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océans est beaucoup plus rapide que sur les crêtes des plus hautes montagnes, où il règne il est vrai un froid intense, mais qui n'affecte que des couches très superficielles et relativement peu étendues. Nous croyons que cette différence du refroidissement, agissant depuis la fin de l'âge tertiaire, peut exercer une action très importante sur la physique du globe.

Passant ensuite à l'étude de la formation des chaînes de montagnes, qu'il considère comme les parties continentales qui se sont formées en premier lieu, l'auteur attribue leur apparition au-dessus des eaux et leur soulèvement à une augmentation de volume des masses sédimentaires profondément situées au sein de la terre, et ce phénomène aurait été causé par une augmentation de la température. Ces chaînes squelettes ne tardent pas à s'étendre latéralement par suite de la sédimentation provenant de l'érosion, dont les dépôts s'effectuent sur leurs bords. L'auteur passe ensuite en revue une série de zones actuelles de sédimentation, et il trouve dans l'énorme épaisseur que présentent certaines couches sédimentaires anciennes la preuve de la longue durée et de la stabilité des conditions géographiques de certaines parties du globe pendant des époques géologiques très prolongées. Il insiste aussi sur la remarquable ancienneté des grandes lignes d'écoulement des eaux à la surface du sol, et il passe en revue les principaux fleuves du globe. Il cite, comme preuve de la longue durée de l'âge de certains fleuves, le canal sous-marin qui prolonge leur cours sur le fond de la mer; mais ici nous croyons pouvoir faire une légère objection. L'auteur lui-même nous montre que le delta des fleuves se continue sous les eaux de la mer, et s'étend parfois à des distances énormes, arrondissant continuellement son pourtour, il cite notamment celui du Congo. Ce delta est traversé par une énorme fosse qui s'étend à une grande distance. Partageant l'avis de M. Huddleston, l'auteur croit que ce canal a été creusé dans la roche vive et constituait le lit du fleuve alors que, par suite du relèvement de son niveau dans un temps relativement récent, il pouvait s'étendre plus loin sans rencontrer les eaux de la mer. Il y aurait eu depuis lors descente du continent et établissement des conditions géographiques actuelles, et la fosse marine actuelle du delta rappellerait l'état ancien. Comme ce canal sous-marin se rencontre pour presque toutes les embouchures de fleuves, il faudrait admettre que sur toutes les côtes il y a eu relèvement puis descente du sol continental, ce qui paraît peu probable. Nous croyons qu'il y a lieu de recourir à une explication beaucoup plus simple. La force des eaux du courant fluviatile continue à agir au sein de la mer, dans

la direction qui leur a été imprimée. Ces eaux entraînent les sédiments du fleuve, qui se déposent surtout des deux côtés, et cette action est d'autant plus grande que les sédiments sont plus fins et plus longtemps soutenus par les eaux plus lourdes de la mer. Il se forme donc, au milieu du delta, un canal qui va toujours en s'approfondissant à mesure que le delta sous-marin s'accumule.

L'élévation des continents au-dessus du niveau des mers n'est pas due à la production des failles sur tout leur pourtour. Il semble plutôt que la mer s'enfonce parce que la masse située sous elle diminue de volume, et on peut citer l'exemple de la Méditerranée, de l'Adriatique, de la mer Noire, de la mer Caspienne. La théorie du refroidissement graduel du globe ne suffit pas pour expliquer la conformation des terres à la surface du globe. Elle met en jeu des forces de compression qui agissent latéralement, mais les partisans de cette théorie n'ont pas réussi à expliquer la formation de failles normales, pas plus que la succession des relèvements et des descentes des continents pendant la série des temps géologiques.

Il semble que les variations de niveau se produisent surtout dans la zone limite entre les mers et les continents, zone qui a une hauteur de 500 mètres environ. Au lieu d'invoquer le relèvement de continents entiers, il paraît plus simple d'admettre que les forces qui provoquent le déplacement des rives de la mer, se sont produites en ce même espace du reste, la localisation de cette action est encore favorisée par l'accumulation des sédiments sur les pourtours des continents.

L'auteur passe ensuite à la description d'une foule d'expériences plus ou moins ingénieuses, montrant que les couches sédimentaires, de même que des lames de métal, se relèvent en plis si elles subissent une série de variations de température. Le relèvement est d'autant plus considérable que la zone qui subit les variations est plus étendue. En outre, grâce au retrait occasionné par le refroidissement, on peut provoquer des fractures qui rappellent les failles. Nous ne pouvons suivre l'auteur dans les chapitres où il expose les résultats de ses travaux de laboratoire, dont les conclusions, malgré qu'elles paraissent justifiées, laissent néanmoins dans l'esprit peu croyant une certaine inquiétude, provoquée par la simplicité élémentaire de l'expérience, en face de l'effrayante complication du problème tel qu'il se présente dans la nature, et par la rareté des données précises qu'on a pu réunir au sujet des conditions dans lesquelles se trouvent les éléments dans la profondeur de la terre.

