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Il est donné lecture de la communication ci-après envoyée par

M. le professeur Bergeron :

Le Volcanisme et ses théories, par J. BERGERON.

MON CHER CONFRÈRE,

Comme je vous l'ai déjà écrit, c'est avec un très grand intérêt que j'ai lu les notes que vous m'avez envoyées, et puisque vous me faites l'amitié de me demander mon avis sur les hypothèses qui y sont exposées, je vais vous le dire en toute franchise.

Dans l'hypothèse de M. Stanislas Meunier (que je ne puis accepter en ce qui concerne l'eau de carrière) comme dans celle de M. A. Gautier, il faut admettre que pour une cause ou une autre, les roches arrivent brusquement, et non déjà échauffées, en contact avec la masse en fusion; sinon, si elles ont subi progressivement l'action calorifique de cette roche, soit par leur descente, soit par la montée de la lave, les vapeurs et les gaz s'en sont déjà dégagés quand elles arrivent à son contact, et dès lors il ne peut y avoir explosion par suite du départ brusque de ces derniers. Comment maintenant expliquer cette mise en contact brusque? Par une chute dans une cavité au fond de laquelle serait la matière en fusion? Les cavités existant dans les calcaires ne peuvent être comparées à celles qui seraient nécessaires pour que le phénomène en question pût se produire, et je ne vois pas par quel processus elles se seraient formées. Par l'affaissement d'un voussoir de l'écorce terrestre dans la masse en fusion? Il semble bien que les laves actuelles aient une densité supérieure, même à l'état de fusion, à celle de la plupart des roches anciennes; dès lors comment expliquer le plongeon que devraient faire ces dernières au milieu du bain fondu pour y pénétrer brusquement? Par l'arrivée brusque d'une roche éruptive? Celle-ci, si elle n'arrive pas par une faille, doit s'élever lentement en dissolvant les roches auxquelles elle va se substituer pour former les laccolithes de Stübel. Dès lors, son action doit se faire sentir progressivement, et lorsqu'une roche se trouve en contact avec la matière en fusion, elle a perdu tous ses éléments volatils. — Il ne reste plus que l'hypothèse des failles. Dans les régions où les éruptions ont été nombreuses, les failles devraient être multiples et correspondre à des dénivellations d'âges différents. Or je ne sache pas qu'il en soit ainsi.

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Les phénomènes éruptifs seraient dus, pour moi, à des dégagements

spontanés de vapeurs et de gaz dissous dans la matière en fusion. Tous les métaux fondus dissolvent les gaz en contact: l'argent dissout de l'oxygène, le cuivre de l'azote, le fer des carbures et des oxydes de carbone, etc. Lorsqu'ils sont solidifiés, ils en renferment encore de grandes quantités (la pièce de 5 francs contiendrait son volume d'oxygène). Il en est de même pour les roches; les expériences de M. A. Gautier ont mis le fait en évidence et leur grand intérêt consiste en ce qu'elles ont démontré que les gaz et les vapeurs y étaient nombreux et en quantités vraiment considérables. Ils dateraient de l'époque où toute la terre était à l'état de masse fondue, entourée d'une atmosphère où se trouvaient un grand nombre de corps à l'état de vapeurs. Une chose m'étonne dans ces expériences, c'est qu'elles n'aient pas décelé la présence du chlore ni du fluor. Ces vapeurs et ces gaz se dégagent brusquement par le phénomène de rochage connu pour l'argent, la fonte, etc.

