le sol mème de notre patrie, au cœur de nos provinces, que nos soldats ont versé leur sang et mêlé leurs ossemens aux ossemens des étrangers. C'est en souvenir d'une bataille Jivrée pour des intérêts bien moins chers, il y a 5 siècles, en 1346, que les Anglais viennent avec un soin religieux, visiter le moulin de Crécy, d'où Edouard III donnait, diton ses ordres pendant le combat. Plut à Dieu, qu'animés d'un amour pareil pour la gloire de notre pays, on nous vît également parcourir, en zélés pélerins, les champs illustrés par les armes de nos braves; mais l'instinct voyageurest peu développéparminous, et aussi nous aurions bien à saire, il y a loin de la Moscowa aux Py ramides. F. de C. CADET ROUSSEL. Un beau jour il arriva à Cambrai, portant avec lui, comme Bias, tout ce qu'il possédait au monde; à savoir un habit canelle, une culotte grise, des bas de laine rapiécés, un vieux tricorne, deux chemises et une pai re de souliers à gros clous. Il se mit aussitôt à colporter de porte en porte des dessins artistement découpés au canif, et dont le travail le disputait en délicatesse à la dentelle la plus fine et la mieux ouvrée. On accueillit charitablement la pauvre petite créature, chétive, courbée, ridée, desséchée et qui semblait vieille à vingt-quatre ans comme on l'est à soixante. D'où venait-il ? Quel était-il ? Personne ne l'a jamais su. Lorsqu'on lui faisait des questions à ce sujet, on n'en recevait que des réponses vagues et décousues, soit qu'il cherchất à s'envelopper de mystère, soit, comme il paraît plus probable, qu'il ne restât plus de souvenir précis dans cette faible tête désorganisée par la maladieet les chagrins. Quels chagrins? Des peines d'amour ou bien des revers de fortune, avaient-ils embrouillé cette raison qui, du reste, n'avait jamais dû être bien saine et bien énergique? Il a fallu se borner toujours à des conjectures incertaines. Du reste, il lui arrivait souvent de parler de richesses qu'il croyait avoir, il prononçait par fois le nom d'une Rosette dont son canif représentait uniformément la silhouette. Ajoutons que sa voix grêle, chevrottante et enfantine n'employait que des expressions pures, choisies, et souvent recherchées. Il mèlait même à ses propos des citations latines, vestiges d'une éducation soignée. D'abord, on paya généreusement ses découpures, chefs-d'œuvre de patience et d'adresse. C'était à qui les achèterait. Il s'adonnait surtout à dessiner avec fidèlité la plupart des monumens religieux en si grand nombre à Cambrai, avant la Révolution. Il faisait hommage de ces desssins aux membres du riche clergé dont la ville était peuplée, et il trouvait ainsi les moyens de satisfaire à des besoins fort bornés d'ailleurs. C'était la nuit, à la clarté d'une lampe, que le pauvre hère travaillait avec un courage, et une persévérance sans bornes. J'en suis sûr, Montesquieu n'attachait point plus de prix aux pages sur lesquelles il traçait l'Esprit des lois, que le grotesque artisten'en mettait à ses chiffons de papier ciselés. L'existence de l'infortuné ne tarda point à devenir âpre et orageuse. aprés lui et Des troupes d'enfans s'acharnèrent il ne put mettre le pied hors de sa maison, sans être assailli par leurs chansons, (*) leurs huées, et même leurs mauvais traitemens. Les larmes comiques de l'idiot, sa colère inoffensive, redoublaient les persécutions des petits vauriens; et personne ne songeait à plaindre ni à protéger une pauvre créature dont les malheurs faisaient rire. La pitié est peut-être la sensation la plus noble et la plus douce de l'homme. Il ne s'y livre pourtant que par surprise et comme à regret. Au spectacle, au moment le plus pathétique, qu'un acteur fasse un geste, dise un mot qui prête le moins du monde au sarcasme, vous verrez le rire contracter de toutes parts les joues humides de larmes. Dans la vie réelle, il en est de même. L'infortune la plus atroce excitera une gaîté moqueuse s'il se présente la moindre circonstance ridicule. CRI DE L'ASCENSION. Un usage singulier se pratiquait à Tournay, avant la Révolution française, le jour de l'Ascension. Un théâtre était dressé sur la place publique de la ville; deux greffiers y montaient le front ceint d'une couronne de fleurs et après avoir proclamé l'ouverture de la foire, publiaient l'ordonnance connue sous le nom de Cride l'Ascension qu'on trouve dans l'histoire de Tournay, par Poutrain. Afin sans doute que personne dans l'auditoire ne put prétexter ignorance, à mesure que l'un des gref (*) Une chanson populaire qui dépeignait fiers prononçait