Imágenes de páginas
PDF
EPUB

AVIS

LE MUSÉE BELGE, Revue de philologie classique, ne publie que des travaux originaux ayant trait à la philologie ancienne.

Le BULLETIN bibliographique et pédagogique du Musée Belge embrasse un domaine plus étendu que le Musée Belge : une place y est réservée à tous les ouvrages nouveaux qui peuvent intéresser l'enseignement litté raire et historique. Il s'occupe des langues et des littératures anciennes, celtique, romanes et germaniques, de l'histoire et de la géographie, de l'art et de l'archéologie, ainsi que de la pédagogie.

Pour tout ce qui concerne la rédaction du Musée Belge et du Bulletin bibliographique, s'adresser au secrétaire, M. J. P. Waltzing, professeur à l'Université de Liége, 11, rue Dartois, Liége.

Les articles destinés à la partie pédagogique doivent être adressés à M. F. Collard, professeur à l'Université de Louvain, 58, Boulevard de Namur, Louvain.

Prix de l'abonnement :

Musée et Bulletin: 15 fr.; pour l'étranger: 16 fr.

Musée seul ou Búlletin seul : 10 fr.; pour l'étranger 12 fr.

Le Musée Belge a été brûlée dans l'incendie de Louvain, en août 1914. Cependant nous pouvons encore fournir une collection complète au prix de 250 fr. S'adresser au Secrétaire.

La Chronologie pythagoricienne de Timée

Rien de plus variable que les données chronologiques des Anciens sur la Vie de Pythagore. La durée de la vie et la date de la naissance en forment les points les plus débattus. F. Jacoby (') a pensé en avoir épuisé la matière en reconstituant trois systèmes très divergents, auxquels se ramèneraient les traditions des écrivains anciens.

Une première série, s'inspirant d'Aristoxène, place la maturité de Pythagore vers 532. Par un ensemble de combinaisons pour le moins discutables, Jacoby reconstruit sur cette simple donnée toute une carrière de Pythagore et attribue à Apollodore ce système, qui est de son invention. Quoi qu'il en soit, c'est cette date de la maturité qui dans l'Antiquité conquit le plus de suffrages et qui est, aujourd'hui, communément adoptée.

Un second système reporte la naissance du philosophe jusque vers 606 il s'appuie sur l'autorité d'Eratosthène et provient apparemment d'une confusion homonymique : l'identification du philosophe avec un athlète de la quarante-huitième olympiade.

Enfin, certains auteurs n'hésitent pas à reculer plus encore la période d'activité de Pythagore pour la rendre contemporaine de Numa (715-672) ou de Nergil (peu après 681).

Bien qu'il y ait entre ces différents systèmes des écarts considérables, Jacoby ne me paraît pas avoir analysé d'une façon complète les combinaisons chronologiques que les auteurs anciens ont élaborées sur la Vie de Pythagore. C'est ainsi que les calculs de l'historien Timée ne peuvent se ramener à aucun des trois groupes. Je vais tenter dans ces lignes de rechercher, de grouper et de coordonner les données chronologiques qui dérivent de son œuvre et qui sont éparpillées dans la tradition.

Diogène, VIII, 51 : ἀκοῦσαι δ ̓ αὐτὸν τὸν Ἐμπεδοκλέα) Πυθα γόρου Τίμαιος διὰ τῆς ἐνάτης ἱστορεῖ. Cette citation nous servira de point de départ : on peut en noter la sécurité.

Si Empedocle a pu recevoir l'enseignement de Pythagore, c'est

(1) APOLLODORS CHRONIK, dans les Philol. Unters., XVI (1902), p. 215 ss.

127327

que celui-ci ne mourut pas avant 470. On s'accorde en effet à placer la naissance d'Empédocle vers 492 (). Timée est, avec Alcidamas (2) et peut-être Dicéarque (3), le seul auteur qui prolonge la vie de Pythagore jusqu'à une aussi basse époque : la plupart l'arrêtent su seuil du ve siècle. Il est peu vraisemblable que Timée ait placé la naissance de Pythagore à une date de trente ans plus récente que les autres biographes. Tout porte à croire qu'il a résolu la difficulté chronologique en lui accordant une longue vie, comme celle de 117 ans que lui prête Galien, ou encore 104 (Photius), ou simplement 99 ans, comme Syncellus, Jamblique, Tzetzès (1).

