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interpréter autrement. Nous reviendrons sur cette importante question à propos du groupe suivant. De même les travées saillantes sont bien un appareil branchial, mais non des arcs à nu. On ne voit ni les arcs, ni les filaments branchiaux, ni les fentes. Ce que montre le fossile, c'est << simplement l'indication d'un squelette branchial cartilagineux sur le vivant, mais qui a naturellement disparu pendant la fossilisation »>.

Fig. 10. — Lanarkia spinosa. CONTOUR RESTAURÉ, MOITIÉ DE

GRANDEUR NATURELLE.

Le corps est couvert d'épines de deux tailles différentes. (Mémoire de Traquair.)

Mais l'examen des écailles a donné un résultat inattendu. Leur structure est exactement celle des Coelolépidés, tellement qu'on a pu les identifier avec une des formes spéciales, décrite depuis longtemps par Agassiz sous le nom de Thelodus, nom définitivement adopté par Traquair.

Dans un deuxième mémoire, présenté à cette même séance (4 juillet 1898), mais dont la rédaction est postérieure au premier, Traquair décrit deux autres espèces, celles-ci siluriennes, également identifiables avec des tubercules connus depuis longtemps à l'état isolé; l'une d'elles est intéressante en ce qu'elle montre deux formes différentes d'écailles, l'une sur la région céphalique, l'autre sur la région caudale.

Les tubercules de Thelodus montrent nettement la distinction en une partie supérieure et une partie basilaire. Dans quelques fossiles qui présentent tout à fait la même forme du corps que Thelodus (étalement latéral de la portion antérieure), les écailles sont des épines, un cône creux avec canalicules, mais sans base. C'est le genre Lanarkia, avec trois espèces.

Les nouvelles espèces de Thelodus, pas plus que celles de Lanarkia, ne montrent rien qui rappelle l'appareil branchial de l'exemplaire de Powrie.

On se rappellera que dans les couches fournissant en grand nombre les tubercules isolés de Coelolépidés, on trouve également des épines

nommées Onchus (§ 3, p. 343), et que pour cette raison on a cru que les deux objets pouvaient provenir du mêmne animal, qui aurait été un Sélacien, et plus spécialement un Acanthode. Or, les couches siluriennes du Sud de l'Écosse, qui ont fourni les nouveaux Thelodus et Lanarkia, ont beaucoup de ces tubercules isolés, mais les épines sont totalement absentes. Ce seul fait suffirait pour infirmer la relation supposée. La découverte d'individus complets où il n'y a pas traces d'épines, avec une forme du corps très spéciale et très constante, rend tout doute impossible désormais. Ainsi tombe une des plus grandes affinités avec les Sélaciens.

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Pander et Rohon

15. Le revêtement dermique des Coelolépidés. ont étudié la composition histologique des tubercules de Coelolépidés. De la cavité intérieure partent des canalicules flexueux, dans toute la partie supérieure; ils sont moins nombreux ou tout à fait absents dans la partie basilaire. La structure est nettement hétérostracée. Les Coelolépidés réalisent donc le stade prévu par la théorie, d'êtres à tubercules dermiques durcis mais anhistes, non encore conflués en séries linéaires cohérentes ou en plaques continues.

La forme la plus simple de ces éléments dermiques est celle de Lanarkia, car il n'y a que la partie supérieure seule, en forme d'étui conique, sans ajoute d'une partie basilaire.

La signification morphologique de cette structure est facile à interpréter; elle est considérée depuis longtemps comme le durcissement d'une papille dermique. Les petites écailles placoïdes qui forment le « chagrin » de la peau de Requin sont essentiellement une de ces papilles avec une masse canaliculée (ivoire), une couverture d'émail anhiste sécrété par l'ectoderme sus-jacent; l'épine est fixée par une plaque basilaire d'ordinaire losangique, portion ossifiée du derme avec vraies cellules osseuses. Ces notions ont été rendues classiques par Hertwig et Gegenbaur; elles sont exactes et il n'y a rien à rectifier.

