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En aval, la coloration (tête) a été observée jusqu'à la nuit; à 6 heures du soir, elle avait parcouru (sinuosités comprises) au moins 70 kilomètres (descente totale: 420 mètres; pente moyenne 6 %) en 9 heures, soit près de 8 à l'heure. Ce chiffre est conforme aux études de M. l'ingénieur Constantinoff qui, lors de la construction du pont de fer de la Mzimta, en amont d'Adler, a dû calculer, par différents autres procédés, la vitesse du fleuve et l'a trouvée égale à 8 à 10 kilomètres par heure en moyenne. Elle s'accélère donc à l'aval, à mesure que la pente diminue et que les affluents (volumineux) accroissent le débit, sans d'ailleurs atténuer beaucoup la coloration. La quantité jetée a été suffisante pour que, au 20 kilomètre de la route (au moins le 35° du fleuve), nous ayons vu la coloration s'écouler pendant plus d'une heure de halte (par conséquent plus de 8 kilomètres de longueur).

:

Conclusion Le jet rapide d'une forte quantité de substance, en un point bien choisi pour précipiter la dilution et hâter le brassage, assure donc une longue durée et une puissante extension de la coloration, même à l'œil nu, même en plein soleil et malgré l'apport latéral constant d'abondantes eaux affluentes. La pratique du jet à intervalles séparés semble définitivement moins recommandable. La coloration d'un fleuve de moyenne puissance serait intéressante à exécuter (la Meuse, de Givet à Namur, par exemple) en notant par cinq séries de postes observateurs la vitesse respective 1° de la tête extrême de coloration visible au fluorescope; 2o de la tête visible à l'œil nu; 3o du noyau ou portion la plus colorée; 4° de la queue visible à l'œil nu; 5o de la queue visible au fluorescope.

VI. 2-15 octobre. - Rivière Sotchi (voir n° IV), à 1m7 en amont de l'embouchure; la pente ne doit pas dépasser 1 à 2 % et le débit, après de fortes pluies, atteignait au moins 50 mètres cubes; 2 kilogrammes jetés à 2 h. 45; la tête de la coloration atteint la mer à 3 h. 10, soit 1700 mètres en 25 minutes, correspondant à 3 2 à 4 kilomètres à l'heure, exactement comme dans l'expérience IV, exécutée avec moindre débit et pente plus forte. Faute de rapides et cascades, la dissolution de la poudre s'est très mal opérée; une partie s'est absolument accrochée aux berges d'un ilot dont le pourtour continue à émettre des filets colorés longtemps après que le courant même est revenu à sa teinte normale (d'ailleurs bourbeuse ce jour-là).

Dans ce courant, la tète forme d'abord une flèche mince, suivie d'un filet qui se maintient sur la rive droite, côté où a eu lieu la projection. de poudre; ce n'est qu'au bout de 800 mètres de parcours et 45 minutes

de temps, en amont du pont de la route, que tout le fleuve est coloré à la suite du brassage dans un fort rapide qui occupe toute la largeur du courant; immédiatement en aval, entre le pont et la mer, une île donne lieu à deux bras inégaux : le plus petit et le moins rapide des deux n'est que très faiblement coloré. Un bassin latéral sans courant et avec léger remous retient la couleur un certain temps, comme les berges de l'ilot d'amont plusieurs épis ou petites digues transversales, destinés à briser le courant lors des crues, arrêtent aussi quelque peu la coloration.

Conclusions: Nécessité de la dilution préalable ou du jet dans un fort courant, très subdivisé (voir V); paresse de la poudre à s'assimiler complètement au courant entraineur; compensation de la diminution de pente par l'accroissement de débit; adhérence de la poudre aux rives; inégalité de coloration autour d'une ile, et retenue par les bassins ou obstacles.

En résumé, les essais dont je viens de rendre compte ne m'encouragent guère à continuer les recherches sur ce sujet; car ils m'amènent à croire que nous perdons quelque peu notre temps en voulant appliquer la fluorescéine à l'étude de la vitesse réelle ou moyenne de l'eau, à cause des accidents variés qui rendent la plupart de ses indications illusoires. Et je pose la question de savoir s'il ne serait pas sage de se borner à employer cette substance pour constater uniquement la communication souterraine de telles pertes données avec telles résurgences connues; et si nous ne cherchons pas midi à quatorze heures en demandant à la fluorescéine des déductions plus précises, qu'elle est peut-être incapable de nous fournir!

