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constate cependant aucun changement dans leur composition : le titre en alcool reste exactement le même d'après les essais que j'ai faits. Ce résultat négatif est dû à ce que l'affinité réciproque de l'eau et de l'alcool est bien supérieure à l'affinité du sable pour l'eau. En effet, si l'on fait choix d'une autre couple de liquides le résultat devient positif. L'eau et l'acide propionique sont aussi miscibles en toutes proportions, mais leur solution est facilement détruite si l'on y dissout un sel, tel que le chlorure de calcium, qui a pour l'eau une grande affinité. On constate alors une mise en liberté d'acide propionique parce que celui-ci surnage comme de l'huile sur l'eau. Eh bien, si l'on agite avec du sable une solution faite de volumes égaux d'eau et d'acide propionique et que l'on dégage ensuite l'acide propionique par l'addition de chlorure de calcium à un volume déterminé du liquide décanté de dessus le sable, on observe qu'il apparaît au delà de 10% d'acide de plus que dans un autre volume égal qui n'a pas été agité avec du sable. Ceci prouve bien que le sable attire plus fortement à lui l'eau que l'acide propionique et qu'il l'accapare dans une proportion notable.

Un autre fait à mentionner aussi, dans le même ordre d'idées, est que si l'on agite du sable, fin ou gros, avec du benzène, de manière à le bien mouiller et qu'après on l'agite avec de l'eau, le benzène se trouve déplacé et vient former une couche au-dessus de l'eau; l'affinité du sable pour l'eau est donc plus grande que pour le benzène. Cette substitution de l'eau au benzène est analogue à la substitution des gaz à l'eau dans les expériences précédentes; on peut sans doute admettre même qu'on se trouve en présence d'un fait ayant un certain caractère de généralité.

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§ 7. Densité apparente de l'eau dans laquelle du sable est en suspension. D'après ce qui précède, on ne peut plus regarder l'eau dans laquelle du sable est en suspension comme ayant une densité égale à celle de l'eau pure. Si autour de chaque grain de sable il y a une couche condensée de liquide, ou de gaz, qui se raccorde insensiblement au restant de l'eau, on devra envisager, jusqu'à un certain point, un mélange d'eau et de sable comme formant un seul corps et non comme la simple juxtaposition de deux corps différents. Quand du sable est en voie de se déposer au fond de l'eau, on ne doit pas penser que l'on assiste à une chute des grains de sable à travers l'eau, mais bien que le sable et du liquide descendent à la fois, comme s'ils étaient d'une pièce. Arrivés sur les couches du fond, ils seront renvoyés ensuite de la vitesse acquise et remonteront jusqu'à une certaine hauteur dépen

dant de la force vive, pour retomber ensuite. Ce n'est qu'à la suite de l'épuisement de la force vive par le frottement intérieur que le calme s'établira.

L'exactitude de ces considérations se vérifie très aisément par l'expérience. En effet, si le sable et l'eau sont jusqu'à un certain point solidaires, leur ensemble devra avoir une densité spéciale.

Ceci étant admis, versons dans un tube en verre, fermé par un bout (un tube de 0,60 de long et 0,02 de large), du sable imprégné totalement d'eau jusqu'à la moitié de la hauteur et achevons le remplissage à l'aide d'eau pure. Fermons le tube et retournons-le; toute la masse de sable et d'eau se frayera un passage à travers l'eau pure, comme à travers une substance étrangère, de sorte que l'eau pure sera de nouveau au-dessus. Que c'est bien ainsi que les choses se passent, c'est ce que montre l'addition d'une trace de matière colorante, du bleu de méthyle ou de la fluorescéine, à l'eau qui imprègne le sable. En retournant le tube dans ces conditions, on assiste à tout le spectacle de la formation des deux courants liquides et de leur côtoyement sans mélange bien prononcé. Quand tout est rentré en repos, le liquide surnageant s'est à peine coloré. On peut retourner le tube plusieurs fois avant que la matière colorante soit uniformément répartie, tandis que si l'on fait le même essai sans sable, il suffit d'un renversement pour produire l'homogénéité de la coloration.

En résumé, l'eau pure et l'eau mêlée au sable se comportent comme deux liquides inégalement denses, superposés.