Est-il possible de retrouver, dans le dédale des traditions, la date qu'il assignait à la naissance de Pythagore?

Jamblique, dans sa Vita (265 et 266), présente un aperçu de la diadoque de l'Ecole pythagoricienne. Pythagore, dit-il, passe pour avoir vécu près de cent ans et avoir dirigé l'école pendant 39 ans. Dans son étude des sources de Jamblique (5), Rohde a reconnu ici un extrait d'Apollonius, à qui la compilation de Jamblique doit encore le texte des onze paragraphes précédents qui ont trait à l'histoire politique de la Société pythagoricienne.

Ces calculs concordent, en effet, avec ce qu'on peut retrouver ailleurs (Jamblique, V. P., 3 à 25) des traditions d'Apollonius sur la Vie de Pythagore. S'il est mort âgé de près de cent ans (à 99 ans d'après les notices d'autres auteurs évidemment apparentées à celle-ci), après avoir dirigé l'Ecole pendant 39 ans, Pythagore aurait débarqué à Crotone à l'âge de 60 ans.

Or, j'ai montré dans une étude antérieure (°) que pour l'histoire politique de Crotone et de la Société (§§ 254 à 264), Apollonius est complètement tributaire des Histoires de Timée. J'ajoute qu'Apollonius a utilisé le même ouvrage dans une foule d'autres passages encore les voyages (3 à 25), les sermons de Crotone (37-57), la

(1) BIDEZ, Biographie d'Empedocle, p. 105.

(2) DIOGENE, VIII, 56.

(3) Selon ce biographe, Phérécyde, le maître de Pythagore, mourut avant le départ de celui-ci pour Crotone (Porphyre, V. P., 56). Si Dicéarque admettait la fixation ordinaire de l'aкμý de Phérécyde à 544 (Diogène, I, 121), il a dû reculer, comme Timée, l'époque de l'arrivée en Italie jusque vers 512.

(4) Voir les citations dans Jacoby, l. c., p. 226.

() Kleine Schriften, 11, p. 169.

(6) Un nouveau fragment de Timée, Revue de l'Instr. publ. en Belgique, 1909. pp. 91-98.

description de l'organisation de l'Ecole (71 ss.), etc. (1) On peut donc conjecturer, de prime abord déjà, que l'extrait si original sur la diadoque de l'Ecole pourrait provenir de Timée. Reste à voir si les synchronismes établis par Apollonius entre certains faits de la Vie de Pythagore et des événements connus de l'histoire politique s'accommodent de cette combinaison.

Résumons d'abord, en un tableau, la chronologie d'Apollonius: a) Agé de 18 ans, Pythagore quitte Samos, úñoquoμévηg apti τῆς Πολυκράτους τυραννίδος (§ 11).

b) Voyages en Grèce.

c) Voyage en Egypte; après un séjour de 22 ans (§ 19), il y est surpris par l'expédition de Cambyse et emmené.

d) Il reste 12 ans à Babylone et, à l'âge de 56 ans (§ 19), revient à Samos. De cette donnée, il appert que les voyages en Grèce ont duré quatre ans et que Pythagore fut emmené par Cambyse à l'âge de 44 ans.

e) Séjour à Samos et nouveaux voyages en Grèce (§§ 20 à 25). f) Départ pour Crotone (§ 28). Prédications, fondation de la Société.

g) Il reste 39 ans à la tête de l'Ecole et meurt âgé de près de cent ans (§ 265). De quoi on peut conclure que la période intermédiaire entre le retour à Samos (à 56 ans) et le départ pour l'Italie ne doit guère comporter plus de deux ans, car il faut tenir compte du temps des prédications.

Pour procéder à l'examen des synchronismes, on a le choix entre deux points de départ.

