DEUX DOCUMENTS INÉDITS POUR SERVIR A L'HISTOIRE DE LA VILLE DE SÉEZ. J'ai eu la bonne fortune de trouver aux Archives Nationales deux textes qui intéressent tout particulièrement la ville de Séez et sa cathédrale. Ce sont deux actes du xv° siècle; le premier est une confirmation par Henri VI, roi d'Angleterre, de la lettre de rémission accordée par Jean, duc de Bedford, Régent du Royaume de France, aux habitants de Séez, datée du 27 mai 1433; le second, une charte de Louis XI, de janvier 1465, qui donne l'autorisation de clore et fortifier la ville. La charte de confirmation contient deux autres chartes: l'une, mandement de Jean, duc de Bedford et d'Anjou, Comte du Maine et de Harcourt, Régent du Royaume de France pour le Roi d'Angleterre, par laquelle il nomme le Comte d'Arondel lieutenant sur le fait de la guerre dans le duché de Normandie pour ⚫la widange de l'ég ise de Sees que les adversaires du Roi d'Angleterre ont prise cautuleusement et qu'ils tiennent et occuppent et s'efforcent de jour en jour de icele fortifier et emparer pour • tenir ylec garnison de gens de guerre. » Le duc de Bedford enjoint en même temps aux baillis, capitaines et gens de guerre du duché, de seconder le Comte d'Arondel. Ce mandement est du 18 février 1432, daté de Rouen. L'ordre du Régent fut exécuté car la charte de 1433, de Henri VI, continue que le Comte d'Arondel « par sa grant vaillance et bonne diligence a icele église, ville et forteresse de Sees, mise et réduite en nostre bonne et vraic obéissance et qu'il a accordé « ausdicts sup pliants de la ville de Seez des lettres de grâce et de rémission, « selon le cas appartenant dont la teneur s'ensuit... » Suit alors une lettre de rémission, du 10 mars 1432, par laquelle le Comte d'Arondel fait grâce aux habitants de Séez d'avoir reçu les adversaires du Roi d'Angleterre chez eux, et de les avoir aidés à la fortification de l'église et de la forteresse, pendant le siège que le Roi d'Angleterre a mis devant Séez, et depuis six semaines que les adversaires du dit Roi y demeurent. Il leur enjoint en même temps de présenter ces lettres dans les deux mois qui suivront, au Régent ou aux gens du Conseil du Roy « pour estre enterinées et conservées à la fin dessus dicte » et il recommande aux « bailliz, prévots, vicontes.... » du duché de ne pas « molester, traveiller, perturber les habitants de Séez. Enfin le Roi d'Angleterre confirme cette rémission, bien que le temps préfixé pour l'entérinement des lettres fût passé depuis longtemps. Cette charte ou plutôt ces chartes sont, comme on le voit, bien précieuses pour l'histoire de cette ville, si obscure et si peu connue encore. Elles nous montrent l'état d'alertes et d'invasions conținuelles dans lequel était Séez, comme d'ailleurs toute la Normandie, à l'époque de la guerre de Cent ans. Les esprits étaient aussi mobiles et aussi inconstants que les événements. Un jour, les gens de Charles VII entrent cautuleusement » à Séez; les habitants les accueillent, les reçoivent, les aident dans l'« emparement de l'église et de la forteresse » soutiennent avec eux un siége contre les Anglais; puis ceux-ci pénètrent à leur tour dans la ville, les Français sont chassés: aussitôt un revirement s'opère et les Sagiens prètent serment au Roi d'Angleterre. Il fallait subir la loi du plus fort. Ce document est non moins intéressant pour l'histoire de notre cathédrale. Il semble que de son occupation dépendait le sort de la ville on l'avait fortifiée, emparée» on y tenait garnison; toute la défense était là. Lorsque le Comte d'Arondel vient s'emparer de Séez, ce n'est pas devant la ville qu'il vient c'est devant « l'église et la forteresse de Saint-Gervais (1). » C'est autour de ces deux points culminants (1) On a retrouvé récemment des traces du fort Saint-Gervais à l'extrémité méri dionale de la chapelle de la Vierge. que se concentre l'attaque. Aussi que de dommages n'a-t-elle pas dû éprouver, cette pauvre cathédrale, pendant ces guerres meurtrières et incessantes. Déjà peu solide par elle-même, sans fondations et mal édifiée, elle devait sortir de ces épreuves mutilée et le mandement de son évèque Jean de Pérouse de 1452, nous apprend qu'elle était si chancelante que les voûtes du chœur tombaient et que le gros clocher ne pouvait plus supporter ses cloches, menaçant de se fendre depuis le haut jusqu'en bas. La confirmation de 1433 nous rapporte un fait entre mille, mais il est intéressant à noter et c'est une page de plus à ajouter à l'histoire de l'antique cité des Sagiens. La voici in extenso : U CONFIRMATIO REMISSIONIS PRO HABITANTIBUS VILLE SAGIENSIS (1). Henry, par la grâce de Dieu, Roy de France et d'Angleterre, savoir faisons à tous présens et advenir, nous avons receu humble supplicacion des prieur, chappitre et autres gens d'église, bourgois, manans et habitans de la ville de Sees contenant comme nostre très chier et amé cousin le conte d'Arondel par nostre commandement et ordonnance et par vertu du povoir à lui donné par nostre très chier et très amé oncle Jehan, gouvernant et régent nostre Royaume de France, duc de Bedford, dont on dit la teneur estre tele: « Jehan, gouvernant et régent le Royaume de France, duc de Bedford et d'Anjou, conte du « Maine et de Harcourt, à tous ceulx qui ces présentes lettres « verront, salut. Comme les adversaires de Monseigneur le Roy et de nous depuis aucun temps enca aient prise cautuleusement et se soient boutez en l'église