Mais il y a peut-être à compléter quelque peu et à expliquer. Ces travaux ont été faits sur les Sélaciens, considérés avec raison comme les Gnathostomes les plus primitifs, mais toujours des Gnathostomes; il n'a pas été tenu un compte suffisant des fossiles en question, lesquels, du reste, à cette époque n'avaient pas encore été reconnus comme Agnathes, c'est-à-dire comme plus primitifs encore.

Prenons comme point de départ une structure du derme, comparable dans ses grandes lignes à celle de l'Amphioxus: une masse anhiste

fibrillaire entre deux couches épithéliales, la supérieure l'épiderme, l'inférieure la membrane limitante; le derme anhiste est un produit de sécrétion de l'une de ces deux couches épithéliales ou de toutes deux. Une papille résulte de l'inflexion de toutes ces couches. Le durcissement de cette papille par dépôt de matière calcaire dans le derme anhiste suppose une modification considérable dans l'activité sécrétoire des cellules épithéliales et aussi dans la perméabilité de la masse anhiste. Il est, en effet, probable que les phénomènes osmotiques de la nutrition ne se font plus aussi facilement dans une masse compacte calcaire que dans une masse presque gélatineuse; la difficulté sera plus grande encore si l'on suppose un accroissement d'épaisseur de la couche dermique sur la papille. Les cellules s'adaptent à ces nouvelles conditions et exigences; tout en conservant leur arrangement épithélial, elles pénètrent dans l'épaisseur du derme anhiste, non point ellesmêmes par tout leur corps, mais uniquement par un long prolongement. Les canalicules de l'ivoire, ou plutôt les prolongements cellulaires qui les occupent, sont donc une adaptation aux conditions de formation et de maintien nutritif de l'ivoire. La structure anatomique paraît bien, telle qu'elle est en réalité, en rapport logique avec les nécessités physiologiques. Cette spécialisation est limitée à la papille elle-même. C'est l'épine de Lanarkia, la partie proéminente de l'écaille placoïde des Sélaciens, l'ivoire des dents dans toute la série des Vertébrés. Cette première spécialisation histologique s'est maintenue inchangée, sans aucune modification.

Le tissu anhiste autour de la papille s'est calcifié à son tour, mais plus tard, dans un stade phylogénique ultérieur. La partie basilaire s'est ajoutée à l'épine proéminente. Ce sont les tubercules des Coelolépidés ordinaires; et avec un développement plus considérable et la confluence les zones moyenne vacuolisée et inférieure lamellaire des carapaces de Ptéraspidés. Ces zones ne faisant pas partie de la papille proéminente, la spécialisation des cellules épithéliales en canalicules ne s'est pas produite; les parties dures sont restées anhistes.

L'anatomie comparée a montré que les couches anhistes ont une tendance à se cellulariser par immigration d'éléments des épithéliums limitants ou d'amoebocytes errants. Tous les éléments figurés du tissu conjonctif ont cette origine. Fréquemment les cellules se mettent en communication les unes avec les autres par de longs prolongements, nombreux, formant des mailles. Les couches du derme se sont cellularisées de cette façon et leurs cellules sont devenues les corpuscules osseux des Ostéostracés.

14.

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L'appareil branchial de Thelodus. Si les Coelolépidés sont des Hétérostracés, ils sont naturellement des Agnathes, lesquels ont pour caractères de n'avoir pas encore de membres pairs ni des arcs branchiaux comme les Gnathostomes. M. Traquair regarde les parties latérales de la portion étalée antérieure du corps comme des nageoires pectorales, et Powrie a parlé d'arcs branchiaux. Laissant de côté la question des membres, nous ne nous occuperons pour le moment que de l'appareil branchial.

Rappelons qu'il ne s'est trouvé jusqu'ici que dans l'unique exemplaire de Thelodus Pagei de Powrie, et qu'il n'y a absolument rien dans les deux autres espèces de Thelodus et dans les trois espèces de Lanarkia. Or, il est inadmissible que des formes si voisines présentent de telles différences au point de vue d'un organe morphologiquement si important. Si Thelodus Pagei avait un tel développement du tissu cartilagineux qu'on doive attribuer à ce tissu la conservation des traces qu'il a laissées, les autres espèces l'auront possédé également. La différence ne peut s'expliquer que par une circonstance spéciale, un hasard heureux de la fossilisation de l'exemplaire de Powrie.

