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description de l'organisation de l'Ecole (71 ss.), etc. (1) On peut donc conjecturer, de prime abord déjà, que l'extrait si original sur la diadoque de l'Ecole pourrait provenir de Timée. Reste à voir si les synchronismes établis par Apollonius entre certains faits de la Vie de Pythagore et des événements connus de l'histoire politique s'accommodent de cette combinaison.

Résumons d'abord, en un tableau, la chronologie d'Apollonius: a) Agé de 18 ans, Pythagore quitte Samos, úñоquoμévηç аpti τῆς Πολυκράτους τυραννίδος (§ 11).

b) Voyages en Grèce.

c) Voyage en Egypte; après un séjour de 22 ans (§ 19), il y est surpris par l'expédition de Cambyse et emmené.

d) Il reste 12 ans à Babylone et, à l'âge de 56 ans (§ 19), revient à Samos. De cette donnée, il appert que les voyages en Grèce ont duré quatre ans et que Pythagore fut emmené par Cambyse à l'âge de 44 ans.

e) Séjour à Samos et nouveaux voyages en Grèce (§§ 20 à 25). f) Départ pour Crotone (§ 28). Prédications, fondation de la Société.

g) Il reste 39 ans à la tête de l'Ecole et meurt âgé de près de cent ans (§ 265). De quoi on peut conclure que la période intermédiaire entre le retour à Samos (à 56 ans) et le départ pour l'Italie ne doit guère comporter plus de deux ans, car il faut tenir compte du temps des prédications.

Pour procéder à l'examen des synchronismes, on a le choix entre deux points de départ.

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A. Choisissons d'abord, comme premier jalon, la conquête de l'Egypte réalisée par Cambyse en 525. En ce moment, Pythagore avait 44 ans. Il serait donc né vers 569; il aurait quitté Samos pour la première fois en 551, pour la seconde fois, en gagnant Crotone, vers 569-56-x (x seconds voyages en Grèce, un an peut-être ?), c'est-à-dire vers 512 (2). Si, pour reconstituer la chronologie de Timée, nous complétons les données d'Apollonius par celles de Justin (3), qui puise à la même source, nous placerons le départ de Pythagore pour Métaponte vers 492 et sa mort peu avant 470.

(1) Cf. JUSTIN, XX, 4; SCHOL. DE PLATON, Phèdre, 279 C.; DIOGÈNE, VIII, 10; GEFFCKEN, Timaios' Geographie des Westens, dans les Philol. Unt. XIII, 1892, p. 71. RoнDE, Kl. Schr., II, 122.

() Il n'est pas sans intérêt de noter, comme concordance, que Solinus (chap. XVII) place l'arrivée de Pythagore en Italie au temps du consulat de Brutus (510).

(3) XX, 4: Pythagoras autem cum annos XX Crotone egisset, Metapontum emigravit ibique decessit. Cf. GEFFCKEN, l. c.

Tout se tient dans cette combinaison; on peut noter particulièrement qu'elle respecte l'unique donnée qui repose sur une citation de Timée : Pythagore serait mort vers 470. Il reste cependant à examiner une difficulté chronologique c'est que les débuts (ou les premières tentatives?) de la tyrannie de Polycrate sont placés une vingtaine d'années plus tôt que ne le veut l'opinion commune (532).

La tradition qui fait entreprendre à Pythagore ses voyages d'instruction à l'époque des premiers efforts de Polycrate n'est pas particulière à Apollonius. Apulée dans une notice qui rappelle Apollonius par maints traits (Florida, 15), Strabon (XIV, 638) et l'auteur des Theologouména Arithmét. (p. 40) ont conservé la même donnée chronologique.

Selon la plupart des auteurs anciens, au contraire, c'est lorsqu'il s'embarque pour Crotone que Pythagore cherche à échapper à la tyrannie de Polycrate. Faut-il expliquer la présence de cette erreur dans le texte de Jamblique par une transposition fautive de synchronismes? Il est invraisemblable qu'un historien de la valeur de Timée ait pu commettre une telle erreur de chronologie, tandis qu'Apollonius a pu s'y laisser entrainer par l'utilisation maladroite de notes étrangères à sa source ordinaire ('). A moins que la faute ne soit imputable à Jamblique lui-même qui aurait ajouté au texte d'Apollonius un synchronisme puisé ailleurs... ().

B. Le second événement qu'on peut choisir comme point de départ est précisément l'arrivée de Polycrate au pouvoir, que nous placerons, suivant l'opinion traditionnelle, vers 532. Pythagore eût été en ce moment âgé de 18 ans, ce qui reporterait sa naissance à l'année 550, l'arrivée à Crotone vers 492 (550-58), vingt ans après la prise de Sybaris (ce qui est contraire au texte du § 255), la mort au milieu du vo siècle, ce qui est manifestement trop

(1) On pourrait songer encore à résoudre la difficulté d'une autre façon. Le mot employé par Apollonius pour caractériser les débuts de la tyrannie de Polycrate (úñоqúɛóðάi) est assez vague; il signifie en effet, commencer a croître, n'être pas encore développé (LIDDELL et Scorт). Partant de là, on pourrait prétendre qu'il s'agirait, en l'espèce, de premières tentatives faites par Polycrate pour s'emparer du pouvoir. Mais, même dans cette hypothèse, un écart de vingt ans entre les premiers efforts et la réalisation définitive apparaît comme trop considérable.

