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à fait la même dans les deux fragments: il semble d'un grain plus gros dans la tête de guerrier.

Mais il est un autre débris qui, lui, ne peut guère provenir que des sculptures des frontons: il s'agit d'un fragment de main droite appartenant à une statue plus petite que nature (longueur, Om045). Une rainure creusée dans la paume montre qu'elle tenait un objet de bronze: ce n'était ni un arc ni une lance, car la rainure est de dimensions trop faibles. Les doigts, qui devaient être repliés sur la paume, ont complètement disparu. Mais le détail le plus intéressant est sans contredit l'espèce de léger bourrelet qui subsiste autour du poignet et où l'on reconnaît l'extrémité d'une manche collante, de tous points semblable à celles du costume de l'archer asiatique du fronton ouest du temple d'Égine: l'objet que notre personnage serrait dans la main droite aurait donc été la corde d'un arc. Ainsi, à Karthaia comme à Égine, on s'était plu à figurer, dans les frontons, les luttes des Grecs contre des barbares, des Troyens, sans doute. Ici aussi, semble-t-il, les traditions voulaient que les anciens habitants de la cité auraient participé à la guerre contre Troie son enceinte cyclopéenne autorisait Karthaia à s'attribuer des origines lointaines. Dans le temple d'Apollon, nous savons qu'on avait peint, suivant Athénée, v spwsxòv púbov,

Emetos opopopel tots Arpaidans (X, 456f). C'est là un sujet plutôt rare : à supposer même qu'Épeios n'y jouât qu'un rôle secondaire, on est cependant autorisé à penser que Karthaia avait sans doute une raison particulière de s'intéresser à l'histoire de ce héros. Précisément, nous savons par ailleurs qu'Épeios aurait amené des Cyclades un contingent de trente navires aux Grecs qui se proposaient d'assiéger Troie (1), et nous entrevoyons par là la manière dont Karthaia avait pu chercher à rattacher son passé à la légende trøyenne.

Si le sujet des frontons était le même qu'au temple d'Aphaia, il semble toutefois qu'il était conçu d'une manière un peu différente. Parmi les autres débris qui proviennent, ce me semble, de ces frontons, je relève quelques restes très menus appartenant à des chevaux d'assez petite taille, un sabot et des fragments de jambes. L'artiste se serait-il servi de chars pour remplir les angles des

(1) DICTYS CRETENSIS, Ephem. bel. Troj., I, 17: Epios ex insulis Cycladibus XXX (naves ad Aulidem praemittit). — Je n'ai pu me procurer la dissertation de STORCK, Die aeltesten Sagen der Insel Keos, Giessen, 1912.

frontons? Fréquent dans l'art archaïque, le procédé avait été repris encore au temple de Zeus, à Olympie, et au Parthénon. Tous ces débris sont malheureusement fort mutilés ou très frustes, pas assez cependant pour nous interdire toute appréciation sur

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le style des frontons. Le torse d'Athéna fait penser à l'Athéna d'Égine, nous l'avons dit ailleurs, mais pour la facture des petits plis fins et serrés de l'himation, on songe plutôt à certaine «Kore>> délienne (1) et surtout à de nombreuses représentations d'Athéna (1) BCH, XIII, pl. VII.

des vases attiques à figures rouges de style sévère (1). Ils sont moins profonds et moins accusés que dans le Korè d'Anténor.

La tête de guerrier, avec ses nombreuses appliques de bronze, fait songer à certaines têtes éginètes (2), et la main d'archer est d'une facture absolument semblable à celle d'une des statues d'Égine (33).

L'influence éginète apparaît aussi dans la tête d'Athéna que nous avons publiée dans BCH, XXIX, p. 346 et dont nous donnons ici une reproduction à plus grande échelle (fig. 14). Bien que trouvée avec les fragments signalés plus haut, cette tête, d'après ses dimensions, n'appartenait peut-être pas à l'une des figures des frontons. Elle semble un peu trop grande et ne peut, en tout cas, s'adapter au torse retrouvé au même endroit. Comme nous l'avons fait observer, le jeu des muscles du cou indique qu'elle devait être tournée vers la gauche, tandis que le torse est celui d'une déesse représentée complètement de face. Elle conviendrait très bien à une effigie d'Athéna Promachos, du type de celles dont le mouvement de la tête suit le mouvement de la jambe gauche avancée et du bras gauche étendu, tenant le bouclier (4). Ce serait donc un reste d'ex-voto sinon de la statue de culte, plutôt que d'un des personnages des frontons.

Temple D. Il n'a pas été possible de déterminer à quelle divinité était consacré ce temple, si tant est que ce soit un temple. L'édifice dont les ruines subsistent aurait, en tout cas, succédé à un autre plus ancien, construit en tuf. Du moins avons-nous dégagé au pied du mur qu'il domine, les fragments suivants :

1o Tambour de colonne, en tuf coquillier (haut., 0m39; diam., Om43). On distingue les restes de 12 cannelures: la colonne en comptait, semble-t-il, le double, lorsqu'elle était intacte. Sur la face inférieure, trou de scellement carré.

