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Au cours de quelques recherches Sur la filtration et la pénétration de l'eau dans le sable et le limon, recherches dont M. le capitaine Rabozée a bien voulu donner à la Société belge de Géologie un compte rendu très détaillé (2), j'ai eu l'occasion de constater que l'imprégnation d'une masse de sable sec, c'est-à-dire le remplissage, par l'eau, des vides que les grains laissent entre eux, n'est pas un phénomène aussi simple qu'il le paraît à première vue.

Le sable peut, dans certaines circonstances, retenir considérablement plus d'eau que ne semblent le permettre les vides compris entre ses grains. La proportion peut même dépasser le double du volume théorique des creux du sable. Si l'on fait attention que, dans la réalité, les grains de sable ne sont ni sphériques ni égaux, comme le suppose la théorie, le volume vrai des creux sera nécessairement plus petit que ne le veut le calcul, si bien que l'on sera conduit à regarder les grains comme ne se touchant plus dans un sable complètement imprégné, mais comme écartés par une couche d'eau plus épaisse que celle qui résulte

(1) Mémoire présenté à la séance du 10 février 1903 de la Société belge de Géologie, de Paléontologie et d'Hydrologie.

(2) Séance du 3 juin 1902, Pr.-Verb., p. 269.

du simple jeu des forces capillaires. Il est concevable, dès lors, qu'une telle masse manque, le plus souvent, de toute solidité.

J'ai constaté aussi que la vitesse de filtration de l'eau au travers du sable remplissant un tube en verre d'une longueur plus ou moins grande, se trouve en relation étroite avec l'épaisseur de la couche d'eau. Elle présente donc des anomalies, et même des irrégularités, qui voilent les résultats à prévoir d'après les lois de l'écoulement des liquides. La comparaison de deux filtres ne devient possible que lorsque ceux-ci ont pris, avec le temps, un état stationnaire en rapport, bien certainement, avec le degré de tassement du sable et que, de plus, le liquide filtrant a été privé des gaz qu'il peut tenir en solution. Quand ces conditions ne sont pas remplies, il est tout à fait illusoire de chercher à saisir, par l'expérience, les lois de la filtration.

La question du tassement du sable dans des milieux divers, liquides ou gazeux, se présentant, au cours du travail qui vient d'être rappelé, comme un problème à part, j'en avais réservé l'étude pour une époque où mes loisirs m'auraient permis de l'aborder.

Dans l'intervalle, j'ai pu prendre connaissance, grâce à la grande obligeance de M. E. Van den Broeck, des importantes études entreprises au sein de la Société belge de Géologie sur les sables boulants. J'y ai vu, entre autres choses intéressantes, que la question du volume vrai des sables boulants divise encore les savants les plus compétents dans la matière. Tandis que les uns, parmi lesquels se trouvent des praticiens qui ont eu à lutter avec cet ennemi désagréable, regardent le sable boulant comme une sorte de boue plus ou moins fluide, donc sursaturée d'eau, d'autres, en particulier M. le professeur H. Höfer, de l'Académie impériale et royale des mines de Leoben, font remarquer que le départ de l'eau d'un sable boulant ne diminue pas nécessairement son volume, car on n'aurait pas constaté d'affaissements dans des terrains boulants après l'enlèvement de leur eau.

M. R. Feret, chef de laboratoire des ponts et chaussées à Boulognesur-Mer, a tenu à vérifier si l'opinion de M. Höfer trouve un appui dans les expériences de laboratoire. En opérant sur de la farine de marbre moulu et de l'eau, dans un tube en verre de dimensions appropriées, il est arrivé à conclure qu'un sable fin se tasse progressivement jusqu'à une certaine limite, au delà de laquelle même un enlèvement par aspiration de l'eau interposée ne produit plus d'effet, pour ainsi dire. Toutefois, dit M. Feret, si le sable retient plus d'eau que celle qui correspond à ce tassement maximum, ce qui paraît être le cas des sables boulants, tout enlèvement de cette eau provoque

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«un tassement plus ou moins important suivant que l'état initial différait plus ou moins du tassement limite ».

Les conclusions de M. Feret sont un grand appui pour l'opinion que m'avaient suggérée mes recherches récentes sur l'infiltration de l'eau dans le sable et le limon, opinion que la Société belge de Géologie a bien voulu faire connaître dans les procès-verbaux de ses séances spéciales sur le boulant. Un sable fin en place, dans lequel les grains sont au contact vrai, me paraissait pouvoir perdre son eau d'imbibition sans éprouver une diminution de volume; mais il pouvait en être autrement d'une masse de sable libre; celle-ci peut, à mon sens, contenir assez d'eau pour que les grains soient vraiment écartés les uns des autres et, dans ces conditions, un enlèvement de l'eau doit nécessairement avoir pour conséquence une diminution du volume de la masse.

Ces divergences de vues, aussi bien que les anomalies de la vitesse de filtration de l'eau, auxquelles il a été fait allusion plus haut, m'ont engagé à soumettre la question de l'imbibition et du tassement du sable à quelques investigations complémentaires. Je serais heureux si les résultats obtenus dans ce travail pouvaient être de quelque utilité dans l'étude entreprise par la Société belge de Géologie.

$ 1. De la pression que peut produire l'imbibition d'une masse de sable enfermée dans un vase.

L'eau qui pénètre une masse de sable sec, chasse nécessairement devant elle l'air emprisonné entre les grains. Si cet air ne peut s'échapper, la pression grandira. Il peut être intéressant de se renseigner sur la valeur de cette pression et surtout de savoir si elle est en état d'arréter finalement l'imbibition.