On peut vérifier le fait d'une manière plus probante encore. En effet, si, de deux vases communicants, on remplit l'un d'eau pure et l'autre de sable et d'eau, le niveau ne sera le même dans les deux vases que si le sable repose sur le fond du vase; si, au contraire, on le maintient en suspension dans l'eau en évitant, bien entendu, toute variation dans la hauteur de la colonne liquide, chose facile à faire à l'aide de l'agitateur mécanique de Loesner, l'égalité de niveau de s'établit plus : une hauteur d'eau et de sable fin de 0,120 fait contrepoids à une hauteur d'eau pure de 0,134; c'est-à-dire qu'il y a une différence de niveau de 14 millimètres.

A l'appui de ce qui précède, je dirai que l'étude de la densité des liquides troubles proprement dits, et même des gaz chargés de fumée ou d'un brouillard, a déjà été faite. Le professeur V. Garcia de la Cruz, de Madrid, a publié, en 1894 (1), ses curieuses expériences à ce sujet.

(1) Barcelone. Imprimerie de la Casa P. de Caridad. Voir aussi Revue scientifique, mars 1895, p. 272.

Il montre, par exemple, dans le cas des gaz, qu'un petit ballon gonflé d'hydrogène, et lesté de manière à ne pas s'élever dans l'air pur, s'élève, au contraire, quand l'air est troublé en y faisant passer de la fumée quelconque. Les expériences précédentes ne sont donc qu'une extension de celle de M. Garcia de la Cruz au cas où les matières troublantes sont si volumineuses qu'elles ne restent suspendues que grâce à une agitation continuelle.

L'eau et le sable mêlés fonctionnent donc comme un liquide de densité plus grande que celle de l'eau. Il n'y a pas lieu de s'étonner, dès lors, que leur irruption produise, dans certains cas, des effets dépassant les prévisions.

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Influence des gaz dissous dans les liquides sur le tassement du sable.

L'ensemble des renseignements que nous venons de recueillir nous permet, à présent, de résoudre la question du tassement des sables dans différents liquides, question que nous avions dù laisser en suspens.

L'obstacle le plus grand au tassement du sable se trouve dans la présence des gaz dissous dans les liquides. Les divers liquides qui ont été employés (voir plus haut) dissolvant plus ou moins bien les gaz doivent agir inégalement. Il est facile de vérifier, par exemple, que dans de l'eau saturée d'acide carbonique, le tassement est moins complet que dans de l'eau pure. En effet, ayant versé du sable dans une solution. carbonique et l'ayant laissé se déposer, j'ai noté d'abord une hauteur de 178 millimètres. Après avoir expulsé tout le gaz en faisant bouillir l'eau dans le vide, la colonne de sable est tombée aussitôt à 158 millimètres, soit donc à 20 millimètres plus bas.

J'ai repris alors les expériences mentionnées page 22, en me bornant, cette fois, à opérer à l'aide des liquides dans lesquels le tassement avait été le plus lent, savoir le benzene, l'éther éthylique, l'alcool méthylique et l'acétate d'amyle. En soumettant les tubes renfermant le sable et les liquides au vide, il s'est dégagé un volume énorme de gaz (de l'air?). Après repos, le sable s'est tassé effectivement plus qu'il ne l'avait fait lors des premiers essais après une semaine d'attente; mais le tassement complet ne s'est cependant pas produit d'emblée il a fallu attendre quelques jours encore. Il résulte de là que si la présence du gaz a une influence capitale sur le retard du tassement, le liquide en exerce une de son côté.

Il est très remarquable que le dernier rapprochement des grains ait lieu lentement, bien que spontanément. Ce fait a déjà été observé par M. Feret au moyen de la farine de marbre (loc. cit.). Il paraîtrait plus naturel que l'enveloppe liquide dans laquelle chaque grain de sable se trouve logé, fût permanente plutôt que temporaire. Sans doute se compose-t-elle de couches concentriques, en équilibre d'autant moins stable qu'elles sont plus éloignées du centre. Un sable à gros grains devra donc se tasser plus rapidement, indépendamment de l'action plus grande de la pesanteur, qu'un sable à grains plus fins.

Enfin, j'ai répété les expériences de M. Feret sur le tassement des sables en en modifiant les conditions.