quatre ou cinq burlesquement l'état et le cos ume da maibeureux et qui avait pour refrain: Ah! ah! vraiment, Cadet Roussel est bon enfant! est aujourd'hui tout ce qui reste de lui dans le souvenir de ceux mêmes qui le poursuIVI rent de leurs tracessantes criailleries, mots du texte de l'ordonnance l'autre les traduisait en patois. Autres tems, autres mœurs. De nos jours, pareille cérémonie égaierait fort le publie Tournaisien. La veille de ce grand jour, le chapitre faisait planter sur la place un arbre gigantesque surmonté d'un aigle et l'y laissait tant que durait la foire. Pendant tout ce tems, les débiteurs fugitifs pouvaient, sans avoir à craindre leurs créanciers, reparaître dans la ville et y vaquer à leurs affaires.(*) Le Cri del Ascension datait du règne de St-Louis qui l'avait institué, dit-on, en abolissant une coûtume bien autrement étrange qui rendait l'entrée de la ville aux meurtriers, en échange de quatre livres parisis. Il fut publié pour la dernière fois en 1794. Les Français s'étantemparés de Tournay en 1792 avaient fait prendre à l'arbre du chapitre les trois couleurs de leur cocarde, et l'avaient ainsi métamorphosé en ar bre de la liberté ; le premier août 1793, les Autrichiens reprirent possession de la ville et le 8 mai suivant, veille de l'Ascension, l'arbre fut replanté, cachant sa livrée tricolore sous les couleurs Autrichiennes. Il a disparu depuis cette époque sans que nous ayons pu découvrir s'il a subi de nouvelles vicissitudes. FRED. H. PORION (PIERRE-JOSEPH), ancien évêque constitutionnel du département du Pas-de-Calais, était né dans un village de la province de Picardie, situé entre Arras et Amiens. Il avait été l'un des secré Christophe de Beaumont, que la lettre de Jean-Jacques Rousseau rendit fameux. Il devint ensuite professeur au collège militaire de La Flèche, et aussi professeur de philosophie au collège d'Arras, alors qu'il était dirigé par des prêtres séculiers, après que l'on eût ôté aux jésuites l'éducation de la jeunesse, et avant que l'on ne l'eut confiée à l'institution si distinguée des Oratoriens. Il était curé depuis dix ans, de l'église Saint-Nicolas sur les fossés, à Arras, lorsque le 30 mars 1791, il fut proclamé évêque du département du Pas de Calais, par l'assemblée électorale, en vertu de décrets de l'assemblée nationale, sanctionnés par le roi, et sur la démission de M. Duflos, curé d'Hesmond, premièrement élu, mais qui eut la modestie de se croire trop jeune, pour accepter de si importantes fonctions (1). M. Porion fut reçu à Saint-Omer, ou avait été établi le siège épiscopal du département, comme un nouvel Ambroise. Toutes les autorités locales, la garnison, la société des amis de la constitution, et une population innombrable, pleine d'enthousiasme, s'étaient portées à sa rencontre, à plus d'une lieue de la ville. L'évêque y fit, à pied, dans la soirée, au milieu de la pompe des illuminations publiques, entrée vraiment triomphale. La figure de M. Porion était patriarcha une taires de M. l'Archevêque de Paris, le, et il avait, dans la tribune sa (*) Des arbres semblables étaient jadis élę. vés sur les marchés publics de Valenciennes et Douai, pendant tout le temps que durait la franche foire de ces villes; on les appel lait Bannibos (bois des bannis) Ils indiquaient que les bannis pour dettes pouvaient reparaitre pendant tout le tems qu'ils étaient debout. crée, une imperturbał le assurance et beaucoup d'onction. Il repré (1) M. Duflos a été depuis administrateur du département du Pas-de-Calais, et l'un de ses députés au conseil des Cing-Cents el au Corps-Législatif. sentait bien, non pas seulement un curé mîtré, mais un prélat, et il portait avec dignité la crosse et l'anneau. A l'époque de l'interruption du culte catholique, il renonça aux fonctions ecclésiastiques, et la plupart des prêtres nombreux qu'il avait ordonnés imitèrent son exemple. Il se fit alors défenseur officieux près les tribunaux, et se maria à une femme d'un esprit distingué, Mademoiselle Purd'hon, fille d'un officier Irlandais. M. Po rion avait été, durant son épiscopat, l'un des notables de la municipalité de Saint-Omer, et, postérieurement à son mariage, il fut président de l'administration municipale de cette ville. Il la quitta en 1802 et vint demeurer à Paris, où il ne s'occupa plus d'autres soins que de cultiver humblement les lettres. Il sortit de sa plume un grand nombre de vers latins et de vers français, qui le recommandent peu, comme poète, et sa muse, quoique jamais vénale, fut du moins assez complaisante pour chanter, avec le même zèle, les chefs des divers gouvernemens qui se succédèrent en France, comme dans une fantasmagorie, depuis 1790. Il écrivit par fois en prose, composa un commentaire de l'Homond et ne dédaigna point de publier des corrigés de thèmes. Il s'adonna aussi spécialement à l'éducation d'une fille unique qu'il eut de son mariage. M. Porion est mort paisiblement le 20 mars 1830, à Paris, dans la goo année de son âge. (G. des Cultes.) J.