Néanmoins nous devons être reconnaissants à l'auteur; en abandon

nant la théorie vraie, mais un peu simpliste, de la rétraction du globe par suite du refroidissement, il nous a fait faire un pas en avant dans la voie qui nous conduira à l'explication des formes tectoniques du globe.

A la fin du livre, on trouve un chapitre sur la formation des phyllades, qui présente un certain intérêt pour nous. L'auteur a étudié comparativement les ardoises de l'Ardenne et celles du Pays de Galles, ainsi que d'autres parties de l'Angleterre. Il constate une analogie frappante entre ces roches, tant au point de vue minéralogique que chimique, et cette analogie, mieux que tout autre argument, nous montre l'unité de l'antique bassin des mers cambriennes de ces régions et celle des modifications subies par leurs sédiments à la suite du soulèvement hercynien. L'auteur établit que la constitution physique est indissolublement liée avec la formation secondaire des minéraux lamellaires, micas et chlorites. Ces minéraux ont été laminés dans le plan du clivage, et leur formation secondaire a très probablement coïncidé avec le laminage. Il admet qu'il a fallu une température élevée et une pression suffisante agissant sur une roche de nature chimique et de constitution mécanique appropriées, pour obtenir la foliation.

V. D. W.

NOTES ET INFORMATIONS DIVERSES

Amérique. Le lac bouillant de l'île Dominique.

Un habitant de l'ile Dominique, M. Sterns-Fadelle, donne, dans un petit livre qu'il vient de publier, d'intéressants renseignements sur un curieux phénomène naturel que possède cette ile et qui consiste en un lac bouillant. La région où il se trouve est extrêmement aride et difficile d'accès. Ce qui le prouve, c'est que ce phénomène n'est connu que depuis un temps relativement court, alors que l'ile tout entière ne compte que 300 milles carrés, qu'elle a été colonisée par les Espagnols depuis le XVIIe siècle, cultivée par les Français d'une façon interrompue jusqu'à la moitié du XVIIIe siècle, et que depuis lors elle a été exploitée par les Français et les Anglais. La nature a pu longtemps cacher cette curiosité aux yeux des hommes, puisque, il y a une trentaine d'années, personne n'en soupçonnait encore l'existence.

En 1875, une expédition fut organisée pour explorer l'intérieur du pays. Elle était placée sous la direction du Dr Nicholls. Celui-ci nous a laissé une description du lac

bouillant, qu'il a probablement été le premier à contempler : « Nous escaladâmes les blocs de soufre, dit-il, et nous arrivâmes ainsi au sommet, d'où nous aperçûmes un spectacle admirable. Il semblait que nous étions au bord d'un gouffre effrayant, d'où s'échappaient des masses de fumée brûlante et de vapeurs asphyxiantes. Des roulements de tonnerre ainsi qu'un gargouillement étrange frappaient nos oreilles, et nous aspirions des gaz délétères. Le spectacle était si singulier, si saisissant et si beau que plusieurs minutes se passèrent avant que nous fussions en état d'échanger nos impressions. Ce qu'il y avait de plus curieux, c'était une sorte de muraille d'eau qui se dressait au milieu; elle avait plusieurs pieds de hauteur et se mouvait dans un cercle d'étendue restreinte.

>> Le rivage du lac était découpé en de nombreuses anses et, çà et là, des languettes de terre s'avançaient. Les rives étaient ornées d'une magnifique bande jaune d'or, due aux dépôts de soufre de l'eau. L'agitation de l'eau poussait de petites vagues sur le sable et l'on pouvait juger par les stries de la bordure jaune que le lac atteignait, à certaines époques, un niveau plus élevé.

>> Nous ne pouvions apercevoir le mur central que pendant quelques secondes, car à peine la fumée était-elle rejetée sur le côté qu'elle était remplacée par une autre bouffée. Un étroit ruisseau tombait à quelque distance de nous dans le lac. L'issue de celui-ci se trouvait de l'autre côté et nous ne pûmes pas, cette fois, l'explorer. Nous pûmes cependant observer distinctement une déchirure profonde dans les rochers dont le lac était entouré de toutes parts. >>

Ce lac, qui se trouve à une altitude de 2,490 mètres au-dessus du niveau de la mer, a une forme elliptique. Quand il est rempli d'eau, il a environ 200 pieds de longueur et au moins 100 pieds de largeur. Une sonde, descendue à 10 mètres de la rive, n'a pu atteindre le fond à 195 pieds de profondeur. Deux petits ruisseaux d'eau froide se perdent dans le « lac bouillant ». Quand les eaux du lac sont hautes, elles forment une cataracte qui se jette dans une gorge profonde. L'eau n'est pas toujours en mouvement. A certains moments, elle est tranquille et brille aux rayons du soleil. A d'autres époques, elle s'agite et bouillonne et se met à tourbillonner au milieu de bruyantes détonations; elle s'élève et s'abaisse en tournoyant et couvre d'écume les rochers qui l'encerclent. Le « lac bouillant » est le centre d'une activité volcanique de la Grande-Soufrière, région qui a environ 5 milles carrés d'étendue; il constitue un des derniers vestiges du volcan qui s'éteint.

