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plus aptes à se propager dans le grand public qu'elles ont été, dans le cas présent, publiées, sous une forme trop brève, et permettant des interprétations inexactes, dans le savant recueil hebdomadaire de l'Institut de France (1).

ANNEXE.

Parmi les bases d'appréciation que MM. Fournier et Magnin donnent, dans leur article du 6 avril dernier, à l'Académie des sciences, pour appuyer leurs conclusions sur les différences de vitesse de la fluorescéine et des autres substances employées, ils citent encore l'expérience Jeannot à la source d'Arcier, près Besançon, qui a fourni 9 heures 30 minutes pour la durée de cheminement du sel, en opposition avec 92 heures pour la fluorescéine.

Or M. Fournier fournit lui-même, dans le document officiel de son Rapport sur les causes de contamination de la source d'Arcier, daté du 12 mars 1902 et adressé à M. le préfet du Doubs, la démonstration des conditions expérimentales d'une telle divergence de dates, qu'il n'est pas admissible de chercher à les mettre en rapport de comparaison dans leurs résultats. On lit en effet, page 4 de ce rapport, qu'il s'agit, en premier lieu, d'une expérience faite en 1886 par M. Jeannot, directeur des eaux de la ville de Besançon, qui jeta 1 000 kilogrammes de sel marin dans l'entonnoir de Nancray, déversement ensuite duquel un alignement de résurgences partielles montra, après 4 heures, l'arrivée de la solution à la « source » du Grand-Vaire, puis à Courcelles et enfin à la source d'Arcier (qui alimente Besançon) au bout de 9 heures 30 minutes.

Quant à l'expérience à la fluorescéine, elle fut exécutée le 23 avril 1894, soit huit ans plus tard, par M. Jeannot et quelques amis, qui constatèrent, outre une coloration aux résurgences du Grand-Vaire et de Courcelles, que 93 heures après le jet l'eau arrivait verte en ville par le captage de la source d'Arcier.

On conviendra qu'il n'y avait pas lieu d'essayer de baser des conclusions sur la vitesse comparative des diverses substances expérimentées dans de telles conditions.

(1) Les auteurs reconnaissent, en effet, eux-mêmes, de bonne grâce, que la forme trop succincte de leur Note à l'Académie, réglementairement limitée, est en grande partie cause des erreurs d'interprétation qu'elle peut provoquer, en laissant croire à des généralisations qui n'étaient pas dans la pensée de MM. Fournier et Magnin.

Comme corollaire à la note qui précède, M. Rahir expose au tableau noir les résultats obtenus il y a deux jours dans des expériences faites, par M. Van den Broeck et lui, sur la propagation de la fluorescéine dans un cours d'eau à ciel ouvert, favorablement disposé pour l'observation, résultats démontrant péremptoirement les conditions de la marche normale de celle-ci dans l'eau.

Une expérience au sujet du mode de propagation de la fluorescéine, par EDM. RAHIR.

Tout récemment nous avons eu l'occasion, M. Van den Broeck et moi, de faire une petite expérience sur le mode de propagation de la fluorescéine; cette expérience est en contradiction avec cette idée fausse selon nous émise par certains auteurs, que la marche de la matière colorante dissoute dans l'eau courante serait en retard sur la masse liquide qui la véhicule ou sur les corps flottants ou en suspension qui y sont entraînés.

Notre champ d'expérience était un petit ruisseau (voir la figure ci-jointe) dont la section entre A et B était de faible profondeur avec courant rapide et dont la section B-C était une cuvette remplie d'une eau tranquille dont la profondeur atteignait environ 0m,55. En A, en amont d'une petite cascade, nous déversons en une fois un récipient dans lequel 10 grammes de fluorescéine avaient été au préalable soigneusement dissous. La matière colorante a mis dix secondes à parcourir la distance entre A et B. Entre B et C, la fluorescéine a mis trente secondes à effectuer ce trajet, mais, au début, elle n'a coloré que le grand axe du bassin (voir la coupe); c'est-à-dire qu'elle a suivi le courant dans sa partie la plus rapide, la tête s'avançant sous forme de cône. Il était visible que les eaux de surface marchaient beaucoup plus lentement. Peu à peu la matière colorante a envahi le bassin tout entier. Nous avons pu constater ensuite que les corps flottants les plus légers mettaient quatre-vingt-dix secondes à effectuer le trajet B-C; c'est-à-dire que la vitesse était trois fois moins grande que celle de l'eau colorée par la fluorescéine.

La fin de l'expérience est également intéressante. L'eau, alors absolument incolore, s'avançait dans l'axe du ruisseau coloré, sous forme de cône très allongé (plan 2), et pendant longtemps encore l'élément liquide retenu contre les parois du bassin est resté coloré. Cela s'explique par ce fait physique bien connu, que la vitesse du courant est considérablement ralentie en ces points et par ce que les accidents

naturels du sol contribuent encore à augmenter ce retard dans certaines parties localisées, excavations, etc.

M. Van den Broeck et moi nous avons la conviction comme précédemment que la matière colorante dissoute dans l'eau, surtout à l'état d'extrême dilution comme peut l'être la fluorescéine, ne peut pas être en retard sur l'eau, qui fait corps avec elle.

