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EAUX

LA QUESTION

DES

ALIMENTAIRES

DANS LES

RÉGIONS DUNALE ET POLDERIENNE DU LITTORAL BELGE (1)

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Nous avons eu l'honneur de présenter à la séance de la Société du 21 octobre dernier une note intitulée: Quelques mots au sujet de l'hydrologie de la côte belge. Ces quelques pages sont plutôt une étude critique de la notice communiquée à la séance du 25 mai de la Société géologique de Belgique par M. R. d'Andrimont, ingénieur à Liége, et intitulée Notes sur l'hydrologie du littoral belge, préconisant le captage des eaux de la zone dunale.

Nous savions depuis longtemps qu'au point de vue des eaux alimentaires, le littoral se trouve dans une situation déplorable. Notre opinion était basée sur cet axiome que jamais en polder il n'y a d'eau potable. Nous savions aussi qu'à Ostende (2) et en d'autres localités, il fallait recourir aux citernes pour capter les eaux pluviales destinées aux usages domestiques, mais nous ignorions complètement que le mal fût aussi grave que nous venons de l'apprendre.

Le Ministère de l'Agriculture a eu l'heureuse idée de nous offrir un volume des plus intéressants: Enquête sur les eaux alimentaires; qu'il veuille bien agréer l'expression de notre sincère gratitude. Ce gracieux

(1) Présenté à la séance du 24 avril 1903.

(2) En cette ville, les eaux pluviales sont en outre polluées par la suie. Jamais le pied noirci d'un ramoneur n'a foulé le sol de la Reine du littoral. Le ramonage des cheminées y est absolument inconnu.

1903. MÉM.

19B

envoi (1) nous permet de traiter la question à fond et de lever tout doute au sujet de l'alimentation locale dans la région du littoral.

C'est avec grande stupéfaction que nous avons constaté que plus de cent localités n'ont d'autres ressources que l'eau pluviale; à Oudenbourg, pour 2706 habitants, il y a 350 citernes privées; à Furnes, 900 citernes privées et une, publique, de 300 mètres cubes pour 5800 habitants, et à Dixmude la citerne publique est d'une contenance de 800 mètres cubes; il y en a dans presque toutes les maisons; l'eau des puits est généralement de mauvaise qualité. Décidément Furnes devrait changer de nom et s'appeler Citerneville : une citerne par six habitants, c'est un record qui n'a jamais été atteint, même par les estaminets; c'est le triomphe de l'eau. Nous y reviendrons.

Pour en revenir aussi à notre première note, M. R. d'Andrimont nous a fait l'honneur de nous écrire et nous prie de communiquer à la Société les observations suivantes; nous nous empressons de satisfaire à son désir.

Nous avions fait remarquer qu'une source artésienne qui, à Ostende, a son niveau hydrostatique à la cote 12, ne peut avoir son affleurement, tête de source, dans le lit de la mer. M. R. d'Andrimont nous écrit: <«<< Au sujet de la salure de la source artésienne du Landenien supérieur, je me permets de vous citer mon auteur (2). »

Parlant ensuite du bombement de la nappe aquifère dans les dunes, M. d'Andrimont ajoute: « Au sujet de l'explication de M. Herzberg que vous n'admettez pas, permettez-moi de vous faire remarquer que j'ai moi-même signalé (fig. 7 de mon mémoire) qu'il était possible d'expliquer le bombement par la cause toute simple et très connue d'ailleurs que vous rappelez.

>> J'ai cependant de nombreuses raisons de croire qu'il en est autrement pour les eaux des dunes, raisons que vous retrouverez également dans la seconde communication (5) que j'ai faite sur le même sujet à la séance du 18 janvier 1903 de la Société géologique de Belgique.

» Il y a d'énormes différences d'ailleurs entre les proportions de la vallée et des collines de la Woluwe que vous citez et entre la grande plaine des Flandres et les minuscules collines que sont nos dunes.

>> De plus, ce bombement se retrouve même aux endroits où les dunes n'existent pour ainsi dire pas.

(1) Ministère de l'Agriculture, Enquête sur les eaux alimentaires. Rapport de M. J.-B. André, ingénieur et inspecteur général. In-8o de 465 pages.

