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milieu du courant, où devrait cependant l'attirer le maximum de vitesse; elle file parallèlement à la rive, ou se retarde dans ses anfractuosités; au contraire, projetée au milieu du courant, du sommet d'un pont, elle n'est pas seulement entraînée vers l'aval, mais en partie rejetée latéralement vers les bords par les remous de la surface, avec un retard sur la partie centrale, prenant la forme d'une pointe de flèche avec ses deux ailettes. Malgré la rapidité du courant, qui amène le brassage complet, la propagation reste inégale; elle témoigne de variations complexes de vitesse, même dans la partie centrale, et elle dénonce le délaissement en arrière d'une forte proportion de la couleur. Je ne veux pas tirer de conclusions de ces faits, si ce n'est pour dire que la coloration de portions séparées de grands cours d'eau, en des points espacés d'une même ligne de leur largeur, devra fournir des indications utiles à noter et des données sur les diversités d'allure des filets d'eau distants, ou contigus entre eux.

Dans la Tamina, également à Ragaz, avec un débit de 9 mètres cubes par seconde, une vitesse de 3 kilomètres par heure, une pente de 50 %0, une profondeur de 0 à plusieurs mètres et une largeur de 2 à 10 mètres, la diffusion est bien plus générale; cependant les anfractuosités des rives retiennent et retardent aussi de grandes quantités d'eau colorée et, quand il se rencontre un des fréquents bassins qui suivent presque toujours les cascades, l'eau colorée ne commence à s'écouler hors du bassin que quand celui-ci en est complètement rempli; pendant tout le temps, parfois long, requis pour ce remplissage, le torrent, en aval du bassin, continue sa marche en avant, qui précède celle de l'eau chargée de fluorescéine. Le fait est formel et se retrouve sous terre.

Dans un ruisselet calme et sinueux (la Salmouille à Marcoussis, Seineet-Oise), un parcours, pour la fluorescéine, de 365 mètres en 2 1/2 heures (soit 2m,43 de vitesse moyenne par minute) s'est décomposé ainsi : première section, courant prononcé, 60 mètres en 20 minutes; seconde section, 80 mètres en 55 minutes, courant ralenti par une vanne; troisième section, 15 mètres en 45 minutes, entre deux vannes; quatrième section, courant très prononcé, 210 mètres en 30 minutes. De menus flotteurs de papier, utilisant sans doute le lieu géométrique des points maximum de vitesse, ont été entraînés près de deux fois plus vite. Des rives bourbeuses et très herbacées semblaient attirer la coloration. Y aurait-il une question d'adhérence par viscosité à rechercher en ce cas spécial?

Sous terre, je ne citerai que mes derniers essais, déjà mentionnés, du mois de mai, à Padirac : dans le premier bassin (diamètre environ

25 mètres) des grands gours (vitesse de la fluorescéine 7 mètres à l'heure), j'ai vu la matière colorante se propager en éventail, en branches d'arbre, avec tendance au rebroussement latéral, comme sur le Rhin; ce bassin a mis plusieurs heures à se colorer complètement, tout en ne cessant pas de se déverser vers l'aval (comme à la Tamina), ce qui ne pouvait manquer de donner une réelle avance à la marche de son écoulement sur celui de la fluorescéine. Et il en a été de même de tous les autres.

On voit quel vague et quelles difficultés subsistent dans l'étude de la question je n'insinue tout ce qui précède qu'avec les plus formelles réserves et d'une manière tout à fait timide.

Et je conclus seulement :

1° Que les éléments constitutifs de la vitesse d'écoulement des cours d'eau, ainsi que les causes de variation de cette vitesse et l'influence des obstacles, sont encore fort mal connus;

2° Que les approfondissements et bassins semblent exercer, pour une raison à rechercher, un ralentissement plus apparent sur la fluorescéine que sur l'eau elle-même;

3° Que ce ralentissement apparent, anormal en théorie physique et chimique, s'il semble exister en application expérimentale, tient peutêtre uniquement à l'insuffisance de nos organes visuels et à la dilution de l'avant-garde de la fluorescéine;