Discussion de la théorie Stübel sur le Volcanisme.

Il est donné lecture des communications ci-après, reçues à l'occasion des vues de M. Stübel, récemment exposées devant la Société par M. le professeur W. Prinz et auxquelles a également fait allusion une récente note de M. Van den Broeck. (Voir séances des 18 novembre 1902 et 20 janvier 1903.)

Communications reçues de M. A. de Lapparent
au sujet des vues de M. Stübel.

MON CHER COLLègue,

En ce qui concerne l'exposé de la thèse du volcanisme, je vous avouerai que je me sens effrayé par l'excès de précision, qu'à la suite de MM. Stübel, Prinz et autres, vous cherchez à mettre dans une matière où l'on ne peut entrevoir que les grandes lignes. Je reste en grande

défiance devant les conceptions de M. Stübel. Elles me paraissent en contradiction avec ce fait indéniable, si bien constaté en Scandinavie, en Amérique, en Asie, que partout où il y a de l'Archéen authentique, cet Archéen est effroyablement disloqué et injecté de roches granitoïdes, non par l'effet de dérangements ultérieurs, mais comme condition normale de sa formation. Exemple: l'Archéen si disloqué de Finlande, qui supporte du Cambrien, demeuré horizontal depuis lors. Jamais une pareille condition n'eût pu se produire, à mon sens, si, à l'époque archéenne, il y avait déjà eu, sur le globe, l'écorce planétaire et l'énorme cuirasse imaginées par M. Stübel. Sur un pareil support, les couches archéennes n'auraient jamais eu la mobilité que trahit leur allure actuelle.

La question des foyers isolés ne soulève de ma part aucune objection. Vous avez reconnu vous-même que je ne comprenais pas autrement le volcanisme. Le feu central subsiste; mais il est évident que l'on ne saurait, sans enfantillage, vouloir le tenir partout en communication directe et facile avec la surface; sur ce point, nous nous entendrons aisément. En revanche, je n'admettrai jamais la prétention de nier les actions tangentielles, ou de n'y voir que l'effet des changements de volume d'un laccolithe. Les grands traits de la surface du globe ont été fixés dès le début. L'océan Pacifique et la grande traînée des dépressions méditerranéennes n'ont pas cessé d'exister dès les âges les plus anciens, leurs limites marquant le contact des zones résistantes de l'écorce avec celles qui continuaient à s'affaisser. Quand on voit la netteté des contours du Pacifique et la raideur de la pente moyenne des rivages, c'est, à mes yeux, de l'enfantillage de ne vouloir pas y reconnaître un phénomène de premier ordre, embrassant toute l'écorce et non pas seulement le voisinage de tel ou tel foyer volcanique.

J'applaudis à vos efforts pour exclure l'eau marine de toute action. directe dans le volcanisme, et je vous accorde volontiers qu'à la haute température des laves, les éléments de l'eau sont dissociés (comme le prouve d'ailleurs l'examen des fumerolles sèches).

En ce qui concerne les tremblements de terre, permettez-moi de vous renvoyer à l'article si suggestif que leur a consacré M. John Milne dans le Geographical Journal de janvier 1903 (article dont j'ai donné une analyse dans un des numéros du Journal des Savants, ainsi que dans une livraison du Correspondant) (1).

(1) Cette analyse de M. A. de Lapparent, jointe à celle de deux articles de M. Oldham, se trouve reproduite aux pages 77-90 de nos Traductions et Reproductions du BULLETIN de cette année et y porte le titre de : Le progrès des études sismologiques.

(NOTE DU SECRÉTARIAT.)

La liaison de la sismicité avec les dislocations de l'écorce y éclate avec une évidence convaincante. Par conséquent, il est permis de condamner toute conception, comme celle de M. Stübel, qui ne fait aucune part à cette indéniable mobilité, ou du moins qui n'y veut voir qu'un phénomène local et presque négligeable. Lisez l'article de Milne, consultez la carte si suggestive qui l'accompagne, et je suis sûr que l'évidence vous sautera aux yeux.