(2) M. RUTOT, Le puits artésien de Blankenberghe. (SOC. BELGE DE GEOL., DE PALÉONTOL. ET D'HYDROL., t. II, 1888.)

(3) Contribution à l'étude de l'hydrologie du littoral belge.

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>> Vous donnez une autre explication au bombement de la nappe, mais vous ne démontrez nullement la fausseté de l'hypothèse de M. Herzberg. Nous n'avions pas admis la théorie de M. Herzberg, qui considère l'eau douce comme flottant sur l'eau salée ainsi qu'un bouchon et attribuant à la différence de densité des deux eaux la cause de la différence de niveau existant entre la nappe d'eau salée et la nappe d'eau douce. Nous n'avons pas admis cette théorie à cause de son peu de fondement. Une mer bordée de dunes est toujours très peu profonde; soyons généreux et accordons-lui 4 mètres, ce qui est même exagéré, car avec cette minime profondeur les bains ne seraient plus possibles; nous nous étions rappelé que Daubrée a dit que dans les dunes de la Gascogne l'eau douce s'élève à 15 et 20 mètres de hauteur. Une colonne d'eau salée de 4 mètres ferait donc contrepoids à une colonne d'eau douce de 20 mètres de hauteur, d'après M. Herzberg. Un vrai travail de compresseur, car la densité de l'eau douce étant 1.000 et celle de l'eau de mer de 1.027, une colonne d'eau de mer de 4 mètres de hauteur ne peut faire contrepoids qu'à une colonne d'eau douce de 4 mètres 108 millimètres. La différence est donc absolument insignifiante. Nous avons aussi la conviction que si on faisait un long plateau de béton absolument imperméable et qu'on y construisît des dunes artificielles, on constaterait bientôt le même bombement de la nappe aquifère; l'infiltration verticale étant beaucoup plus rapide que la filtration latérale, il doit y avoir surélèvement du niveau dans la partie centrale du massif sableux. Le plateau en béton n'est pas un mythe: dans toutes les villes fortifiées, les casemates sont couvertes de terre, et le génie militaire ménage même des regards pour l'évacuation des eaux pluviales filtrant à travers la couche de sable.

Cette question nous paraît donc élucidée.

Le troisième point cité par la lettre de M. R. d'Andrimont est conçu comme suit : « Vous citez pour terminer des chiffres au sujet de la zone dunale; celle-ci atteint en effet plus de 2000 mètres de largeur aux environs de Nieuport, et cette largeur se maintient jusqu'à la frontière française. Vous oubliez également de citer un massif de dunes que je trouve très important et très intéressant au point de vue pratique : c'est celui compris entre Heyst et la frontière hollandaise.

>> Vous partez également de ce principe, que je crois peu exact, que l'eau de la couche aquifère des dunes a pour unique origine les eaux météoriques qui tombent à la surface de celles-ci. Dans cette hypothèse même, je crois que le chiffre de 2 à 3 mètres cubes par hectare et par jour est trop faible.

» Enfin, des pompages que j'ai exécutés moi-même sur des puits. d'essai (du genre abyssin) dans la région basse des dunes de Knocke et dans de vraies pannes, aux environs du Coq, m'ont démontré que l'eau était loin d'être insalubre. Elle a très bel aspect; j'en ai bu pendant trois mois, sans être le moins du monde incommodé. L'analyse montre d'ailleurs que l'eau est parfaitement potable. »

Nous ne contesterons pas qu'en quelques points il n'y ait de l'eau potable dans les dunes; certaines zones en contiendront probablement des quantités relativement considérables, mais celles-ci seront toujours insuffisantes pour créer une distribution un peu importante.

Pour connaître exactement la quantité dont on pourrait disposer, il faudrait établir plusieurs coupes transversales de la région dunale et niveler la surface de la nappe aquifère au-dessus d'un plan déterminé, la cote 5 par exemple, pour éviter tout appel d'eau salée marine ou d'eau infecte de la zone polderienne. On pourrait établir ainsi les réserves.

