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en Flandre (1). Plusieurs d'entre eux jouèrent un rôle capital dans l'histoire de la cité gantoise. Lui-même fut un magistrat de profond savoir et de grande autorité : «< il n'était pas moins versé dans les saintes écritures, écrit son dernier biographe (2), que dans le droit, ce qui, à cette époque de controverses religieuses, lui gagna particulièrement l'estime de ses concitoyens »>.

Les Rym possédaient, d'ailleurs, d'autres titres encore à l'influence et à la notoriété que les services rendus dans les fonctions publiques. Ils détenaient en Flandre d'importantes propriétés et l'on a souvent prétendu que la vieille rue des Régnesses, située au cœur de la ville de Gand et qui n'a disparu que dans les dernières années du XIXe siècle, tirait son appellation (Rymgasse, Rymenesse) du nom de la famille Rym qui, au XIVe siècle, y possédait un steen ou maison-forte (3).

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Mais, dira-t-on, que peut avoir de commun l'opulent patricien gantois avec le modeste correspondant de Martin Lipsius qui n'avait d'autre bien que l'amour de la science et la bienveillance que lui témoignaient de généreux érudits? N'y a-t-il pas erreur ? Il y a erreur, en effet. Mais celle-ci a été commise par M. Horawitz lui-même. A relire attentivement les lettres qu'il publie de Gérard Rivius alias Rimus, on s'aperçoit bientôt qu'il ne les a pas comprises. Nos humanistes écrivaient volontiers... avec le sourire, comme nous disons aujourd'hui il paraît qu'on ne s'en est pas toujours aperçu.

Oui, Rimus est pauvre, sans ressources, insolvable. Il est le débiteur de Martin Lipsius: jure enim optimo me in aere tuo esse cognosco: at pauperem, at exilis rei, at non soluendo, cui pro opibus adest animus, pro beneficiis voluntas, etc. (4). Mais sa pauvreté n'est pas celle qu'un vain peuple pense. Elle est, comment dirais-je, ...toute littéraire, son indigence est spirituelle. Tandis que son correspondant est comblé des biens de l'esprit, il en est, lui, tota

(1) A.-J. D'HANINS, Epos genealogicum complectens originem... prosapiæ Rymiorum, Gand, 1689. A. VISART DE BOCARME, Un médaillon au buste de Gérard Rym, 62o abbé de Saint-Pierre au Mont-Blandin à Gand (1633-1636). Revue belge de numismatique, 1920. L'abbé de Saint-Pierre était le petit-fils de notre magistrat.

Sur les Rym, voir aussi V. FRIS, Biographie Nationale, t. XX, col. 676-689. (2) V. FRIS, ibid., col. 680-681.

(3) FR. DE POTTER, Gent van den oudsten tijd tot heden, t. V, p. 280.

(*) HORAWITZ, op. cit., p. 694.

lement dépourvu. Il le répète avec une modestie charmante et si persuasive qu'il a convaincu M. Horawitz lui-même, lequel ne s'est pas aperçu de l'innocent badinage du jeune homme. Quel triomphe pour celui-ci !

Quelle est, en effet, la dette que Gérard Rym a contractée envers le riche créancier, qui résida, remarquons-le, au couvent des augustins du Val Saint-Martin, à Louvain? Il lui a emprunté un Aristote, de la bibliothèque du monastère et il l'a conservé fort longtemps. Mais voici qu'il le restitue. Le livre est sain et sauf : hic est liber, saluus, integer, sospes (et non pas hospes, comme on imprime à Vienne), nihil in eo vel culpa vel negligentia mea ruptum aut rasum. Comment s'acquitter d'un pareil bienfait ? Par l'envoi d'une pièce de vers, le cadeau fût-il même indigne du destinataire :

Unicus meae tenuitatis praetextus est (1), quod ille ait: in magnis et uoluisse sat est. Ne tamen undequaquam oog uidear, tuam liberalitatem expertus, accipe uersiculos hos, ea fronte qua soles amicorum omnia, autoris inopiam atque sordes olentes...

