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Pour notre part, nous croyons que M. FABRÈGE (Hist. de Maguelone, t. I, p. 306) a dit le mot final sur le mariage de Guillem VIII avec Eudoxie: «leur union avait été plus inévitable que volontaire ». Ce jugement de l'éminent historien de Maguelone sera le dernier mot de l'histoire impartiale qui répètera le mot d'Innocent III: « Pour toutes ces raisons, je suis obligé de surseoir encore le jugement de cette affaire et de différer à vous accorder votre demande jusqu'à ce que vous prouviez, si c'est possible, que votre faute est beaucoup moindre, et jusqu'à ce que ma juridiction, pour décider un pareil cas, soit plus clairement établie.» (Dom VAISSETE, Hist. gen. de Languedoc, t. VI, p. 201).

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Innocent III félicite Guillem VIII d'avoir rappelé auprès de lui sa première femme.

Ex parte tua nostro fuit apostolatui reseratum, quod olim cum quadam nobili Græca matrimonium sollempniter contraxisti; sed inter te et ipsam suborta discordia, eam sine judicio Ecclesie a tuo consortio separasti ; et licet postmodum pro eo quod male feceras, penitens, ipsam curaveris revocare, indignam tamen de hoc... (fragment).

Bibliographie. LEOPOLD DELISLE, Les Registres d'Innocent III, dans Bibliothèque de l'École des Chartes, année 1885, p. 86; Cart. des Guillems, éd. GERMAIN, Introd., p. xx; F. FABREGE, Hist. de Maguelone, t. I, p. 325.

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Il est bien à regretter que nous n'ayons que ce fragment. La lettre entière nous renseignerait sùrement sur les motifs qui amenèrent Guillem VIII à rappeler Eudoxie. A quelle époque prit-il cette décision? Certainement après avoir reçu la lettre d'Innocent III répondant aux arguments apportés par les juristes de Montpellier. Ainsi que nous l'avons constaté plusieurs fois, des pièces importantes ont disparu des archives, et Guillem VIII ne nous a conservé aucun document touchant cette affaire importante. Avait-il renoncé à son idée de divorce? Nous ne le croyons pas. Voulait-il, en rappelant sa première femme, adoucir le Souverain Pontife, et lui démontrer que sa faute était assez légère? Levior culpa, lisons-nous dans la bulle précédente; penitens, dit maintenant le Pape. Ou bien encore, pendant sa dernière maladie, fut-il obligé par l'évêque de Mague lone à se séparer d'Agnès et à reprendre Eudoxie? Hypothèse que nous ne pouvons appuyer sur aucun document, mais qui nous paraît bien vraisemblable.

En effet, le dernier acte de Guillem VIII est du 4 novembre 1202, jour où il fit son testament (Cf. Cart. des Guillems, éd. GERMAIN, pp. 195 et sq.). L'évêque de Maguelone n'assista pas à cet acte, tandis que parmi les témoins nous trouvons Raimond, évêque d'Agde, et Gui, prévôt de Maguelone.

Dans ce testament il est question d'Agnès, mais non d'Eudoxie. Guillem VIII ne lui a rien légué. Il est bien difficile d'admettre qu'il eût rappelé sa première femme à cette date. Il mourut cinq jours après, le 5 des ides de novembre (9 novembre) 1202, ainsi qu'en fait foi la publication du testament en présence de l'évêque de Maguelone, Guillaume de Fleix.

Ce serait donc dans cet intervalle du 4 au 9 novembre 1202, après avoir réglé ses affaires temporelles que, probablement, poussé par le remords et voulant mettre ordre à sa conscience, il aura ordonné de rappeler Eudoxie et informé Innocent III de sa résolution. C'est l'hypothèse à laquelle nous nous arrêtons.

169. 1er juillet 1203 ·

Innocent 111 accorde à Gui, fondateur de l'Ordre du Saint-Esprit, certains privilèges.

Cum sitis operibus pietatis intenti, et habeatis cœmeterium benedictum, et clericos in vestro conventu professos, absonum esset ut oratorio careretis. Quocirca præsentium vobis auctoritate concedimus, ut, non obstante compositione, quæ facta fuisse proponitur inter vos et Magalonensem Ecclesiam, per bonæ memoriæ G[regorium], tituli Sancti Angeli diaconum cardinalem, tunc Apostolicæ Sedis legatum, infra septa domus vestræ oratorium habeatis, in quo per clericos vestros divinum vobis officium celebretur. Presbyterum autem, quem ad animas consulendas duxeritis deputandum, diocesano episcopo præsentetis, qui curam animarum illi

committat.