(2) Dans les §§ 9 à 12, la maladresse de la combinaison de deux sources anciennes est encore très sensible. Dans la première partie (9-11), Pythagore reçoit l'enseignement de Phérécyde et de Thalès. Dans la suite (11, suite et 12), la même tradition est rapportée comme s'il n'en avait pas encore été question.

tardif. Ajoutons qu'il faudrait admettre une nouvelle erreur chronologique la conquête de l'Egypte daterait, en ce cas, de 506 (550-44). Il est clair que cette combinaison doit être rejetée.

Voyons si les données chronologiques assez vagues qu'on peut relever dans le récit de la révolution de Crotone coïncident avec le système que nous reconnaissons être celui de Timée.

Au § 255, il semble à première vue qu'Apollonius établit un synchronisme entre la prise de Sybaris par les Crotoniates (vers 510) et un départ de Pythagore: uéxpi uèν оûν την úпάрxouσαν χώραν ἐκέκτηντο καὶ Πυθαγόρας επεδήμει, διέμενεν ἡ μετὰ τὸν συνοικισμὸν κεχρονισμένη κατάστασις... ἐπεὶ δὲ Σύβαριν εχειρώσαντο κἀκεῖνος ἀπῆλθε... ἐξερράγη τὸ σιωπούμενον μῖσος. Sur les causes de ce départ, sur le lieu choisi par Pythagore comme nouveau séjour, point de détails. Quelques lignes plus loin, nouvelle surprise ('): on apprend, ou plutôt on devine, que Pythagore est mort, en sorte qu'on est en droit de supposer une lacune considérable dans l'utilisation du texte primitif. On peut remédier en partie à ce défaut en recourant à un auteur qui tire, lui aussi, de Timée la plupart de ses renseignements sur Pythagore, Justin. De la comparaison (XX, 4 fin), on peut conclure que l'absence de Pythagore à laquelle fait allusion Apollonius, est causée par le départ du philosophe pour Métaponte.

Or, il est impossible tout d'abord que ce départ ait coïncidé approximativement avec la prise de Sybaris, puisque, selon les calculs d'Apollonius lui-même, vers 510, Pythagore venait d'arriver à Crotone. Au reste, Justin rapporte qu'il ne se serait retiré à Métaponte qu'après avoir dirigé pendant vingt ans son premier établissement.

Mais à bien examiner le texte discuté, on reconnaît qu'il n'est pas nécessaire d'établir un synchronisme entre ces deux événements (2). L'histoire des persécutions est écrite en raccourci et le texte présente de grandes lacunes, comme je l'ai montré. L'évolution politique qui se dénoua par une lutte violente contre l'administration pythagoricienne eut des causes complexes. L'historien

(1) ἐπεὶ δὲ ἐτελεύτησεν (καλεῖν αὐτὸν ἐκεῖνον τὸν ἄνδρα. Cf. au § 259 : τοὺς μὲν ἑταίρους ῆγεν (imparfait) κτλ.

(2) Dans mon article cité ci-dessus (p. 98, n. 1), je n'avais pas envisagé l'hypothèse que tous les calculs chronologiques d'Apollonius pussent provenir de Timée. J'avais donc supposé que l'historien avait pu, comme Aristoxène, placer l'arrivée de Pythagore à Crotone vers 530, son départ pour Métaponte (après les annos viginti de Justin) en 510, et j'avais, à tort, établi un synchronisme trop exact entre la prise de Sybaris et la retraite de Pythagore.

en dégage deux surtout le refus de partager les terres de conquête après la prise de Sybaris et l'absence de Pythagore, qui, seul, eût été capable de calmer les esprits. Cette évolution fut très longue. Elle débuta par la situation tendue qui suivit la prise de Sybaris. L'opposition a levé la tête et l'hostilité qui couvait a éclaté après le départ de Pythagore. Enfin, c'est.seulement après sa mort, vers 460, que la lutte s'est déchaînée.

La catastrophe où périrent bon nombre de Pythagoriciens (§ 261. cf. Justin, l. c.) peut difficilement être placée avant 450. Dans ces circonstances, rapporte l'historien, les éphèbes Pythagoriciens se retirèrent sous la conduite de Democède dans un endroit appelé Platées. Vaincus peu après dans un combat (261), ils furent condamnés à l'exil par un tribunal d'arbitrage (262). Plus tard les Crotoniates furent pris de repentir et rappelèrent les bannis (262). Lors d'une invasion des Thuriens, les Pythagoriciens, ainsi rentrés, prennent part au combat et sont décimés (264).