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A bon entendeur, salut! Chacun donne suivant ses moyens. Et notre humaniste de reprendre le même thème, dans la lettre XVIIIe, en termes moins voilés cette fois : hinc mea paupertas (hanc dico curtam animi suppellectilem)... (2).

Voilà donc une identification qui paraît certaine. Le correspondant de Martin Lipsius n'est autre que Gérard Rym, patricien gantois, riche des biens de la terre, mais pauvre de science,... ou, tout au moins, se prétendant tel. Au demeurant, le savant religieux n'en croit pas un mot. Il a recours à l'érudition de son ami : « habeo » in quo, ni fallor, mihi possit esse usui tua opera. Vides meam » confidentiam. Tempus aptum, si forte requiras, erit inter primam

(1) Ibid., p. 694.

(2) Op cit., pp. 697-698.

» et secundam post meridiem. Si cras non vacauerit, permittitur >> tibi, ut ipse diem designes... » (1) .

Mais, dans son humilité voulue, le jeune seigneur demeure inébranlable. Il s'obstine, il se défend : quod autem in calce literarum postulas operam meam, id tu quidem candide ac modeste pro tuo ingenio, sed vereor ne frustra. Totus ipse alienis egeo. Et quis a nudo vestimenta? Non potest alios ditare, qui sibi totus inops (2).

Il paraît inutile d'insister. Si je me suis permis de relever la méprise de M. Horawitz, c'est que les erreurs, on le sait, ont la vie dure je trouve, en raison d'une lettre particulièrement intéressante concernant les Loci communes de Melanchthon, l'humaniste gantois Gérard Rivius, qui n'a jamais existé, cité dans les excellents ouvrages de Félix Nève et de H. De Jongh (3), cité aussi dans le savant volume de Forstemann et Guenther (4).

Restituer à Gérard Rym la paternité des lettres publiées par M. Horawitz, c'est, du même coup, compléter fort utilement sa biographie. Les neuf épîtres qui figurent ici (5) sont des lettres de jeunesse. Elles ont été écrites par Rym à l'âge où l'on s'épanche volontiers auprès d'un maître ou d'un ami elles contiennent de précieuses indications sur ses sentiments, sur son caractère, sur ses aspirations.

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Ces pièces ne sont pas datées, mais l'une d'elles a été certainement écrite comme l'indique son contenu en 1523. Les autres sont de la même époque. Rymius avait alors vingt-six ans. Il terminait à Louvain de fortes études. Nous savons maintenant où il puisa cette connaissance approfondie des saintes Ecritures qui a frappé son dernier biographe.

Il n'était pas moins versé dans les lettres profanes. Il lisait et relisait auteurs grecs et latins (4). Sa prose et ses vers nous donnent

(1) Ibid., p. 696.

(2) Ibid., p. 699.

(3) F. NEVE, La Renaissance des lettres, (Louvain, 1890), p. 208. — H. DE JONGH, L'ancienne Faculté de théologie de Louvain (Louvain, 1911), pp. 163-164. (4) J. FORSTEMANN ET O. GUENTHER, Briefe an Desiderius Erasmus von Rotterdam (Leipzig, 1904), p. 413.

(5) Lettres 16, 18, 19, 21, 22, 25, 26, 27, 28 du recueil de Horawitz. Les lettres 15, 17, 20, 23, 29 ont été adressées par M. Lipsius à Gérard Rym. Les épîtres 22 et 23 ont été écrites en 1523.

(4) Il les lisait encore dans l'original à la fin de sa vie, ainsi que nous l'apprend le religieux gantois Pierre de Backere (Bacherius) dans les pages liminaires de son Hortulus precationum, dédié à Barbe Clayssone, dame d' Hundelghem, épouse de Gérard Rym. Louvain, J. Bogaerts, 1569 (Gand: Bibl. Univ. G 7458 et 7459).

une très haute idée de sa culture et, s'il faut en juger par lui ab uno disce omnes, de celle des membres du Conseil de Flandre au XVIe siècle (1).