Statuimus autem, ut de oblationibus universis, quæ in Nativitate Domini, Epiphania, Ascensione, Natalitio Sancti Joannis Baptistæ, festivitatibus beatæ Mariæ, Apostolorum solemnitatibus, commemoratione Omnium Sanctorum, omnibus diebus dominicis, et aliis præcipuis festivitatibus loci, ab habitatoribus Montispessulani ad altare oratorii vestri, vel munus presbyteri, dum celebrabuntur officia divina, devenerint, quartam partem matrici Ecclesiæ, vel aliis ad quas pertinet, sine difficultate reddatis, exceptis ustensilibus, quæ nominatim ad usum pauperum offerentur. Oblationes autem cæterorum dierum, et generaliter omnes, quas cæteri largientur, vobis ex nostra concessione integre habeatis.

Ad hæc præsenti pagina districtius inhibemus, ne aliquem ad sepulturam cœmeterii vestri suscipere præsumatis nisi frater vester, aut de familia

BULLAIRE De l'église dE MAGUELONE.

T. I

37

vestra fuerit, aut etiam peregrinus, qui liberam sepulturam habere debet ubique. Alios autem ad sepulturam nullatenus admittatis, nisi fuerit de voluntate prælati, a cujus Ecclesia corpus assumetur defuncti, cui postmodum de legatis præcipimus restitui quartam.

Nulli ergo [omnino (') hominum liceat hanc paginam nostræ] concessionis et constitutionis [infringere, vel ei ausu temerario contraire. Si quis autem hoc attentare præsumpserit, indignationem omnipotentis Dei et beatorum Petri et Pauli, apostolorum ejus, se noverit incursurum].

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Date. Dans MIGNE, à qui nous empruntons cette bulle, l'année du pontificat n'est pas marquée. Nous maintenons la date donnée par les auteurs. Nous croyons cependant devoir faire remarquer que Innocent III se trouvait dans l'endroit d'où il a expédié cette bulle, en juillet 1203 et en juillet 1206. La première nous paraît bien plus probable.

Cette lettre d'Innocent III est très intéressante pour connaître les origines de l'Ordre du Saint-Esprit, et confirme bien ce que nous avons dit plus haut: que cet Ordre avait dû être fondé à Montpellier vers l'an 1180 au plus tôt, date que nous devrions peut-être retarder de quelques années. D'ailleurs, rien de certain sur les origines exactes de cet Ordre fondé par le célèbre Montpelliérain. Cette bulle peut cependant nous permettre de préciser l'époque où il entra dans l'histoire.

Grégoire, cardinal-diacre du titre de Saint-Ange, était légat dans la province en 1193 (Cf. Hist. gén. de Languedoc, t. VI, p. 173). A cette époque, l'Ordre existait. Il y eut, en effet, un accord entre Gui et l'évêque de Maguelone, Guillaume Raimond, par l'entremise du légat. Ce fut très probablement en cette année qu'il lui fut accordé le privilège d'avoir un cimetière; mais cet Ordre ne comprenant que des clercs, Gui ne pouvait avoir un prêtre à sa disposition ni, par conséquent, d'oratoire ou chapelle: les religieux devaient donc, pour les offices, se rendre à l'église la plus voisine. Comme le fait remarquer Innocent III, cette situation n'était pas régulière; bien plus, elle n'était pas conforme à ce qu'il avait ordonné quelques années auparavant, quand il avait donné ses premières bulles en faveur de l'Ordre du Saint-Esprit.

On peut se demander pourquoi, à Montpellier, Gui n'avait pas usé du privilège précédemment accordé. Nous ne croyons pas qu'il faille y voir un manque d'intérêt de l'évêque de Maguelone, Guillaume d'Autignac, envers son diocésain, objet des faveurs pontificales et à qui Guillem VIII, en mourant, avait légué une forte somme pour favoriser ses pieux desseins. Quoi qu'il en soit, si l'évêque s'était opposé à l'érection de cet oratoire, ce que ne laisse pas même soupçonner Innocent III (voir N° 172) on devrait en rechercher la cause dans le

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(1) Les mots entre crohets ne se trouvent pas dans MIGNE.

privilège accordé par Adrien IV (voir No 56), et renouvelé plusieurs fois par les Papes. C'est probablement sur ce privilège que s'appuieront nos évêques qui, au cours du XIe siècle, se montreront assez difficiles pour accorder cette faveur aux religieux. Honorius III, comme nous le verrons, devra même réitérer ses ordres pour les Trinitaires; et l'évêque trouvera encore moyen de les éluder. Il y avait donc, dans la bulle précédemment accordée par Innocent III à Gui de Montpellier, une dérogation aux privilèges concédés aux évèques de Maguelone par ses prédécesseurs. Cette dérogation parait même bien accentuée par cette bulle, où il n'est nullement question de la nécessité d'une permission de l'évêque pour l'érection de l'oratoire; bien plus, Innocent III annule la convention intervenue à ce sujet entre Gui et Guillaume de Fleix.

