens qui ne crient point. La Commission a déjà obtenu un résultat : c'est de faire admettre comme une nécessité éventuelle la purification préalable de certaines sources. Le Service technique essaie d'échapper à cette complication. Je crois que ce n'est qu'une tentative. Si la Commission persiste, avec calme, mais avec décision, elle aura gain de cause. Le Service technique utilisera toute la capacité de l'aqueduc de l'Avre et augmentera son débit de 50%; il captera au moins les Boscherons parce que, dans la situation actuelle, c'est probablement de loin le projet le moins coûteux et le plus pratique; mais il le filtrera. Et ce sera pour le plus grand bien de tout le monde.

M. Van den Broeck donne ensuite lecture de la note ci-après :

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(Note additionnelle relative à la critique des conclusions

de MM. Fournier et Magnin.)

Lorsque MM. Fournier et Magnin, dans leur récente Note à l'Académie des Sciences de Paris (1), exposent les éléments de comparaison et les résultats expérimentaux qui leur ont permis d'affirmer que dans les conduites souterraines des terrains fissurés, l'amidon circule avec une vitesse considérablement plus grande que la fluorescéine, ils citent,

(1) E. FOURNIER et A. MAGNIN, Sur la vitesse d'écoulement des eaux souterraines. Comptes rendus de l'Académie des Sciences de Paris, t. CXXXVI, no 14 (6 avril 1903), pp. 910-912.

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