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Les MATIÈRES EN SUSPENSION pourront sans doute donner de meilleurs résultats, mais il est à craindre que leur mouvement ne soit contrarié au point de fausser les indications, particulièrement dans les zones de remous ou de ralentissement de vitesse. Les erreurs auxquelles elles peuvent donner lieu sont sans aucun doute bien supérieures à celles qui affectent les substances en dissolution.

SUBSTANCES EN DISSOLUTION.

Il semble que pour résoudre le problème, il soit nécessaire de donner à un assez grand nombre de molécules un signalement, en leur adjoignant un témoin qui ne les abandonne pas, qui ne modifie pas leurs conditions de mouvement et qu'on retrouve à l'émergence.

Les substances en dissolution (matières colorantes, substances susceptibles d'être révélées par l'analyse chimique) paraissent résoudre le problème dans les meilleures conditions, parce qu'elles s'incorporent à l'eau de façon à constituer un tout physiquement homogène.

Si l'on pouvait individualiser les différentes molécules, les numéroter pour ainsi dire, de façon à relever exactement le moment de leur passage à l'émergence, le problème serait résolu dans toute sa généralité; mais ce n'est là qu'une conception théorique à laquelle il ne faut pas s'arrêter.

Pour faire un essai à l'aide d'une matière colorante, on colore d'une façon aussi régulière que possible une tranche comprise entre deux sections transversales be et ad, en un poste que nous nommerons A. Il résulte de considérations développées plus haut que ce bloc coloré va se déformer en s'écoulant d'une part le glissement, des filets les

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uns sur les autres va l'emboutir pour ainsi dire, le transformer en une sorte de cornet limité par une surface a'b'f'c'd'e'a' convexe vers l'aval et concave vers l'amont. Cette nappe s'allongera en s'amincissant au fur

et à mesure de son avancement. D'autre part, les composantes obliques des vitesses feront passer des molécules colorées dans l'eau pure environnante et inversement. Ce mélange aura pour résultat de gonfler la masse colorée en la déformant et en inégalisant l'état de dilution. Le phénomène progressera surtout et se compliquera sous l'action des remous et des tourbillonnements.

Il en résulte que pour que le témoin puisse être décelé facilement au point d'observation, il faut colorer en A une tranche d'autant plus longue que la diffusion et le mélange prévus avec l'eau pure sont plus importants; c'est le cas des longs parcours avec réserves d'eau considérables.

Quoi qu'il en soit, il est certain que la zone colorée s'allongera, que le passage au point d'observation B pourra durer fort longtemps, que la coloration pourra s'y montrer très variable dans une même section transversale et d'une section transversale à l'autre.

Il semble aussi que, abstraction faite des causes d'erreur que nous examinerons plus loin, on puisse énoncer les principes suivants :

1o Le passage dans la section transversale B des premières traces infinitésimales de matière colorante annonce l'arrivée en ce point des premières molécules issues du paquet coloré en A; il fournit le temps minimum t et la vitesse maximum moyenne v pour le parcours total.

2° L'augmentation de la coloration dans l'ensemble de la section B correspond à l'arrivée en ce point d'un plus grand nombre de molécules issues de A.

3o La coloration maximum dans l'ensemble de la section B répond au plus grand afflux des molécules signalées en A.

4o La diminution de la coloration dans l'ensemble de la section B indique une réduction dans le nombre des molécules venant du tronçon coloré.

5° La disparition complète de la coloration en B correspond à la fin du passage des molécules auxquelles on avait adjoint le témoin; elle fournit le temps de parcours maximum t et la vitesse minimum moyenne vm.

Les résultats de ces observations seront d'autant plus précis que le révélateur sera plus sensible et que le prélèvement des échantillons sera fait d'une manière plus judicieuse.

Pour conduire à des conclusions rationnelles et complètes, l'interprétation de ces résultats réclamera sans doute, dans bien des cas, une connaissance complète des choses de l'hydraulique.

EXAMEN DES CAUSES D'ERREUR.

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I. La diffusion. Nous avons supposé l'emploi d'un témoin n'abandonnant pas les molécules auxquelles il est adjoint. Or, cette condition n'est pas rigoureusement réalisée dans la pratique : la diffusion fait cheminer la matière dissoute des régions où la solution est plus concentrée vers celles où la dilution est plus grande, en même temps qu'elle répand la substance dissoute dans le dissolvant supplémentaire mis à sa portée.

Le résultat de ce phénomène est facile à concevoir il met en avance les particules servant de témoins en tête de la colonne, tandis qu'il exagère le retard de l'arrière-garde colorée. Cette influence sera d'autant plus sensible que le véhicule marchera moins vite.

Néanmoins, la grande lenteur avec laquelle se propage la diffusion fait penser que, dans bien des cas, les erreurs qui en résultent sont tellement faibles qu'il serait puéril de vouloir en tenir compte.

II. Augmentation de densité de la solution. Le témoin, avons-nous dit, ne doit pas modifier les conditions du mouvement du véhicule.

Ces conditions sont régies par la densité du liquide, son frottement sur lui-même et sur les parois.

Or, il semble que les solutions utilisées sont tellement faibles que les constantes spécifiques relatives au frottement ne peuvent pas être modifiées au point d'avoir pratiquement une influence perturbatrice appréciable sur les lois du mouvement du liquide.

Reste la question de la densité.