A cette fin, j'ai construit l'appareil figuré ci-après. Un flacon en verre F, de 0,18 de haut et de 0,07 de diamètre, a été privé de son fond de manière à réaliser une cloche étroite, tubulée. La tubulure a été fermée hermétiquement à l'aide d'un bouchon en liège, imprégné de laque fondue, et livrant passage à un tube en verre t qui reliait la cloche à un manomètre M, comme on peut le voir dans la figure. Avant de faire le raccord avec le manomètre, on a mis un petit tampon de ouate sous le bouchon, à l'endroit où le tube t affleurait, puis on a rempli la cloche de sable en le tassant à l'aide d'un marteau de bois. Enfin, la cloche a été fermée par deux doubles de papier à filtrer maintenus en place par une fine toile métallique soudée à une douille, qui a été fixée au verre à l'aide de laque fondue.

Le sable qui a servi a été extrait du limon de Hesbaye à la suite d'un traitement du limon par l'acide chlorhydrique jusqu'à dissolution complète des matières argileuses et ferreuses, suivi d'un lavage complet à l'eau. Il a été passé, finalement, à travers un tamis de soie telle qu'elle sert au blutage de la farine. La grosseur moyenne des grains de ce sable était de cinq à dix microns seulement.

Le remplissage de la cloche étant terminé, le tube a été raccordé au manomètre et la cloche a été plongée dans un vase plein d'eau.

Fig. 1.

Aussitôt l'imbibition commence et l'air déplacé par l'eau se rend dans le manomètre. Au début, on voit des bulles d'air se frayer une voie à travers la toile métallique et la pression intérieure diminuer; mais lorsqu'une couche suffisante de sable est imbibée, l'air se rend complètement dans le manomètre. La pression monte rapidement d'abord, puis de plus en plus lentement. L'état stationnaire a été atteint après quatre à cinq heures, et il s'est maintenu, chaque fois, jusqu'au lendemain, c'est-à-dire jusqu'au moment où l'appareil a été démonté. La hauteur de la colonne d'eau soulevée dans le manomètre a été, une première fois, de 1,80 et une autre fois, de 2,15; la grande difféouate rence entre ces hauteurs doit être attribuée à cette circonstance que dans la première opération il y a eu une plus grande perte d'air, au début, que dans la seconde, par suite, sans doute, d'un défaut dans le remplissage. En somme, la pression a monté jusque environ un cinquième d'atmosphère.

On pouvait voir distinctement le niveau auquel s'était arrêtée l'eau dans la cloche F. Les trois quarts, environ, du sable étaient imbibés d'eau; le dernier quart était simplement mouillé, sans que les intervalles entre les grains fussent remplis d'eau. La pression qui a régné dans l'appareil a donc empêchée l'eau de remplir tous les vides, mais elle ne l'a pas empêchée de se répandre à la surface de tous les grains.

On remarquera la solidité étonnante qu'avait la couche de sable imbibée, au-dessus de la douille: elle résistait finalement à la pression intérieure sans laisser perdre la moindre bulle de gaz. Il paraît évident,

d'après cela, que du sable simplement imbibé et soumis à une certaine compression ne peut être « boulant ». Cette propriété de bouler doit nécessairement être la conséquence d'un excès d'eau dans le sable, excès qui ne peut se produire que si le sable se trouve dans un certain état de liberté lui permettant de foisonner.

La grandeur de la pression qui se développe dans les conditions de cette expérience dépend dans une large mesure, sinon exclusivement, de la surface libre des grains de sable.. En effet, si l'on emploie un sable à grains plus gros, offrant donc moins de surface sous le même poids de matière, la pression ne monte pas si haut. Le sable tongrien (lavé à l'acide chlorhydrique, comme le précédent) n'a fait monter l'eau dans le manomètre qu'à 40 centimètres. Il est vrai que dans un sable plus gros, les espaces compris entre les grains ne sont pas si étroits et qu'ils ne peuvent donc exercer une action capillaire si grande; mais cette circonstance est plutôt secondaire puisque les phénomènes de capillarité ont pour première condition l'extension des liquides sur la surface des corps. Notons encore que les autres particularités de l'expérience n'avaient pas changé dans le cas du sable plus gros : la couche inférieure était imbibée et la partie supérieure simplement mouillée.

Enfin, en remplaçant l'eau par l'alcool, corps dont la tension superficielle est près de trois fois moindre que celle de l'eau, la pression est restée également en dessous de celle développée par l'eau. Avec le sable fin, elle a atteint seulement 0,70, nombre qui est remarquablement d'accord avec la théorie et qui donne à penser que les défauts de la méthode pratiquée ne sont pas tels qu'ils masquent les faits principaux.

§ 2.

L'imbibition spontanée du sable a une limite.

J'ai tenu à changer les conditions de l'expérience en vue de m'assurer, d'une façon décisive, si l'imbibition spontanée du sable sec a une limite assignable.

Pour cela, j'ai rempli une vessie bien dégraissée et imprégnée seulement de la quantité d'eau nécessaire pour donner de la souplesse à la membrane, de sable fin du limon de Hesbaye, bien tassé, et je l'ai fermée au moyen d'une ligature rendant tout départ d'air impossible. Le volume du sable ainsi enfermé dans la vessie a été déterminé en plongeant un instant le sphéroïde dans du benzene jusqu'à la ligature, et en mesurant le volume de liquide déplacé. Il est clair que le volume

1903. MÉM.

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