Comme Thuries fut fondée en 444, il n'est guère possible de placer leur incursion si efficace en territoire étranger plus tôt que 420. En ce moment, les Pythagoriciens qui étaient éphèbes en 450 avaient atteint la cinquantaine et leur participation à la bataille est encore admissible.

Les calculs du récit des Persécutions concordent done avec le système chronologique reconstruit plus haut. Passons à l'examen de la diadoque.

Cette tradition sur le scholarchat pythagoricien est la seule que nous possédions et elle cite des noms de philosophes complètement inconnus. La tradition commune, tardive d'ailleurs, donne comme successeur à Pythagore, Télaugès, son fils ('). Or Apollonius présente comme unanime (πρὸς πάντων ὁμολογεῖται) l'opinion qu'Aristée aurait succédé à Pythagore. Rohde reconnaît dans ces mots une affirmation mensongère dont l'effronterie est destinée à donner le change (2). Voilà, à mon sens, un jugement pour le moins précipité. A supposer, pour me placer au point de vue de Rohde, que cette notice tout entière fût de l'invention d'Apollonius, l'impudence d'une telle affirmation, contredite par les traditions tardives et unanimes sur Télaugès, resterait inexplicable. Cette formule me parait au contraire consacrer l'antiquité de la source qui est ici utilisée, puisque l'auteur ne connaît pas encore la légende, d'origine alexandrine sans doute, de Télaugės.

(1) DIOGÈNE LAËRCE, prol, 15 et VIII, 43. ARSENIUS, viol., p. 310, PHOTIUS, cod. 249 et Suidas, s. v. Tηλaúrns.

(2) Kl. Schr., II, 169.

Aristée, contemporain de Pythagore (κατ' αὐτὸν τὸν Πυθαγόραν τοὺς χρόνους γενόμενος) est dit avoir vecu à peu près sept generations avant Platon. La durée d'une reveά est ordinairement évaluée à une bonne trentaine d'années quand, dans la langue des chronographes alexandrins, on prête à ce mot un sens bien précis. Aristée et Pythagore auraient donc vécu plus de 210 ans avant Platon. En reculant même le point de départ jusqu'à l'année 570, on aboutirait, pour l'époque de Platon, à la date de 360. Or celui-ci avait, en ce moment, près de soixante-dix ans. S'il fallait donc entendre le mot reveά dans son sens spécial, on se heurterait à une sérieuse difficulté, car si l'on prend comme point de départ la naissance de Pythagore ou d'Aristée, il faut s'arrêter dans ses calculs à la naissance de Platon.

La même difficulté surgit quand on examine la notice de Diogène Laërce, VIII, 45 : ήκμαζε δὲ ὁ Π.) κατὰ τὴν ἑξηκοστὴν ὀλυμπιάδα καὶ αὐτοῦ τὸ σύστημα διέμεινε μέχρι γενεῶν ἐννέα ἢ καὶ δέκα· τελευταῖοι γὰρ ἐγένοντο τῶν Πυθαγορείων, οὓς καὶ Ἀριστόξενος εἶδε, Ξενόφιλος θ ̓ ὁ Χαλκιδεύς κτλ. Si l'on ajoute à 540, qui represente à peu près la 60 olympiade, les années de neuf générations seulement, on obtient la date de 240 environ; si l'on en prend dix, comme le texte le permet, on descend jusqu'à la fin du me siècle. Or l'άкμý d'Aristoxène se place vers 310 et les derniers Pythagoriciens sont plutôt contemporains de son père Spinthare. L'écart est donc considérable.

Qu'en conclure, sinon que dans ces textes le terme yeveά a un sens plus élastique que celui qu'on lui prête dans la chronologie alexandrine? Il est vraisemblable que le nombre des générations correspond simplement à celui des noms des personnes qui se succèdent au Scholarchat ('): Aristée, Mnésarque (fils de P.), Bulagore, Gortydas, Arésas, Archytas et Philolaos, et enfin leurs successeurs, Xénophile, Phanton, etc. Le texte de Diogène doit être interprété de la même manière. Et voilà une preuve de plus, s'il en fallait une, que ces notices datent d'une époque ancienne, puisque le sens du mot reveά ne s'est pas encore figé dans l'acception technique des chronographes alexandrins.

Du temps de Bulagore, le troisième successeur de Pythagore, la ville de Crotone fut pillée. Dans cet événement, je reconnais un épisode de l'invasion des Thuriens mentionnée dans l'extrait de Timée qui précède (264) et dans laquelle la plupart des Pythagoriciens périrent. Le successeur de Bulagore fut un Crotoniate qui

() Voyez dans PHOTIUS, cod. 249, p. 438 A, une tradition un peu différente : ὅτι ἔνατος ἀπὸ Πυθαγόρου διάδοχος γέγονε Πλάτων.

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