En résumé, voici les données fondamentales que je considère comme acquises:

Mobilité, prouvée à travers tous les àges géologiques, de certaines parties de l'écorce terrestre, dessinant de bonne heure des compartiments, dont les bords disloqués deviennent les voies de communication de l'extérieur avec l'énergie interne.

Action permanente de cette énergie qui, vraisemblablement, mesure que l'écorce augmente d'épaisseur, tend à se manifester de plus en plus par des foyers distincts.

Élaboration progressive de ces foyers avec départ des gaz se produisant à des époques critiques et engendrant la volcanicité sous toutes ses formes.

Tassement continuel des compartiments disloqués, engendrant la

sismicité.

En dehors de ces données générales, tout essai de plus grande précision me paraît prématuré.

(s.) A. DE LAPPARENT.

Notre éminent confrère nous a encore envoyé la lettre suivante, consacrée au même sujet :

MON CHER COLLÈGUE,

J'ajoute ce qui suit pour que vous en fassiez l'usage qu'il vous plaira, quand, comme et où vous voudrez.

On s'en prend souvent à la figure schématique rappelée par vous, (fig. 1, p. 21 du Procès-verbal de la séance du 20 janvier 1905) qui montre la relation entre les dislocations de l'écorce et le phénomène volcanique; et on a beau jeu pour faire ressortir que le manque de proportion entre les longueurs et les hauteurs lui donne une vertu démonstrative qu'elle ne devrait pas avoir.

Cet argument garderait toute sa portée si le phénomène volcanique

avait attendu, pour se produire, que l'écorce eût 50 ou 60 kilomètres d'épaisseur.

Or, l'observation nous apprend qu'il y avait d'importantes éruptions sur les rivages dès l'époque précambrienne (lac Supérieur, Jersey, Trégorrois) et à l'époque silurienne (laves et cinérites du Pays de Galles). Alors l'écorce devait être quatre ou cinq fois plus mince (sinon davantage) qu'aujourd'hui, et la figure théorique pouvait s'y appliquer sans exagération.

D'autre part, c'est à ces époques anciennes que se sont constituées les lignes faibles de l'écorce, dont la plupart n'ont fait que s'accentuer depuis lors.

En outre, en ce qui concerne la disposition des foyers périphériques, que la thèse de M. Stübel fait naître à peu près par tout et sans ordre, comment concilier cela avec la répartition si remarquable des volcans sur toute la ceinture du Pacifique, cet océan qui, dès l'époque carboniférienne, était déjà constitué à peu près dans son dessin actuel? Il ne s'agirait plus alors d'une série de foyers, mais d'une ride périphérique continue, embrassant plus du tiers de la superficie terrestre et manifestant, tout le long de son côté interne, la même tendance à l'affaissement !!

Ajoutez à cela que nous nous faisons encore des idées très fausses sur l'épaisseur de l'écorce en ses différents points. L'observation nous enseigne que les dépôts sédimentaires ont, en moyenne, une cinquantaine de kilomètres d'épaisseur. Mais où cela? Uniquement contre les anciens rivages; car nous savons que tout dépôt sédimentaire détritique fait défaut à 300 kilomètres des côtes.

Donc, si l'océan Pacifique est très ancien, comme j'en suis persuadé, il ne doit presque pas y avoir de croûte sédimentaire sur son fond, au moins dans le milieu; et là, l'épaisseur de la croûte n'a pu augmenter que par le bas, comme elle devait faire aussi sous les continents.

En résumé, nous sommes encore dans l'enfance de nos connaissances à l'égard de la croûte terrestre. Raison de plus pour se défier de ceux qui vous la décrivent comme s'ils étaient allés l'explorer jusqu'au fond. Souvenons-nous toujours que nous ne connaissons absolument rien audessous de l'archéen. Par conséquent, c'est de l'imagination pure quand, avec Stübel, on décrit et on figure une écorce terrestre où la partie connue est d'épaisseur négligeable relativement aux carapaces hypothétiques sur lesquelles on s'amuse à l'asseoir.

Bien à vous.

(s.) A. DE LAPPARENT.

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