(Extrait du Mouvement géographique, 18 octobre 1903, no 42.)

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Tous les mineurs savent que, dans beaucoup de cas, la pression des roches dans lesquelles sont ouvertes les galeries est énorme. Ces pressions doivent aider au jaillissement des puits artésiens et ajouter leur influence à celle qui dérive de la pression hydrostatique. Le problème ne pouvait pas être résolu théoriquement; l'observation seule, dans des conditions particulières et bien définies. peut le trancher.

Ces conditions ont été trouvées dans le sous-sol de Modène, où, depuis bien des siècles, on pratique des forages pour atteindre les différentes nappes aquifères comprises dans la puissante formation argileuse qui comble la vallée du Pò, au-dessus des terrains néogènes. Les nappes aquifères sont au nombre de trois; elles ont leur point d'affleurement là où les fleuves qui descendent des Apennins débouchent dans la plaine et elles dérivent des différents dépôts abandonnés pendant les divagations de ces fleuves. Les cailloux et les graviers diminuent de grosseur à mesure que l'on

s'éloigne des dernières collines et se fondent complètement dans la formation argileuse, à peu près au droit de la zone où les fleuves actuels cessent de charrier les graviers pour ne déposer que du sable et du limon.

« Les trois nappes aquifères, en dehors de la nappe phréatique, sont à la profondeur de 21 mètres, 45 mètres et 82 mètres, ce qui correspond à 13 mètres, 11 mètres et 48 mètres par rapport au niveau de la mer. Ces nappes, ayant la même origine à 110 mètres au-dessus du niveau de la mer, sont entre elles absolument indépendantes.

» Au moyen d'appareils enregistreurs automatiques, j'ai observé pendant plus de cinq années les variations journalières du niveau des eaux phréatiques superficielles et les variations du niveau piézométrique des eaux de la première nappe de 21 mètres, dans laquelle s'ouvrent plus d'un millier de puits.

>> Les variations diurnes des eaux phréatiques ont un maximum de 1,50; celles des eaux profondes, de 15 centimètres; la correspondance horaire des diagrammes enregistrés a montré invariablement que le sens des variations est toujours de même nature, c'est-à-dire que l'exhaussement du niveau piézométrique des eaux profondes contenues dans une couche de gravier entre deux couches d'argile étanches monte ou descend avec la pluie locale, tandis qu'il ne se ressent pas des crues des fleuves qui alimentent la nappe aquifère quand ces crues sont dues à des pluies limitées au massit montagneux.

»Ne pouvant pas attribuer ces variations à la possibilité d'une communication entre les deux nappes, car le niveau piézométrique des eaux profondes est toujours très supérieur au niveau des eaux phréatiques, il ne reste, pour les expliquer, qu'à recourir à l'accroissement de pression dépendant de l'imbibition des couches superficielles. La déduction est théoriquement possible, M. Volterra ayant démontre qu'une couche de neige de 0,50 sur une aire circulaire de 100 kilomètres doit déterminer une pression de 6 millimètres; il est cependant nécessaire d'en démontrer la possibilité par une autre voie. >>

M. Dupuit a établi, en 1861, des formules pour déterminer le débit des puits artésiens; soumises aux discussions les plus variées, elles n'ont reçu aucune modification substantielle. Comme il a tenu compte seulement du massif filtrant autour du forage, ses formules sont indépendantes de l'origine de l'eau. Cette particularité les rend inapplicables à la résolution de mon problème, mais elles m'ont permis de calculer le coefficient moyen d'éduction de diverses nappes, c'est-à-dire le débit moyen pour un rayon d'orifice déterminé, à 1 mètre de hauteur au-dessous du niveau piézométrique. Au moyen de ce nombre, j'ai pu calculer la vélocité dans le milieu filtrant au fond du puits et la chute de pression correspondante; connaissant la hauteur d'affleurement des nappes aquifères, la perte de chute représente les résistances dues à la filtration. L'observation constante a toujours conduit à des valeurs plus petites que celles qui étaient nécessaires pour élever l'eau à son niveau piézométrique. Une nouvelle charge devait se joindre à celle que l'eau possédait originairement, et cette charge ne pouvait dépendre que de la pression exercée par les couches superposées. Le calcul m'a démontré que ces hypothèses sont fondées.

De même, le fait bien connu des puits artésiens au bord de la mer, dont le débit croit et décroit avec la marée, dépendrait de l'accroissement de pression dans la région environnante.

Je réserve à une publication plus étendue tous les tableaux des nombres observés et la complète discussion de mes observations.

(Extrait des Comptes rendus de l'Académie des sciences, t. CXXXVII, no 20, 16 décembre 1903, pp. 809-810.)

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