Au lieu de laisser le sable se tasser dans l'eau, j'ai provoqué d'abord le tassement du sable mouillé, aussi complètement que possible, en l'exposant au vide jusqu'à dessiccation, puis j'ai fait arriver l'eau, lentement, par le dessous afin de vérifier si la colonne de sable grandissait à la suite de l'imbibition.

Je me suis servi, à cet effet, du tube figuré page 25. Après l'avoir rempli de sable et d'eau, j'ai fait le vide et renouvelé l'eau aussi longtemps que le tassement se produisait encore. Le sable a été ensuite desséché dans le tube même, par circulation d'air sec, déterminée par le fonctionnement incessant de la trompe. Enfin, le tube a été plongé verticalement dans une éprouvette pleine d'eau, de manière que le niveau du sable fût toujours dans le même plan que le niveau extérieur de l'eau. Le sable s'est donc imbibé d'eau, en commençant par le dessous, tandis que le dégagement de l'air se faisait librement par le dessus. Dans ces conditions, le sable n'a pas foisonné. Mais si l'on enfonce le tube dans l'éprouvette de manière que le niveau du sable soit plus bas de quelques centimètres (8 à 10) que le niveau de l'eau, la colonne de sable foisonne. Si elle était de 75 millimètres à l'origine, elle atteint 78mm,5; il y a donc un foisonnement de 5mm,3 ou

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Ces résultats n'ont rien que de très naturel, si l'on fait attention que l'eau chargée de sable a une densité plus grande que l'eau pure (voir plus haut). Dans le premier cas, où le niveau du sable était au niveau de l'eau, le sable mouillé ne pouvait être soulevé par l'eau, car il fonctionnait comme une masse plus dense. Dans le second cas, au contraire, le sable imbibé devait s'élever en vertu du principe des vases communiquants, jusqu'à ce que sa hauteur fût en raison inverse de sa

densité apparente, relativement à la hauteur de l'eau à l'extérieur du

tube.

Toutefois, cette cause de foisonnement du sable se trouve contrariée, naturellement, par l'action inverse du tassement due à la pesanteur, de sorte que l'on ne peut s'attendre qu'à un état d'équilibre entre les actions en jeu, état d'équilibre qui s'est trouvé atteint, dans le cas présent, par le foisonnement de 4.66 %.

En somme, il n'y aura foisonnement du sable qui s'imbibe d'eau, que dans le cas où la contre-pression de l'eau sera au moins égale à la charge du sable imprégné, telle que la fait connaître sa densité apparente; alors seulement la masse de sable mouillé se fusionnera, en quelque sorte, avec l'eau qui s'insinue et elle participera, dans une certaine mesure, des propriétés générales d'un corps liquide unique.

RECAPITULATION.

1. L'imbibition d'un sable sec a lieu jusqu'à ce que l'air expulsé d'entre les grains par le liquide ait atteint une certaine pression dont la grandeur dépend essentiellement de la constante capillaire du liquide et de la finesse du sable; toutefois, l'arrêt de l'imbibition n'empêche pas le mouillage général des grains de sable.

2. Une masse de sable sec et meuble, qui s'imbibe d'eau, passe par un maximum de solidité. Celui-ci est un état d'équilibre instable parce que l'addition ou l'enlèvement d'un peu de liquide provoque une dislocation marquée. Quand le sable se trouve dans cet état d'équilibre, il se laisse débiter en tranches fines, restant debout.

3. Le degré d'imbibition qui donne à une masse de sable le maximum de solidité est en équilibre physique avec le degré de libre imprégnation d'eau des membranes animales.

4. Le sable se tasse d'une manière égale dans des liquides chimiquement différents. Le degré de tassement ne dépend donc ni des constantes capillaires ni des grandeurs moléculaires des liquides. Toutefois, la rapidité du tassement dans divers liquides n'est pas la même; elle varie dans une large mesure sans être, non plus, en relation simple avec les constantes physiques des liquides.

5. Le tassement du sable dans les gaz présente le même caractère que dans les liquides. Il est aussi indépendant de la nature chimique des gaz. Ceci prouve que la densité des gaz n'intervient pas comme facteur essentiel dans le phénomène.

6. Le sable détruit l'état de sursaturation et même l'état de satura

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