-B. ROUSSEAU (SÉPULTURE DE). .....Plus loin sur les rives de Senne C'est ainsi que s'exprimait l'abbé Dourneau dans son Voyage en Brabant, imprimé dans l'Esprit des journaux, en octobre 1792; puis il ajoute, en note, qu'ayant appris que J.-B. Rousseau avait été inhumé dans l'église des Petits-Carmes des Sablons, à Bruxelles, il visita ce temple et n'apperçut ni tombe, ni épitaphe en l'honneur du poète exile. Il demanda alors à voir les registres mortuaires de la maison et y lut ce qui suit : « An. Domini 1741. 21 apr. in nostrá ecclesia sepultus est dominus J.-B. ROUSSEAU, natione Gallus, et inter scriptores hujus sæculi, in arte poetica, famosus. D'après cette indication, il paraissait que J.-B. Rousseau avait été enterré aux Petits-Carmes de Bruxelles le 21 avril 1741 et qu'il était sans doute mort le 19 ou le 20 du même mois; mais comme différens biographes plaçaient cet évè-nement soit au 30 février, soit au 17 mars de cette année, M. Doulcet de Pontécoulant, préfet du département de la Dyle, voulut vérifier ce fait et s'adressa à M. J.-B. Lesbroussart, philologue instruit de Bruxelles, qui fit quelques recherches à cet effet et découvrit que le Pindare français était mort, non à Bruxelles, comme on l'avait toujours cru, mais à la Genette, hameau situé sur la route de Bruxelles à Mons, près de Braine-le-Comte, et à trois lieues de Waterloo. Voici l'extrait mortuaire tel qu'il a été publié dans le mémoire adressé, en l'an X, par le Préfet dela Dyle au ministre de l'intérieur et dans le t. IV des Archives pour l'histoire civile et littéraire des Pays-Bas, par le baron de Reiffenberg, pièce qui ne diffère essentiellement de celle donnée en 1792 par l'abbé Dourneau, que dans la date: Extractum ex libro mortuario carmelitarum discalceatorum conventus Bruxellis.-18 mensis martii 1741, in caved juxtà altare sancti Josephi templi nostri, sepultum est cadaver domini Joannis Baptiste Rousseau, natione Gallı et in arte poetica inter scriptores hujus sæculi famosissimi. - << Extrait de l'obituaire du cou« vent des Carmes Déchaussés de << Bruxelles. Le 18 mars 1741, « dans le caveau sous l'autel de St« Joseph de notre église, fut inhu<<< mé le corps de M. Jean-Baptiste « Rousseau, français de nation, et << l'un des plus fameux poètes de ce >> siècle. >>> Cet extrait est certainement celui qui méritele plus de foi; il s'accorde d'ailleurs avec la foule des biographes qui fixent la mort de JB. Rousseau, au dix-sept mars 1741; l'inhumation aura eu naturellement lieu le lendemain. Il ne reste plus qu'à faire disparaître le doute qui s'élève sur l'assertion de M. J.B. Lesbroussart, fortifiée par celle de l'abbé de Feller (1), qui fait arriver la mort au hameau de la Genette, tandis que l'extrait mortuaire ne parle que du Couvent des carmes déchaussés de Bruxelles ; on ne peut expliquer cette espècede contradiction qu'en inférant de là que J.-B. Rousseau est bien mort à la Genette le 17 mars, mais qu'il a été enterré le lendemain à Bruxelles, où l'on aurait ramené son corps. Il ne faut pas s'étonner que les carmes aient offert leur église pour luiservirdetombeau, puisque tous les biographes s'accordent à dire quele poète est mort dans de grands sentimens de religion. Ici devrait naturellement se terminer la tâche des rédacteurs des Archives qui se sont fait une loi de ne pas sortir du domaine que leur titre leur assigne; cependant il n'est pas sans intérêt de faire ici remarquer que les historiens ne sont pas plus d'accord sur l'époque précise de la naissance de J.-B. Rousseau que sur celle de sa mort: La Biographie universelle lui fait voir le jour à Paris, le 6 avril 1670, et bien avant. elle, Moreri Ladvocat, Chaudon et Delandine l'avaient fait naître en 1669; tous se trompaient, puisqu'on lit dans les registres provenant de la paroisse de St.-Etienne-du-Mont: « L'an 1671, le 12 a<<<< vril, fut baptisé Jean-Baptiste, << fils de Nicolas Rousseau, maître « cordonnier, et de Geneviève Siac, « sa femme, né lundi dernier (6 a<< vril) à onze heures du soir, tenu , (1) Dansson Dictionnaire, article Rousseau, |