C'est ce dégagement brusque qui serait cause aussi de l'ascension de la lave. Ici j'accepte la comparaison de M. van Ertborn avec ce qui se passe dans le compresseur à air, mais non sa théorie. Je ne crois pas que l'ascension de l'eau soit due à une différence de densité, mais plutôt à un entraînement de l'eau par l'air, entraînement susceptible de donner à l'eau une force vive lui permettant de s'élever à une hauteur qui est en relation avec la force ascensionnelle de l'air. Il en serait de même pour la lave qui suivrait les gaz et les vapeurs passant par le cratère; ici, cependant, la force ascensionnelle du liquide dépend non seulement de celle des gaz, mais encore de l'état de la lave, de sa température, de sa composition chimique, etc. C'est un phénomène analogue à celui qui se passe dans l'injecteur Giffard. C'est la comparaison que je fais à mes élèves pour leur faire comprendre comment la lave peut monter dans un cratère, même quand s'est déjà produit le maximum de dégagement de gaz et de vapeurs. Comme vous le dites très bien, une partie de l'eau doit provenir de la combinaison de l'hydrogène des roches avec l'oxygène de l'air, et votre explication de l'absence de l'hydrogène dans les fumerolles me semble très plau- · sible. Néanmoins, il doit y avoir de l'eau dans les roches mêmes; le fait est du moins certain pour les roches à structure granitoïde, d'après les travaux de M. A. Gautier, comme d'après les inclusions observées dans le quartz.

Si, aux îles Hawaï, les phénomènes explosifs sont peu importants, c'est sans doute que les gaz et vapeurs se sont déjà dégagés en grande partie; c'est ce qui expliquerait comment le mouvement ascensionnel

de la lave y est très faible. Ce ne sont que de simples oscillations, les montées pouvant correspondre aux dégagements d'hydrogène auxquels vous faites allusion. Si la pression de l'océan entourant les îles Hawaï était cause de l'ascension de la lave, il devrait y avoir quelque relation entre les mouvements de la roche éruptive et ceux de la mer; or, cette relation n'a pas été mise en évidence.

La théorie de Suess ne me paraît pas expliquer les phénomènes volcaniques; mais je n'ose en parler, vu que je ne la connais que par des analyses. Je n'ai pu trouver la communication dans laquelle il l'expose dans aucune des bibliothèques qui me soient facilement accessibles.

Je reconnais que j'oppose hypothèse à hypothèse; par suite je n'ai pas la prétention de vous convaincre. Mais il me semble (peut-être aveuglement d'auteur) que cette théorie se tient bien et qu'elle a l'avantage de bien relier les faits entre eux.

L'hydrogène des volcans.

(s.) J. BERGERON.

Extrait d'une lettre de M. A. Brun, de Genève.

Je ferai, pour ce qui concerne la quantité soi-disant minime d'hydrogène dégagée par certains volcans, une restriction au sujet des îles Hawaï. Si l'on collectait tout l'hydrogène qui s'allume en une heure sur cet immense lac de lave, l'on ferait une éruption formidable, à condition de collecter cet hydrogène dans une cheminée pas plus large que celle du Vésuve par exemple.

On s'exagère beaucoup la dimension de la bouche vomissante de la lave; toutes celles que j'ai pu voir sont réellement bien petites (Stromboli, Etna, Vésuve), sans compter celles éteintes. Ce qui trompe, c'est que la coulée s'étale assez vite. Le Kilauea, lui, est vraiment immense.

Je ne sais pas si je vous ai envoyé mes notes sur le Stromboli. Ma conviction au sujet de l'hydrogène était faite en mars 1901, durant la période que j'ai passée auprès du cratère du Stromboli. J'ai surveillé là de près les explosions et je puis assurer qu'à ce volcan, le gaz, au moment de l'explosion, ne donne pas de flamme et est invisible. C'est particulièrement net lorsqu'il n'y a pas de pulvérisation trop intense de la lave par l'explosion et que les blocs sont rejetés un peu gros. C'est bien le caractère de l'hydrogène qui brûle. Je vous dirai encore que je suis artilleur et que j'ai tiré pas mal de coups de canon de tout

calibre et fait sauter des mines; eh bien, je me souviendrai toujours de l'impression que me fit la première explosion du Stromboli. C'était le son du fulmicoton. Or l'hydrogène seul, absolument seul, peut donner ce son brusque et déchirant lors de l'explosion. (La foudre éclatant sans écho à 4000 mètres d'altitude donne seule le son analogue. Je l'ai pu contrôler lors d'un orage qui m'a pris au Cervin, près de l'Épaule suisse, à un peu plus de 4 000 mètres.)