Innocent III règle donc toute chose de sa souveraine autorité : désormais l'Ordre du Saint-Esprit aura un oratoire dans les murs de l'hôpital. Gui choisira le prêtre qu'il jugera apte à desservir cet oratoire, et le présentera à l'évêque qui donnera les pouvoirs nécessaires. Les offrandes des fidèles, faites à toutes les grandes fêtes marquées dans la bulle, appartiendront pour les trois quarts à l'hôpital, pour un quart seulement au clergé paroissial; cependant, celui-ci ne pourra rien prendre sur les dons qui seraient faits à l'hôpital. De plus, les religieux prendront intégralement toutes les offrandes faites à la chapelle aux jours qui ne sont pas indiqués dans la bulle. Quant aux sépultures, les religieux ne peuvent enterrer dans leur cimetière que ceux qui font partie de l'Ordre et les pèlerins. Si quelqu'un demande à y être enterré, ils ne peuvent y consentir sans la permission de l'ordinaire du défunt, à charge encore de restituer à ce mème ordinaire la quatrième partie des legs qui auraient été faits.

Telle fut la situation créée par la bulle d'Innocent III, qui régla les rapports de l'Ordre avec l'évêque de Maguelone au point de vue diocésain.

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Innocent III confirme à Michel, sous-diacre, le prieuré de Saint-Étienne de Castries que lui a conféré l'évêque de Maguelone.

Solet annuere [Sedes (1) Apostolica piis votis, et honestis petentium precibus favorem benevolum impertiri. Eapropter, dilecte in Domino fili, tuis justis postulationibus grato assensu] annuentes, beneficium, quod in ecclesia de Castriis per bonæ memoriæ Magalonensem episcopum ad mandatum apostolicum es adeptus, sicut illud juste possides et quiete, auctoritate [apostolica tibi confirmamus, et præsentis scripti patrocinio communimus].

Nulli ergo [omnino hominum liceat hanc paginam nostræ confirmationis (1) Les crochets indiquent les parties omises par MIGNE, et que nous avons restituées.

BULLAIRE

infringere, vel ei ausu temerario contraire. Si quis autem hoc attempta præsumpserit, indignationem omnipotentis Dei et beatorum Petri et Paul apostolorum ejus, se noverit incursurum].

Datum Anagniæ, vi idus februarii.

Bibliographie.

Date.

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Cette bulle ne porte pas la date du pontificat d'Innocent III. MIGNE la fixe à l'année 1203. Un passage pourrait nous servir pour ce point: Innocent III fait certainement allusion à Guillaume de Fleix par ces mots: bonæ memoriæ. Elle est assurément postérieure à décembre 1202, époque assignée par tous les historiens à la mort de ce prélat. Dès lors, le mois et le lieu doivent seuls nous servir à déterm iner l'année où elle fut écrite. Postérieurement à l'année 1202, nous ne trouvons Innocent III à Anagni, au mois de février, qu'en 1204: il séjourna dans cette ville du 9 octobre 1203 au 6 mars 1204. La bulle est donc de 1204, et non de 1203.

Au commencement du XIIe siècle, Castries était une paroisse dépendant directement de l'évêque. L'église de Saint-Etienne dont il est question dans cette bulle n'existe plus. Elle est tombée en ruines, il y a une quarantaine d'années; restent seuls encore debout, attenant au presbytère actuel, quelques jolis chapiteaux et corniches. Plus tard, sous l'épiscopat de Rainier, elle fut échangée avec Vendargues, Cournonterral et Saint-Julien de Cazaligis, · église disparue très probablement dès le xve siècle et située près de Cournonterral contre Sainte-Marie de Melgueil qui dépendait du chapitre. Sainte-Marie de Melgueil était le plus riche prieuré du diocèse et passait même avant Ganges et Frontignan. Toutefois le chapitre ne perdit rien à l'échange: Vendargues et Cournonterral l'équivalaient à eux deux; et certainement le prieuré de Castries devait être important, bien que ce soit l'un des rares dont nous n'ayons pu trouver la valeur au cours de nos recherches.

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Innocent III réunit sous un même supérieur l'hôpital de Sainte-Marie in Saxia et celui du Saint-Esprit de Montpellier, et trace les conditions de

l'union.

Inter opera pietatis, quæ, secundum Apostolum, promissionem habent vitæ, quæ nunc est, pariter et futuræ, hospitalitatem nobis specialiter et frequenter divina Scriptura commendat, utpote, quae illa omnia comprehendit, propter quæ Dominus in ultimæ discussionis examine remuneraturum

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