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plus forte pour les parties plus denses du liquide et devait avoir pour effet d'augmenter sans cesse la densité des couches inférieures de ce liquide.

Enfin, la façon dont le liquide parvenait dans la cavité n'était pas un obstacle au dépôt de la fluorescéine. Contrairement à ce qui se passait dans la deuxième expérience de Remouchamps, à Pourly, le ruisseau pénétrait dans le bétoire sans aucune cascade et ses eaux n'étaient pas brassées avec les eaux contenues daus le bétoire.

Si, de ces expériences de Remouchamps et de Pourly, si différentes dans leurs résultats, on voulait tirer quelque enseignement applicable à la circulation souterraine de l'eau et principalement à la circulation souterraine dans le calcaire, on pourrait dire que les unes et les autres représentent des cas différents de cette circulation.

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Étant donné, en effet, le grand nombre des fissures qui sillonnent certains calcaires et la grande diversité de cette fissuration, le bétoire de Pourly pourrait être assimilé à un réservoir souterrain possédant un déversoir supérieur, la sortie du ruisseau, et toute une série de déversoirs inférieurs, les pores par lesquels le bétoire absorbait l'eau qui lui parvenait; les chaudières de Remouchamps ne pourraient être assimilées qu'à des réservoirs souterrains possédant uniquement un déversoir supérieur.

Comme conclusion à cette notice, nous nous bornerons à reprendre, en les modifiant quelque peu, une partie des conclusions de la dernière note de MM. Fournier et Magnin, et nous dirons, en nous plaçant uniquement au point de vue de la pratique des expériences à la fluorescéine:

1° I importe d'observer au moyen du fluorescope les débuts de l'apparition de la coloration;

2o Ce début sera d'autant mieux observable qu'on aura employé des quantités de fluorescéine plus importantes;

3o Dans maintes occasions, il convient d'employer de grandes quantités de colorant;

4o Chaque cours souterrain et chaque portion de cours souterrain a son régime spécial, mais on peut dégager, dès maintenant, des études déjà faites, certaines lois générales à propos de la circulation de l'eau dans les calcaires.

ESSAI

SUR LA

CIRCULATION DES EAUX
EAUX SOUTERRAINES

DANS LES

MASSIFS CALCAIRES DU JURA

PAR

E. FOURNIER ET MAGNIN (1)

Ayant été amenés à étudier, à l'aide de la fluorescéine, les communications entre un grand nombre de pertes et leurs résurgences, nous avons été frappés de la lenteur extrême avec laquelle les colorations effectuaient leur parcours souterrain. Afin de rendre les résultats de nos expériences faciles à constater par tous, et afin aussi de nous rendre compte de l'existence des résurgences multiples, qui sont fréquentes dans notre région, nous avons toujours employé une quantité de matière colorante supérieure de beaucoup à celle que l'on pouvait présumer nécessaire (2) pour mettre en lumière la communication supposée. Dans la plupart de nos expériences, nous avons donc pu observer à l'œil nu, sans fluorescope, la réapparition de la matière colorante aux résurgences.

Cette manière d'opérer présente, à notre avis, le double avantage de ne laisser subsister aucun doute dans l'esprit de l'expérimentateur et

(1) Mémoire présenté à la séance du 13 décembre 1903.

(2) M. Trillat (Bull. Soc. belge de Géol., de Paléontol. et d'Hydrol., 16 juin 1903) considère la quantité de 1 kilogramme comme énorme. Nous en avons rarement employé moins, et quelquefois nous avons été jusqu'à 7 kilogrammes.

ensuite de frapper l'imagination des populations auxquelles il s'agit précisément de démontrer la réalité de la contamination de certaines eaux, qu'elles seraient le plus souvent toutes disposées à déclarer excellentes, parce que (c'est le cas de la plupart des sources vauclusiennes) elles sont limpides, fraîches et qu'elles sortent du rocher.

Cette démonstration de la contamination par une coloration bien visible est d'un bien plus grand poids dans l'esprit de ces populations que les résultats les plus concluants des analyses chimiques et bactériologiques.

D'autre part, cette lenteur de réapparition de la coloration aux résurgences aurait pu amener à penser que les eaux subissaient, dans un parcours si lent, une certaine filtration; cette supposition pourrait amener des méprises désastreuses; car, dans plusieurs centaines de cavités souterraines que nous avons explorées et dans un nombre encore plus considérable étudiées par M. Martel et par divers autres spéléologues, on a pu constater de visu que, dans le calcaire, les eaux circulaient toujours dans des fissures librement ouvertes, sans filtration aucune.

Il importait donc d'empêcher la diffusion de l'idée d'une purification possible des eaux vauclusiennes dans leur trajet souterrain, idée qui nous fut opposée à maintes reprises, notamment au sujet de notre mémoire sur la source d'Arcier (1), et nos études sur la source des Foules, à Saint-Claude.

Tel a été le principal objet de notre Note sommaire du 6 avril 1905 à l'Académie des Sciences; d'autre part, il nous semblait opportun d'appeler l'attention des hydrologues sur les curieuses variations de vitesse et les anomalies apparentes de la circulation souterraine, et nous ne saurions trop nous louer de l'heureux résultat que nous avons obtenu en provoquant l'intéressante discussion qui s'est déroulée devant la Société belge de Géologie, discussion qui a fait la lumière d'une façon complète sur bien des points jusque-là obscurs.

Dans la présente note, nous nous proposons non seulement de résumer les résultats mis en lumière au cours de cette discussion, mais encore d'y ajouter un certain nombre d'observations récentes venant, les unes confirmer ces résultats, d'autres soulever de nouvelles questions qu'il importe d'élucider complètement.