de Sees, laquele ilz tiennent et << occuppent et s'efforcent de jour en jour de icele fortifier et « emparer pour tenir ylec garnison de gens de guerre par le « moien desquelz et de plusieurs autres occuppans, villes et places, « et forterestes en la Marche et frontières des pais prouchains du dit lieu de Sees nostre pais et duchié de Normandie porroit estre couru, pillé et dommagié très grandement et s'en porroient <ensuir la perdicion de plusieurs autres villes, places et forterestes (1) Arch. Nationales, JJ 175, n° 235. « de l'obéissance de mon dict seigneur le Roy et ou très grant préjudice et diminucion de sa seigneurie, se sur ce n'estoit « mise bonne et hastive provision et résistence; à quoy faire ne « povons bonnement vacquer de présent en nostre personne, « obstans les autres grans affaires de Monseigneur le Roy ausquels il nous convient entendre, et, pour ce, nous transporter « de lieu en autre pour le bien de lui et de sa seigneurie. Pour quoy avons advisé et délibéré nostre très chier et amé cousin le « Conte d'Arondel, qui a soubz lui bonne et grande puissance « pour emploier contre les dictz adversaires, soy traire au dict << lieu de Sees et ou pais et en la Marche prouchaine à l'environ « pour recouvrer la dicte ville de Sees, en faire wider et subju«guer les adversaires et aussi des autres places par eulx occuppées « et les rebouter et esloingnier d'icele place. Savoir faisons que « nous, aians singulière confiance ès sens, vaillance, loyaulté et grande diligence de nostre dict cousin d'Arondel, congnoissans la bonne et grande voulente qu'il a de soy emploier au bien, << honneur et proufit de Monseigneur le Roy et de nous, ycelui << avons fait, ordonné, commis et establi, faisons, ordonnons, < commettons et establissons par ces présentes nostre lieutenant « sur le fait de la guerre en nostre duchié de Normandie durant « le voiage qu'il fera pour la widange de la dicte église de Sees « et des autres places se aucunes en y a en celle Marche occuppées par les dicts adversaires; et, pour ce faire, exécuter et acomplir, « lui avons donné et ottroié, donnons et ottroions par ces mesmes présentes povoir, auctorité et mandement espécial de aler et << soy transporter es lieux, pais et Marche dessus dicts a tele et « si grande puissance que il pourra avoir tant de gens de sa << retenue que des capitaines, baillifs et autres gens de guerre des garnisons et tenir les champs en nostre pais et Marche de « Normandie ausquels bailliz, capitaines et gens de guerre quelz << qu'ilz soient nous mandons par ces mesmes lettres, comman << dons et expressément enjoingnons, sur peine d'encoirir nostre indignacion, que incontinent, en tel nombre qu'ilz pourront << furer et avoir de gens de guerre, ils se traient par devers nostre «dict cousin, touttefoiz et quanteffoiz que il les mandera pour la « cause dessus dicte, les places, villes et forterestes dont les dicts « bailliz et capitaines ont la garde, demourant souffisamment «porveues et garnies pour leur seurté; de povoir procéder à ་ « « force... mot effacé et puissances d'armes et par sièges et < assaulx, se mestier est, selon ce que nostre dit cousin congnoistra mieulx estre son avantage pour le bien de ses entreprises « à l'encontre de ceulx du dict lieu de Seez occuppé, fortiffié et emparé et autres places occuppées en celle Marche et tant faire « soit par force, traictié, composicion ou autrement que les « adversaires qui y sont wident et se départent; de povoir faire démolir et abatre la fortificacion du dict lieu de Sées et autres «que il redduira en l'obéissance de mon dict seigneur le Roy • lesquelz il verra et congnoistra estre non tenables, préjudiciables et dommageables à sa seigneurie; de povoir mander et faire venir par devers lui des lieux, villes et pais à l'environ « ouvriers, manouvriers, voicturiers et autres choses nécessaires pour l'acomplissement de sièges, saucuns en assies, et de démo<licion des places et forterestes et de contraindre à ceulx des << lieux et pais voisins par toutes voies deues et raisonnables de prenre et faire prenre par bon et loyal inventoire canons, bombarders, wlgaires (1), pouldre, trait et autre artillerie à nous « appartenant qu'il saura estre es lieux et pais prouchains de ses emprinses (2) pour restituer ce qui demourra entier, ses « emprinses faillies; de povoir bailler seurté et saufconduit à ceulx de la partie de nos dicts adversaires qui vouldront venir par devers lui ou ses commis ou députés pour la délivrance des places, villes et forterestes ou autrement pour le bien de ce • qu'il aura à exécuter et à conduire et aussi à ceulx qui se rendront et se départiront des places qui par lui seront réduites; de povoir punir et corrigier et faire punir et corrigier moiennant justice toutes manières de gens d'armes et de trait qui seront en sa compaignie et ne feront leur devoir ou commet<tront aucuns cas dignes de punicion selon la qualité des personnes et de l'exigence des cas quelz qu'ilz soient et de quelque seigneur ou capitaine qu'ils se advouent. Et avec ce, que icelui << nostre cousin puist quicter, remettre et pardonner à ceulx du dict lieu de Sees et autres places qui par lui seront réduictes, soit qu'ilz se rendent voluntairement et par composicion out • qu'ilz soient prins par force de siège ou d'assault, de tous cas, (1) Vuglaire (veuglaria), machine de guerre, arme à feu. (2) Entreprises (empresia). (Du Cange). (DU CANGE.) |