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« Etsi tibi ipsi pauper es», lui écrivait Martin Lipsius, bon juge en ces matières, « et exilis, et non soluendo, mihi tamen es perquam opulentus... Mi Gerarde, etiamsi cucullatus sum inter cucullatos, quibus ferme ab omnibus tribuitur impudentia, rubore tamen suffundebar legens tua carmina, quae, cum tibi sordeant, mihi tamen e musarum adytis deprompta videntur. Verum ego is non sum nec eo prouectus magnitudinis, ut clarorum adolescentium encomiis celebrer. Quis enim ego aut quid ego ?... Tu vero age quod agis, dignus, qui hac aetate natus sis, qua tot eximii restituuntur authores quaque omnes reflorescunt bonae literae » (2).

L'éloge, on le sent, est sincère; et, nous pouvons le dire, après avoir lu les vers de Gérard Rym, il n'était pas exagéré.

Alphonse ROERSCH.

(1) Le fils de Gérard Rym, Charles Rym, seigneur de Bellem, fut ambassadeur de Maximilien II auprès de la Sublime Porte et membre du Conseil Privé. Fin lettré comme son père, il fut en correspondance avec plusieurs de nos grands humanistes. Pendant qu'il résidait en Orient, Pighius lui demanda une copie du Monumentum Ancyranum, qui venait d'être découvert. Voir notre Humanisme belge à l'époque de la Renaissance (Bruxelles, 1910), p. 139. — Paquot, dans ses Mémoires littéraires, éd. in-folio, t. III, p. 55, a consacré une longue notice à Charles Rym.

(2) HORAWITZ, op. cit., p. 696.

Contribution à la Bibliographie

du Cursus grec

Les principes suivis dans cette liste sont les mêmes que dans la bibliographie du cursus latin (').

De plus, les travaux relatifs aux clausules byzantines sont mentionnés aussi complètement que possible; comme l'origine de celles-ci est dans le rythme de la prose attique et asiatique, on a mentionné aussi les ouvrages essentiels qui traitent de cette dernière.

La présente bibliographie était, sauf quelques additions, dressée avant que parût celle que M. de Groot a établie de son côté (2); nous tenons néanmoins à signaler particulièrement l'œuvre du savant hollandais on y trouvera la mention de certaines publications qui ne rentrent pas dans le cadre que nous nous sommes fixé, en particulier certains comptes rendus. Par contre, nous mentionnons un bon nombre d'ouvrages qui n'avaient encore trouvé place dans aucune liste analogue.

ADAMS (Carolus Darwin). De periodorum formis et successionibus in Demosthenis oratione Chersonesitica (sic). Kiel, Fiencke, 1891 (p. 53-104: de numeris periodorum).

BECKER (Hermannus). Hermogenis Tarsensis de rhythmo oratorio doctrina. Münster, Bredt, 1896.

BLASS (Friedrich). Die attische Beredtsamkeit. 2e éd. 4 vol., Leipzig, Teubner, 1887-1898 (les nombreux passages qui traitent du rythme sont relevés dans l'index général : III. 2, p. 419-420). De Isocrateis numeris. Progr. Kiel, 1891. Die Rhythmen der attischen Kunstprosa. Leipzig, Teubner, 1901. Die Rhythmen der asianischen und römischen Kunstprosa. Leipzig, Deichert, 1905 (3).

BOUVY (Edmond). Poètes et mélodes. Étude sur les origines du rythme

(1) Musée Belge. XIX, 1920, p. 188-198.

(2) A. W. DE GROOT. A handbook of antique prose-rhythm. I, Groningue, Wolters, 1919, p. 200-217.

(3) Blass a parlé aussi du rythme dans ses nombreuses éditions d'orateurs ou prosateurs (Aristote) attiques; mais c'est précisément la partie relative au rythme qui y est considérée comme caduque et que ses successeurs suppriment en mettant au point les rééditions. Il suffit donc de citer ici ses travaux d'ensemble, auxquels la liste des éditions n'ajouterait rien d'essentiel.

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