Il est certain que l'addition d'une matière soluble a pour effet de modifier la densité du véhicule et par conséquent ses conditions de mouvement. On a pensé que cette influence pouvait être considérable : l'eau colorée par la fluorescéine par exemple, devenant plus dense, aurait une tendance à s'étaler sur le fond de la rivière dans la zone des moindres vitesses; arrivant lentement dans les anses et dans les golfes, elle s'accumulerait dans leurs fonds, au point d'y constituer des réserves immobiles considérables, ralentissant la vitesse de propagation, et même arrêtant la marche de la coloration.

Ce serait là la cause du retard de la fluoresceine sur l'eau qui la véhicule, et ce retard aurait été mis en évidence par des essais effectués avec d'autres témoins. Mais les expériences ayant servi de base à cette

conclusion ont été exécutées dans des conditions telles qu'il est impossible de leur accorder une valeur démonstrative.

Si la cause perturbatrice résultant de l'augmentation de densité avait réellement une influence appréciable pour des solutions extrêmement diluées, comme les eaux colorées à la fluorescéine, comment comprendrait-on qu'elle n'affecte pas davantage encore les eaux salées, ou les eaux portant en suspension de la poudre d'amidon?

D'ailleurs, des expériences comparatives, simultanées ou non, semblent avoir établi d'une façon définitive que la fluorescéine n'éprouve aucun retard sur les autres substances utilisées; elle constituerait même le témoin le plus sensible et le plus précis. Il est probable, sans doute, que les variations constatées dans les vitesses de propagation tiennent bien plus à la différence de sensibilité des réactifs qu'aux modifications apportées aux conditions de mouvement par la matière incorporée à l'eau.

Il resterait encore à étudier la question de savoir si la fluorescéine éprouve un retard appréciable sur l'eau qui la véhicule.

On comprendra toute la difficulté que présente la solution rigoureuse de ce problème si l'on songe qu'elle exige, comme terme de comparaison, la connaissance exacte des conditions du mouvement de l'eau pure s'écoulant sans témoin!

Les grandes cavités paraissant exagérer les effets perturbateurs éventuels, nous sommes amenés à dire un mot de leur rôle dans le régime circulatoire du liquide.

Quand un tuyau ou un canal débouche dans un élargissement de section, le faisceau de filets liquides à peu près parallèles s'épanouit en une gerbe dont l'allure dépend des dispositions à l'entrée et de la forme de l'élargissement. Les filets ne redeviennent sensiblement parallèles que si la cavité est assez longue et de forme suffisamment régulière. Des phénomènes inverses se présentent à la sortie.

C'est dans ces élargissements qu'il peut se produire surtout de grandes différences dans les vitesses des filets. Suivant la façon dont le ruisseau s'introduit dans le réservoir, la zone des vitesses maxima se portera vers le fond ou restera vers la surface, faisant ainsi varier, suivant les cas, les lois d'accroissement et d'extinction graduels de la coloration et sa répartition dans la masse.

N'est-ce pas faute d'avoir suffisamment analysé ces phénomènes que quelques observateurs ont cru pouvoir attribuer à l'eau colorée une tendance marquée à s'accumuler dans les fonds? Est-il bien certain que

l'eau pure se fût comportée autrement que celle dont ils ont pu suivre les mouvements grâce à la fluorescéine?

L'une des raisons qui ont donné naissance à cette idée de dépôt dans les fonds se trouve dans le fait constaté de réapparitions de l'eau colorée provoquées par des crues. Sans doute, puisque la couleur réapparaît (1), c'est qu'elle était restée en route; mais, encore une fois, est-il bien certain que l'eau qui l'amène n'eût pas subi exactement le même retard si la matière colorante ne lui avait pas été adjointe? Il y a, dans les parties élargies des cours d'eau, des portions dites mortes, qui ne sont guère animées que de mouvements de remous et non translatoires. En circulation normale d'eau pure, le renouvellement des molécules s'y fait lentement; de même la fluorescéine y pénètre lentement pendant le passage assez prolongé du flux coloré et y reste après le départ de ce flot.

Si le débit normal se maintient, la réserve colorée s'élimine très lentement, donnant une dilution si grande que le témoin n'est plus révélé; survienne une crue importante, le régime se modifie, les portions mortes sont englobées dans les parties vives et la chasse peut les enlever d'un bloc pour les conduire, pour ainsi dire sans mélange, à l'émergence, où la coloration redeviendra apparente.

Les réapparitions peuvent, dans certains cas, s'expliquer par ce fait que l'eau emprunte souterrainement plusieurs conduits différents; elles ne prouvent donc pas, pensons-nous, le dépôt de la fluorescéine dans les fonds, dépôt qui d'ailleurs n'a jamais été démontré.

Bien que cet intéressant problème relatif à l'influence de l'augmentation de densité ne soit pas rigoureusement résolu, il parait établi que la fluorescéine présente à ce sujet le plus de garanties, grâce à l'extrême dilution des solutions employées.

On retiendra toutefois de cette discussion que pour réduire au minimum les causes d'erreur, il y a lieu de régler le jet de façon à éviter dès le début des solutions trop concentrées.

III. Altération du témoin. Précautions à prendre. Nous avons dit que le témoin devait satisfaire à la condition de se retrouver à l'émergence; il faut donc qu'il ne soit pas altéré en route et qu'il se révèle facilement. La fluorescéine témoin le plus généralement employé et reconnu le meilleur est soumise, soit à l'air libre, soit par son passage dans les conduits souterrains, à diverses actions chimiques pouvant l'altérer ou la transformer de manière à la rendre

(1) Il serait plus exact sans doute de dire : « montre une recrudescence d'intensité. >>

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