Remarquons en outre que si Powrie parle nettement d'arcs branchiaux, Traquair parle simplement d'un appareil branchial, d'un squelette cartilagineux branchial, sans se commettre en une expression à sens morphologique précis. Qu'il y ait eu, non seulement chez Thelodus Pagei, mais aussi chez tous les autres, des branchies, cela ne peut faire l'ombre d'un doute. On peut parfaitement aller plus loin et admettre que l'exemplaire de Powrie nous montre quelque chose de ces branchies; mais on peut imiter la réserve prudente de Traquair.

Nous avons considéré comme probable chez tous les Agnathes (§ 10, p. 558) la disposition en poches musculaires de l'appareil respiratoire, comme remplaçant fonctionnellement les arcs pour produire les mouvements d'inhalation et d'exhalation. Or, les marques de Thelodus peuvent s'interpréter comme des poches, aussi bien et même mieux que comme des bosselures produites par des arcs cartilagineux. On peut faire valoir deux considérations : l'épaisseur ou la largeur d'avant en arrière des bosselures et leur direction à peu près exactement transversale.

Comme arcs branchiaux, Thelodus Pagei devait avoir des arcs exceptionnellement épais; l'épaisseur paraît plus grande dans les portions latérales que dans les portions médianes, surtout pour les bosselures les plus postérieures. Or, dans toute la série des Poissons, les arcs branchiaux postérieurs sont beaucoup moins développés que les antérieurs, plutôt

rudimentaires; on sait que ces organes se réduisent d'arrière en avant. Toutefois, chez les Sélaciens aplatis, les Raies, et chez les Chimères, le dernier arc, quoique beaucoup plus simple et plus court que les autres, est assez élargi dans sa pièce conservée. Tout en donnant, par impartialité, cet argument contraire, l'aspect d'ensemble me paraît beaucoup plus rappeler des poches que des arcs.

Les arcs branchiaux sont toujours dirigés en arrière, jamais exactement transversalement. Ce détail doit certainement avoir été observé, et il a, je crois, une très grande importance physiologique. Quand ces arcs sont en adduction, c'est-à-dire rapprochés de l'axe du corps, la cavité pharyngienne est réduite au minimum; les arcs viennent alors au contact l'un de l'autre; s'ils étaient tous également longs, s'ils avaient les mêmes dimensions, il resterait entre deux arcs consécutifs un espace annulaire libre, ouvert; mais précisément un arc postérieur est un peu plus petit que son antérieur immédiat, et cette légère diminution de taille permet la juxtaposition exacte des bords des deux arcs et l'occlusion de la fente. Au contraire, quand ils sont en abduction, c'est-à-dire écartés de l'axe, en position transverse, les fentes sont ouvertes au maximum. Or, il doit suffire d'une légère surpression interne pour faire pivoter les arcs sur leurs articulations supérieure et inférieure et les écarter; de même qu'une légère pression interne négative ou une surpression extérieure doit les pousser en arrière et les mettre en contact. Les mouvements respiratoires des arcs branchiaux, par ce simple artifice de leur direction postérieure, sont donc très efficaces et peuvent être presque entièrement automatiques. Ici également, Thelodus Pagei ne se conforme pas à la règle. Les premières bosselures sont tout à fait transversales; les dernières seules sont très faiblement inclinées en arrière.

Je crois donc que la nature des bosselures ne démontre nullement qu'il y a eu de vrais arcs branchiaux et que le fossile peut raisonnablement s'interpréter comme ayant possédé des poches, fort développées à la vérité, surtout vers la ligne médiane. Par des circonstances spéciales, ces poches se seront remplies de vase et auront ainsi amené, dans le cours ultérieur de la fossilisation, les bosselures de la peau dorsale. Il est tout naturel alors qu'elles soient plus larges qu'avec des arcs et qu'on ne trouve pas d'ouvertures.

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15. La famille des Drépanaspidés. Traquair place parmi les Coelolépidés un fossile du Devonien inférieur de Gmünden imparfaitement décrit sous le nom de Drepanaspis en 1887. Une nouvelle étude

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