Ce dernier raisonnement n'est peut-être pas scientifique. Mais dans ce domaine, où toutes les observations doivent se peser, je crois que celle-ci peut entrer aussi en ligne de compte. Au retour du Stromboli, je relisais les premières notes de M. A. Gautier et ma conviction. se forma inébranlable. (s.) A. BRUN.

Théorie des volcans, par ARMAND GAUTIER, Membre de l'Académie des Sciences de Paris.

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1. Vous me faites l'honneur de me demander mon opinion sur la théorie des volcans de Stübel. Je la trouve confuse et très hypothétique. Ce qui a surtout préoccupé ce savant, c'est la difficulté d'expliquer que les foyers volcaniques soient locaux, isolés, souvent très différenciés entre eux dans la même localité par la nature de leurs déjections, et par conséquent sans communication directe avec un foyer commun, ou avec un amas de lave fondue formant depuis un temps immémorial le noyau central; condition qui semble devoir donner partout à peu près les mêmes laves et les mêmes gaz. Mais cette localisation des volcans est la conséquence nécessaire de l'ascension des fluides incandescents à travers les fractures des roches, les failles de moindre résistance, où la lave est poussée par la pression même des couches solides qu'elle supporte, aussi bien, comme nous le verrons tout à l'heure, que par celle des gaz qu'elle fait naître grâce au simple réchauffement des parois des canaux qu'elle parcourt. Là où se sont faites les grandes cassures, et en particulier au bord des mers profondes, la lave parcourt les roches qu'elle transforme, comme on va le voir. Elle trouve son chemin là où sont les grandes fractures du globe, et c'est la vraie raison qui fait que les volcans sont généralement au bord des mers.

Les grands amas incandescents ou laccolithes de lave qui, d'après Stübel, forment chacun séparément un foyer volcanique, auraient, pense-t-il, gardé depuis des centaines de siècles leur chaleur et leur

liquidité, alors que le noyau terrestre sous-jacent, dont ils proviennent certainement, serait déjà arrivé à une température plus basse. N'est-ce pas bien difficile à admettre? Et si l'on admet, au contraire, que le noyau terrestre est encore incandescent, les laccolithes de la cuirasse de Stübel sont tout à fait inutiles à supposer. Son hypothèse n'est donc ni probable ni nécessaire, et ne repose que sur une idée hypothétique invraisemblable.

2. Sa deuxième objection, à savoir qu'il y aurait une vraie marée de lave sensible sur tous les points du globe, si le centre de notre Terre était fondu, ou même s'il existait une sorte de mer périphérique intérieure de roches fondues sous le sol terrestre solide; cette objection, dis-je, n'a pas lieu de nous arrêter longtemps. Cette marée dont il parle, n'exercerait, en effet, d'autre pression sous les couches solides superposées des roches terrestres que celle qui correspondrait à l'action de la lune et du soleil qui les attire. Or, cette attraction peut être mesurée en chaque lieu par la hauteur de la colonne d'eau de mer soulevée dans les marées ordinaires. Elle est donc mesurée par une colonne d'eau d'une hauteur égale, au maximum, à la différence entre les deux niveaux de la mer au flux et au reflux. Cette pression de la marée des laves internes, si elle se produisait, serait donc très facilement équilibrée, et au delà, par la résistance des roches solidifiées, et même par les frottements de la lave à travers les canaux souterrains et fissures qu'elle parcourt avant d'arriver à la surface.

Rien n'empêche d'ailleurs que les choses se passent à peu près comme l'indique la coupe de l'écorce terrestre, d'après les vues de Stübel, schématisées à la page 597 de vos procès-verbaux de 1903, mais à la condition cependant que les laves centrales du noyau soient en communication avec les canaux internes et ceux-ci avec les failles qui vont jusqu'à la surface; canaux et fissures que parcourt la lave, avec frottements et production de gaz qui tendent à s'écouler au dehors avec la lave.

3. Les différences d'altitudes que les laves atteignent en des points qui peuvent être très rapprochés, et la différence de nature des gaz que ces laves émettent sont, suivant moi, les conséquences nécessaires de la différence de nature des roches traversées, et de leur variable échauffement. Il en résulte plus ou moins de gaz produits aux dépens de ces roches mêmes et, par conséquent, une pression différente

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