A. Choisissons d'abord, comme premier jalon, la conquête de l'Egypte réalisée par Cambyse en 525. En ce moment, Pythagore avait 44 ans. Il serait donc né vers 569; il aurait quitté Samos pour la première fois en 551, pour la seconde fois, en gagnant. Crotone, vers 569-56-x (x seconds voyages en Grèce, un an peut-être ?), c'est-à-dire vers 512 (2). Si, pour reconstituer la chronologie de Timée, nous complétons les données d'Apollonius par celles de Justin (3), qui puise à la même source, nous placerons le départ de Pythagore pour Métaponte vers 492 et sa mort peu avant 470.

(1) Cf. JUSTIN, XX, 4; SCHOL. DE PLATON, Phèdre, 279 C.; DIOGÈNE, VIII, 10; GEFFCKEN, Timaios' Geographie des Westens, dans les Philol. Unt. XIII, 1892, p. 71. ROHDE, Kl. Schr., II, 122.

(2) Il n'est pas sans intérêt de noter, comme concordance, que Solinus (chap. XVII) place l'arrivée de Pythagore en Italie au temps du consulat de Brutus (510).

(3) XX, 4: Pythagoras autem cum annos XX Crotone egisset, Metapontum emigravit ibique decessit. Cf. GEFFCKEN, l. c.

Tout se tient dans cette combinaison; on peut noter particulièrement qu'elle respecte l'unique donnée qui repose sur une citation de Timée : Pythagore serait mort vers 470. Il reste cependant à examiner une difficulté chronologique c'est que les débuts (ou les premières tentatives ?) de la tyrannie de Polycrate sont placés une vingtaine d'années plus tôt que ne le veut l'opinion commune (532).

La tradition qui fait entreprendre à Pythagore ses voyages d'instruction à l'époque des premiers efforts de Polycrate n'est pas particulière à Apollonius. Apulée dans une notice qui rappelle Apollonius par maints traits (Florida, 15), Strabon (XIV, 638) et l'auteur des Theologouména Arithmét. (p. 40) ont conservé la même donnée chronologique.

Selon la plupart des auteurs anciens, au contraire, c'est lorsqu'il s'embarque pour Crotone que Pythagore cherche à échapper à la tyrannie de Polycrate. Faut-il expliquer la présence de cette erreur dans le texte de Jamblique par une transposition fautive de synchronismes? Il est invraisemblable qu'un historien de la valeur de Timée ait pu commettre une telle erreur de chronologie, tandis qu'Apollonius a pu s'y laisser entraîner par l'utilisation maladroite de notes étrangères à sa source ordinaire ('). A moins que la faute ne soit imputable à Jamblique lui-même qui aurait ajouté au texte d'Apollonius un synchronisme puisé ailleurs... (2).

B. Le second événement qu'on peut choisir comme point de départ est précisément l'arrivée de Polycrate au pouvoir, que nous placerons, suivant l'opinion traditionnelle, vers 532. Pythagore eût été en ce moment âgé de 18 ans, ce qui reporterait sa naissance à l'année 550, l'arrivée à Crotone vers 492 (550-58), vingt ans après la prise de Sybaris (ce qui est contraire au texte du § 255), la mort au milieu du ve siècle, ce qui est manifestement trop

(1) On pourrait songer encore à résoudre la difficulté d'une autre façon. Le mot employé par Apollonius pour caractériser les débuts de la tyrannie de Polycrate (úñо¤úεσðαi) est assez vague; il signifie en effet, commencer à croître, n'être pas encore développé (LIDDELL et SCOTT). Partant de là, on pourrait prétendre qu'il s'agirait, en l'espèce, de premières tentatives faites par Polycrate pour s'emparer du pouvoir. Mais, même dans cette hypothèse, un écart de vingt ans entre les premiers efforts et la réalisation définitive apparaît comme trop considérable.

(2) Dans les §§ 9 à 12, la maladresse de la combinaison de deux sources anciennes est encore très sensible. Dans la première partie (9-11), Pythagore reçoit l'enseignement dé Phérécyde et de Thales. Dans la suite (11, suite et 12), la même tradition est rapportée comme s'il n'en avait pas encore été question.

« AnteriorContinuar »