4° Que l'emploi judicieux du fluorescope établira sans doute que ce ralentissement est, en effet, illusoire et provient de ce que les premières molécules entraînées de la fluorescéine sont diluées au point d'être invisibles à l'œil nu;

5o Que des expériences nombreuses devront êtres faites avec et sans fluorescope pour étudier la marche, comparée à celle de l'eau, de la tête des colorations visibles de la fluorescéine dans les cours d'eau de toute espèce, grands et petits, calmes et torrentiels, souterrains et extérieurs, avant de formuler aucune conclusion;

6o Et que, en matière de nappe phréatique, lentement propagée dans les terrains meubles très perméables, les conditions du problème se présentent toutes différentes.

M. le Secrétaire général propose ensuite la réunion d'un groupe de quelques membres qui, dans une séance privée prochaine, auraient à examiner la question de rédiger une synthèse faisant connaître tous les points paraissant définitivement acquis, ainsi que ceux restant à discuter et à élucider parmi les résultats et conclusions des travaux

nombreux présentés au cours de ces dernières séances sur cette intéressante question de la fluorescéine. Cette synthèse ainsi formulée par un comité de spécialistes, éclairés par les avis de nombreux confrères, aurait l'avantage de mieux mettre en relief les points principaux qui ont été examinés et résolus et dont l'utilité a été démontrée.

MM. Kemna, Rahir, Putzeys, Rabozée, Martel et Van den Broeck sont désignés pour faire partie de cette Commission, dont le travail figurera dans le Procès-Verbal de la séance de rentrée.

M. le Baron van Ertborn dépose sur le bureau l'analyse ci-dessous d'un mémoire de M. J. Lorié.

Notre confrère et ami, le Dr J. Lorié, a publié dans les Bulletins de la Société royale néerlandaise de Géographie un mémoire des plus intéressants intitulé : L'unité proposée de la période glaciaire. Il a bien voulu m'autoriser à le traduire, il a revu cette traduction et il a complété son travail en y ajoutant un cinquième chapitre.

L'auteur fait une étude critique des deux mémoires du D' Olof Holst et de ceux des Drs F. Geinitz et C. Gottsche sur la question; celle-ci peut être résumée ainsi d'après Geinitz : « Il est inutile de penser à >> des périodes interglaciaires bien déterminées, indépendantes, et l'on >> peut tout expliquer par de grandes oscillations du bord du Glacier, >> pendant une seule époque glaciaire. »

Les quatre auteurs dont les œuvres ont été soumises à l'étude de notre savant confrère, sont des Unitaristes convaincus, tandis que le Dr Lorié, d'autre part, n'en est pas moins un Interglaciariste convaincu. Le travail du Dr Lorié est donc du plus haut intérêt et nous avons l'honneur de le présenter de sa part à la Société.

Il est évident qu'une question de cette importance ne peut être tranchée ni en Belgique, ni en Hollande, pas même en Europe centrale, ni dans les Iles Britanniques; le nœud gordien gît dans la presqu'île scandinave : il y a lieu toutefois de tenir compte de l'allure de la glaciation dans le massif alpin et autres grands massifs montagneux. De nos jours, la Scandinavie présente une vaste région complètement rabotée; les roches archaïques sont presque partout au jour et toutes les autres formations ne sont plus représentées que par quelques lambeaux de Silurien et de Devonien. Les points culminants des Monts Dofrines atteignent à peine 2 300 mètres. Des fossiles ont été dragués entre la Norwège et l'ile de Jean Mayen à une profondeur de 2 500 mètres, appartenant à des espèces qui ne vivent pas à plus de

200 mètres de profondeur; on en a conclu que la Scandinavie, depuis les temps quaternaires, s'est abaissée d'au moins 1 000 mètres (1). En tenant compte du rabotage énergique produit par le glacier, on doit admettre que le massif montagneux a atteint 4500 à 5 000 mètres, soit au moins une altitude comparable à celle des Alpes, et bien plus étendu. Les auteurs font commencer la période quaternaire avec le Glaciaire et considèrent tous les dépôts pliocènes comme préglaciaires. Toutefois la limite du Pliocène en hauteur est encore mal définie et c'est un point important sur lequel on devrait tâcher de se mettre d'accord. Le travail du Dr Lorié est un résumé fidèle de l'état de la question à ce jour, et sa lecture nous met au courant des idées et des opinions diverses admises à présent.