(1) Le maire d'une localité située dans le bassin d'alimentation de cette source déclarait notamment, dans une lettre adressée au Conseil d'hygiène, que l'eau mettant 9 heures pour se rendre des entonnoirs à la résurgence, ce temps était amplement suffisant, de l'avis des médecins, pour la dépouiller de toute souillure.

A. STRUCTURE DES RÉSEAUX VAUCLUSIENS.

Nous avons pu constater de visu, dans de nombreuses explorations de gouffres et de rivières souterraines, que, dans les calcaires du Jura, les eaux descendaient le plus souvent par quelques échelons très rapides à un niveau peu supérieur à celui de leur résurgence, quelquefois même à un niveau inférieur, dans le cas très fréquent des cours d'eau siphonnés (hypochètes de M. Martel). Il en résulte que, dans la partie à peu près horizontale du parcours, la vitesse moyenne réelle de l'eau demeure très faible en temps de sécheresse.

Cette partie subhorizontale du réseau peut traverser quelques-unes de ces vastes excavations que l'on trouve si fréquemment intercalées sur le parcours des ruisseaux souterrains dans les calcaires jurassiques; les eaux rempliront ces cavités, dont le volume est parfois considérable. Si l'on procède alors à une expérience de coloration, en basses eaux, le débit du cours d'eau sera faible par rapport au volume total des cavités intercalées sur le parcours; il faudra donc un temps relativement très long pour que le mince filet d'eau colorée à la fluorescéine, qui représente alors le débit du ruisseau, puisse donner une teinte perceptible à toute la masse d'eau accumulée dans ces réservoirs naturels. Il en résulte que l'apparition de la coloration visible à l'œil nu à la résurgence, sera considérablement retardée.

La lenteur de propagation de la fluoresceine, visible à l'œil nu, dans les expériences faites par nous dans le Jura, vient donc confirmer, dans les réseaux souterrains étudiés, la présence de portions stagnantes et de cavités réservoirs; c'est là le résultat que nous avions voulu principalement mettre en lumière.

Dans les régions où le calcaire se délite en bancs peu épais et aussi dans les régions crayeuses, la pente est répartie, en général, d'une façon plus uniforme sur tout le trajet du cours d'eau souterrain; les cavités très volumineuses sont beaucoup moins fréquentes; il en résulte que, dans ces régions, la vitesse moyenne d'écoulement peut être beaucoup plus rapide et qu'on peut obtenir par des colorations, même simplement visibles à l'œil nu, des résultats tout à fait diffé

rents.

Un autre caractère très important des réseaux vauclusiens du Jura, c'est de présenter des variations brusques et considérables de régime avec les précipitations atmosphériques, car, si les parties stagnantes subhorizontales viennent à fonctionner comme conduite en pression, la

vitesse qui, dans ces parties, avait des tendances à s'annuler en basses eaux, prend, au contraire, une valeur de plus en plus grande au fur et à mesure que la pression augmente et, suivant la disposition du réseau, il peut suffire parfois d'une précipitation relativement peu importante pour produire ce résultat (1). A ce moment, les boues chargées de bactéries, qui s'étaient décantées dans les parties stagnantes, sont brusquement remises en circulation dans le cours d'eau souterrain.

De là ces crues bactériennes subites qui ont été si bien mises en lumière par les études de M. Maréchal sur les eaux d'Arcier et sur les sources du département du Doubs (2).

On voit donc combien l'usage des eaux vauclusiennes présente de dangers, dès que leur bassin d'alimentation n'est pas vierge de toute contamination, et combien la contamination peut être intense, surtout dans les calcaires très fissurés du Jura.

L'existence de grandes cavités intercalées sur le parcours des réseaux souterrains des calcaires du Jura a été confirmée, non seulement par l'exploration directe (voir Spelunca, no 21, 24, 27, 29 et 35), mais encore par de nombreuses observations de divers auteurs, notamment par celles de MM. Forel et Golliez :

Le 28 décembre 1895 (5), à midi, les vannes de l'entonnoir de Bon Port, au lac Brenet, jusqu'alors entièrement fermées, furent ouvertes; elles débitaient Om5,8 à la seconde; cette masse d'eau, arrivant par le cours d'eau souterrain jusqu'à la résurgence de l'Orbe, y détermina une crue qui fut enregistrée par un limnographe placé, par M. Forel, à 500 mètres en aval de la résurgence. La crue commença à 1",30, atteignit rapidement une valeur de 5 centimètres à 5,20 et continua ensuite lentement, pour atteindre une valeur de 6 centimètres à 7 heures du soir.

M. Forel conclut que la lenteur du développement de la crue ne peut s'expliquer que par la présence d'un lac souterrain (ou bien, évidemment, d'une série de cavités d'un grand volume), et il ajoute :

L'eau, partie à midi des entonnoirs de Bon Port, aura circulé dans

(1) Nous reviendrons plus loin sur ce point.

(2) MARECHAL, Étude bactériologique des sources d'Arcier. (Soc. HIST. NAT. DU DOUBS, 1902.) — IBID., Régime bactériologique des sources vauclusiennes dans le Doubs. (IBID., 1903.) IBID., Les eaux d'alimentation dans le département du Doubs. Besançon, Jacquin, 1903.

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(3) Le lac de l'Orbe souterraine. (BULL. SOCIÉTÉ VAUDOISE DES SCIENCEs naturelles, décembre 1898.)

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