(A) FURTWAENGLER-REICHOLD, Gr. V ́asenmalerei, pl. 5 et 22 (Euphronios). E. POTTIER, Vases antiques du Louvre, I, pl. 96. DE RIDDER, Catal. des vases de la bibl. nation., no 415, p. 306, fig. 69. GERHARD, Auserl. V ́asenbilder, pl. 202 et 109 = HELBIG, Führer3, I, pp. 313 et 331, nos 502 et 545.

(*) Aegina, pl. LXXX.

(3) Ibid., pl. LXXXIX, no 122.

(4) Cf. surtout PERROT, Hist. de I Art, VIII, p. 612 fig. 308. On ne peut supposer que notre Athéna faisait partie d'une Gigantomachie, auquel cas la tête aurait dû être inclinée comme par exemple dans le groupe bien connu d'un des frontons de l' Hecatompedon.

2o Fragment de triglyphe, en tuf. Long., Om16; haut., ép., Om17. Incomplet de partout, sauf en bas.

Om35;

3o Fût de colonne en tuf, d'un grain plus serré. Pas de trace de cannelure. Haut., Om64; diam., 0m37. Peut-être, colonne qui supportait une statue et sa base; pour des colonnes votives de ce genre à Karthaia, cf. BCH, XXIX, p. 354 no 1 et ci-dessus, texte no 1. A l'édifice D lui-même appartiennent les marbres qui suivent : ils gisent encore devant l'escalier du temple.

10 Bloc de marbre blanc comprenant deux triglyphes d'angle (long., Om28) adjacents et une métope (0m71). Ép., 0m21; hauteur, Om44.

On remarquera la longueur exagérée donnée à la métope contigue au triglyphe d'angle, dans le but de faire coïncider la ligne verticale externe de ce triglyphe d'angle avec l'extrémité de l'architrave.

2o Autre bloc de même hauteur, comprenant un triglyphe (longueur, Om28) entre deux métopes (0m48 de long.). Épaisseur, Om46. Derrière l'une des métopes est pratiquée une cavité (largeur, 0m20; longueur, 0m27) sur toute la hauteur de la pierre. L'irrégularité de cette cavité, d'ailleurs légèrement arrondie, ne permet pas de supposer qu'elle ait pu recevoir l'extrémité d'une poutre de pierre soutenant les caissons du pronaos, mais bien d'une solive supportant un plafond en bois.

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Au-dessus des métopes et des triglyphes court un listel de faible saillie, de Om06 de hauteur au-dessus des métopes et de 0m07 au-dessus des triglyphes.

5o Fût de colonne de marbre blanc, brisé en haut. Hauteur, 1m20; diamètre inférieur Om51. Les cannelures, au nombre de 11, n'existent que sur la face de la colonne qui était visible du dehors.

D'autres indices témoignent que l'édifice était resté inachevé. Ainsi, les canaux des triglyphes sont amortis en ligne droite, mais au-dessus de celle-ci on remarque plusieurs fois les traces d'une ligne légèrement arquée: elle indiquait sans doute le tracé de l'amortissement définitif qu'on se proposait de donner aux triglyphes.

Pour autant que l'état des soubassements disjoints permette d'en juger, l'édifice D mesurait environ 8m72 de façade sur 24m55 de profondeur. Il portait sur trois degrés de calcaire bleu, surmontés d'un stylobate de marbre blanc. Mais ces degrés n'existaient qu'à la façade.

La longueur exagérée de la métope d'angle, qui mesure plus d'une fois et demie la longueur des autres, l'existence d'un plafond en bois au-dessus du pronaos, autorisent sans doute à affirmer que l'édifice D appartenait encore à l'époque archaïque (1). L'amortissement des triglyphes tel qu'il était prévu, nous amène à la même conclusion.

D'après les dimensions des triglyphes, des métopes et de la façade, l'édifice aurait présenté la disposition originale d'un temple in antis, avec quatre colonnes entre les antes. Ce plan exceptionnel aurait été motivé par l'impossibilité de construire, en cet endroit, un temple périptère, comme le temple voisin d'Athéna, ou même un édifice hexastyle prostyle: l'édifice D était édifié tout contre le mur de la citadelle et il est presque certain même que son côté sud s'élevait directement sur ce mur luimême. D'autre part, resserré entre le rempart d'un côté et la montagne de l'autre, il ne pouvait se développer davantage vers le nord (2).

(1) PERROT ET CHIPIEZ, o. 1., VII, pp. 494 et 526.

(2) C'est certainement ce temple que décrit TOURNEFORT, Relation d'un voyage du Levant, I., p. 332 (éd. de Paris, 1717): « Dans un lieu plus enfoncé, l'on distingue le temple par la magnificence de ses débris: la plupart des colonnes ont le fust moitié lisse moitié canelé, du diamètre de deux pieds moins deux pouces, à cannelures de trois pouces de large. » Tournefort le situe, il est vrai, à loulis, mais de son temps, on confondait encore Karthaia avec Ioulis. Tournfort avait donc encore vu plusieurs colonnes de cet édifice. D'après le rapport inédit de Manthos, en 1818, trois de ces colonnes furent utilisées pour la construction de la jetée du port de Kéa. Cf. Savignoni, p. 227.

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