Après l'audition de ce résumé, l'Assemblée décide l'impression aux Mémoires du travail de M. le Dr J. Lorié.

M. le Baron van Ertborn développe ensuite le travail qu'il avait annoncé sur la distribution d'eau de Vilvorde:

LA

DISTRIBUTION D'EAU DE VILVORDE

PAR LE

Baron O. VAN ERTBORN

La distribution d'eau de la ville de Vilvorde est basée sur l'emploi de l'eau artésienne de la craie; le puits qui la fournit était désigné jadis sous le nom de Puits de M. Nowé, dans la brasserie duquel il fut foré. Racheté par la ville, il alimente la distribution publique.

Le rapport fait en 1889 par nos confrères MM. Van Mierlo, Rutot et Van den Broeck donne de nombreux détails à son sujet : ils sont des plus intéressants. A cette époque, le débit au jaillissement était considérable et s'élevait à 360 litres par minute au niveau du sol. Le niveau hydrostatique se trouvait à 6,90 plus haut.

L'eau est de bonne qualité et ne contient que 0, 400 de sels en dissolution par litre.

Nous fùmes, lors de la reprise du puits par la ville, désigné en qua

(1) Il y eut des oscillations secondaires démontrées par des lignes de rivages dont la plus élevée se trouve à la cote + 280.

lité d'expert pour en évaluer la valeur. Son exécution laisse à désirer le diamètre n'est que de 0,15 et dans les silex de la craie << il y a un étranglement qui réduit ce diamètre de moitié ».

Il suffirait d'un éboulement dans la partie du sondage non revêtue de tubage pour perdre le puits, la manoeuvre d'outils devenant très difficile dans un diamètre de 80 millimètres.

Une pompe puise l'eau à 3,50 sous le sol et la refoule dans le château d'eau, qui a l'aspect d'un gigantesque pluviomètre.

Cette pompe est actionnée par une turbine, mue par le ruisseau la Woluwe, dont le débit, irrégulier et insuffisant, ne paraît pas donner de bons résultats.

Par suite du pompage, il s'est produit une perte de charge dans le niveau aquifère de la craie et il s'ensuit que le débit du puits a diminué; dans ce cas, il est élémentaire de descendre le corps de pompe, et l'on retrouve ainsi l'ancien débit et davantage en plaçant l'appareil élévateur au bon niveau. Un compresseur donnerait d'excellents résultats, et, si le diamètre du puits est trop petit pour placer ledit compresseur, une simple busette à air ramènerait encore beaucoup d'eau à la surface.

Pour remédier au mal, on a songé au proverbe qui dit : « aux grands maux les grands remèdes ». Au lieu de forer un nouveau puits bien conditionné, tangent à l'ancien pour tâcher de recouper la fissure remarquablement aquifère, on a fait forer deux puits distants l'un de l'autre de 45 mètres seulement. Pourquoi ne pas les mettre côte à côte? On aurait eu des frères siamois d'un nouveau genre.

Nous avons déjà fait remarquer, et beaucoup d'autres l'ont constaté avant nous, que des puits voisins s'influencent considérablement. A Paris, l'exemple Passy-Grenelle est des plus concluants, et dernièrement encore nous constations le même fait à Alost (1), quoique les deux grands puits artésiens de cette ville soient distants de 700 mètres.

Les deux puits jumeaux furent forés, non pas à Vilvorde, mais à 200 mètres à l'Ouest de la station de Haeren, soit à 2 600 mètres de la mère patrie.

On assurait qu'en ce point les niveaux d'eau artésiens avaient un débit vauclusien.

Nous nous sommes demandé comment on pouvait le savoir. Une longue pratique nous a bien appris que dans le voisinage de l'abattoir d'Anderlecht, ainsi qu'à la partie inférieure du boulevard Léopold II,

(1) Soc. belge de Géol., de Paléontol. et d'Hydrol., t. XVII, 1903, MÉM., pp. 145 à 153.

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