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La masse liquide d'un cours d'eau présentant de grandes variétés de vitesses en ses divers points, suivant des causes multiples, on peut dire que telle ou telle partie du courant est en retard sur telle ou telle autre, mais on ne peut dire que la fluorescéine dissoute dans l'eau est en retard sur l'élément qui fait partie intégrante avec elle.

A la suite de cette communication, et tant pour la compléter que pour exposer les précautions à prendre pour constater la première apparition et la disparition de la matière colorante, M. E. VAN DEN BROECK fait observer avec quelle prudence, avec quelle sagacité même, il faut procéder quand on désire se rendre exactement compte- en l'absence de fluorescéine visible à l'œil nusi la matière colorante, infiniment diluée et visible au fluorescope seulement, est réellement présente ou non.

Soit, par exemple, le dispositif du croquis ci-dessous (1), considéré comme une coupe longitudinale de cours d'eau, dans lequel ABC représente la surface libre du liquide; A' B'C' le fond du lit; D la partie très colorée et visible à l'œil nu de la solution: D' D" D''', l'avant-garde ou tête de la fluorescéine de plus en plus diluée vers l'aval.

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Il s'agit, en l'espèce, d'apprécier l'instant de la première apparition, en I ou en II, de l'extrême tête affectée, mais invisible, D'"' : ce qui, du même coup, fournira une base d'estimation corrélative de la vitesse maximum de l'eau en mouvement (2).

Supposons maintenant qu'en vue de résoudre ce problème, l'observateur, placé en I ou en II, puise à la surface du cours d'eau, même dans sa partie supérieure centrale en C au-dessus de D" D'", un échantillon qu'il examine ensuite au fluorescope. Il ne verra rien, et cependant la tête colorée, mais diluée, D"" aura déjà dépassé les deux postes d'observation, mais elle sera localisée, bien entendu, à quelque distance sous le niveau des eaux, légèrement retardées, de la surface A B C. L'observation des postes I et II sera donc fautive et le résultat ne sera nul que parce qu'il aura été mal cherché.

Considérons maintenant la figure comme un plan, en faisant abstraction du peu important manque de symétrie de l'axe D D' D" D''' par rapport aux bords A B C et A' B' C'.

Ici encore, les observateurs des postes précédents auront beau puiser leurs échantillons sur les bords B B' et C C' du cours d'eau et les étudier au fluorescope, ils ne verront rien non plus, alors que s'ils avaient songé à puiser judicieusement dans la partie, très localisée, représentée en coupe par D' D" D''' (3), que les lois de l'hydrodyna

(1) Dans ce schéma, comme dans le suivant, il n'y a pas lieu de s'occuper de la question des dimensions relatives. D'une part, la queue de la fluorescéine doit être beaucoup plus allongée que la tête; d'autre part, la forme conique nécessitée par le défaut d'étendue du schéma, doit en réalité faire place à une forme cylindro-conique de la zone D' D" D"", beaucoup plus allongée et étirée.

(2) Dans le schéma ci-dessus, la zone D' D" D"" a été rendue beaucoup trop perceptible.

(3) Dans un canal régulier et rectiligne, le maximum de vitesse des filets liquides semble devoir se trouver au milieu de la largeur et aux deux tiers environ de la hauteur de la masse liquide en mouvement.

mique permettent de considérer comme coïncidant avec les filets d'eau les plus rapides du courant, ils auraient pu recueillir, sans coup férir, des échantillons qui, au fluorescope (sans que, rien à l'œil nu, ne pût faire déceler la présence de la matière colorante), se montreront constituer, spécialement en 1, l'avant-garde, la tête réelle du déversement de fluorescéine; renseignement qui, du même coup, fournira très exactement pour ce poste n° I la mesure de la vitesse maximum des filets liquides en mouvement dans le cours d'eau. En dehors des phénomènes de coloration retardataire, visible à l'œil nu, fluorescéine et même fluorescope ne donnent donc tous leurs résultats qu'à condition que l'on choisisse avec discernement et méthode les points d'échantillonnage.

Et c'est faute de précautions de l'espèce que tant d'idées fausses sur la prétendue divergence des vitesses de l'eau et des diverses substances expérimentées ont pu continuer à se maintenir et à rester admises dans la Science jusqu'ici.

Dans la figure suivante, on trouvera le schéma de la phase finale de l'expérience. Considérons-la d'abord comme un plan. Les zones A B C, A'B'C' représentent maintenant les régions des eaux retardées, sur les bords du cours d'eau, par suite du frottement et obstacles (anses et herbages dans la réalité). Une coloration assez vive, parfois même encore intense, caractérisera, au moins par place, après un certain temps, ces parages latéraux du cours d'eau, coloration qui ne se délaiera que lentement sous l'action aspirante continue du courant central, plus rapide. (Voir aussi le plan II de la figure insérée p. 399.)

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Qu'il soit posté en I, en II ou même en III, l'observateur constate pendant longtemps encore en A, B et C une coloration assez vive dans les régions du cours d'eau accessibles à sa vue, et il sera tenté de l'attribuer au passage prolongé des eaux affectées au point de déversement, en amont. Si maintenant nous considérons le dessin comme une coupe, on obtiendra le même résultat, c'est-à-dire que la surface retardée A B C montrera avec persistance le flot de fluorescéine, qui

1903. PROC.-VERB.

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