Un essai fait à l'aide d'un puits abyssin n'est pas probant, son débit pouvant être considéré comme nul. Nous avons fait tant d'essais de débit depuis un tiers de siècle, que nous en savons quelque chose. Nous en faisons encore un en ce moment à Alost, à raison de 750 litres par minute (1 080 mètres cubes par vingt-quatre heures). Nous considérons même un essai de l'espèce comme insuffisant pour juger de la quantité d'eau que recèlent les dunes.

Tous ceux qui ont assisté au creusement des fossés des fortifications et des bassins à Anvers ont pu constater combien les sables s'assèchent rapidement dans un périmètre considérable. Les grands bassins qui ont remplacé la citadelle du Nord, malgré le voisinage immédiat de l'Escaut et leur situation en plein polder, ne donnaient plus à la fin qu'une quantité d'eau minime, quoique le radier eût atteint environ la cote 12 et que les sables pliocènes se trouvassent à nu sur une hauteur considérable. La surface creusée était d'environ 15 hectares, et l'on pouvait se promener à pied sec dans le fond des fouilles.

On perd généralement de vue que la nappe aquifère des dunes subit un drainage énergique. Lorsqu'elle est plus élevée que la nappe phréatique de la plaine, elle doit s'y déverser lentement par filtration. Du côté de la mer, l'effet est bien autrement considérable; on voit s'écouler de vrais ruisselets des mares qui se trouvent sur la laisse de marée basse. Ces eaux proviennent en partie des dunes; le dosage des sels en dissolution permettrait d'établir la quantité d'eau douce mélangée à l'eau marine. Une partie des eaux pluviales tombant sur

les dunes doit se perdre par évaporation. Ces pertes diverses doivent faire compensation à l'apport annuel, car le niveau moyen de la nappe aquifère ne varie guère. En cas de saison humide, le bombement doit augmenter et le mouvement de filtration latérale s'accélérer par l'effet de la pesanteur. Le phénomène inverse se produit pendant les sécheresses; de cette manière, il y a compensation et le niveau moyen tend à se maintenir dans les dunes.

Dans la zone dunale, les puits ne peuvent atteindre le niveau maximum des marées ni celui de la nappe phréatique de la plaine; il faut bien se prémunir soit contre l'invasion des eaux marines, soit contre celle des eaux infectes du polder. Si la nappe aquifère des dunes n'est pas épaisse, le débit des puits sera bien faible et il faudra les multiplier pour obtenir un résultat pratique. Dans ce cas, la galerie drainante est préférable, son action étant continue. Malheureusement, pour l'établir, on doit assécher une partie de la nappe et épuiser les réserves; ce fait est d'autant plus grave dans les dunes qu'elles sont dépourvues de bassin compensateur. Dans la forêt de Soignes, l'inconvénient est déjà appréciable, quoique le sous-sol de la forêt soit alimenté par un bassin compensateur énorme, qui s'élève rapidement dans la direction du Sud.

M. Th. Verstraeten, qui s'est occupé spécialement de la question et dont la compétence en la matière ne saurait être révoquée en doute, nous écrit : « Nos dunes ont trop peu de largeur et de masse, eu égard aux quantités d'eau qu'on voudrait en tirer pour les villes déjà importantes qui les bordent. Les couches aquifères qu'elles recèlent sont trop près de la surface et leurs volumes n'ont pas la faculté régulatrice nécessaire. >>

Il est donc de haute importance, avant d'entreprendre tout travail de captation dans les dunes, d'établir plusieurs séries de petits puits tubés, permettant de déterminer le profil de la nappe aquifère en toutes saisons et spécialement pendant les périodes sèches. On sera ainsi toujours à même de cuber les quantités disponibles. Sans ce travail préparatoire, on s'exposera certainement à de sérieux mécomptes. De plus, de nombreuses analyses d'eau devront être faites à toutes les époques.

Nous croyons en avoir dit assez sur la nappe aquifère pour que chacun puisse se former une idée à ce sujet. Elle peut suffire à de petites distributions, mais il y aura lieu de suivre de bien près la qualité des

eaux.

Passons à présent à la nappe phréatique polderienne. Délimitons d'abord cette région beaucoup plus vaste.

Sur la rive gauche de l'Escaut, la zone polderienne commence non

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