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depuis l'Antiquité, a passionné tous les penseurs et surtout les rêveurs l'Atlantide ne fut-elle pas une réalité ? On ne s'est jamais lassé de chercher à l'identifier et on a pensé aux îles Açores, aux Canaries, à Madère, à l'Amérique, à l'Océanie, à la Palestine, à la Scandinavie, à Ceylan, et, tout récemment encore, au Maroc et au Sahara. C'est peine perdue: Platon prend soin de nous dire expressément qu'elle a disparu sous les flots. L'Athènes primitive et l'Atlantide sont de pures fictions et le mythe du Critias est l'ancêtre d'une abondante littérature mi-romanesque, mi-politique, qui a particulièrement fleuri dans les temps modernes et dont l'échantillon le plus remarquable est l'Utopie de Thomas Morus. Certains traits évoquent le despotisme et l'organisation militaire de l'empire perse; d'autres rappellent la thalassocratie et le génie sémite de Carthage. Par là, comme par la nationalité des personnages du dialogue, le Critias fait penser à une sorte de cri d'alarme, jeté aux deux cités auxquelles Platon avait des raisons spéciales de s'intéresser et qui étaient particulièrement menacées: Athènes et Syracuse.

Mais, si l'on doit refuser aux cités du mythe de l'Atlantide cette réalité sensible et grossière qu'est l'existence géographique et historique, les types créés par Platon participent à une vie bien supérieure, celle des Idées, dont les tragiques événements de ces dernières années ont montré l'éternelle vérité.

A. DELATTE.

Une stèle funéraire béotienne.

(MUSÉE DU CINQUANTENAIRE)

Le marbre du Musée du Cinquantenaire, décrit sous le no 62 du catalogue (p. 80) (1), est-il bien une stèle funéraire attique, même médiocre ? Il est permis d'en douter. Il faut, semble-t-il, le classer dans une série autrement intéressante parce qu'elle n'est encore représentée que par des monuments peu nombreux.

Tout d'abord, le marbre est-il bien de l'Hymette veiné de bleu ? Cumont lui-même n'en est pas sûr. L'emploi de ce marbre (2) ou même de celui du Pentélique à veines bleuâtres (3) serait assez insolite au début du IVe siècle, date proposée pour la stèle du Cinquantenaire. Si le marbre était bien attique, il paraît, en tout cas, peu probable qu'il ait été sculpté en Attique..

Brisée en bas, la stèle n'a pas d'encadrement, mais un simple couronnement cintré, de forme elliptique, au contour en anse de panier et raccordé à la stèle par un chanfrein. Ce type n'est pas inconnu en Attique (4), ce qui ne prouve point que la stèle en soit originaire. On en trouve d'à peu près semblables à Némée (5) et à Tanagre (°), par exemple, et l'on n'ignore pas que d'autres types de stèle, comme celle en forme de vatoxos, si fréquente en Attique, se sont répandus un peu partout (7) et sont représentés, en Béotie notamment, par de nombreux exemplaires.

L'inscription se réduit au nom de la défunte, Hermophaneia ; nulle mention de celui du père ou du mari ni du dème. Pareil

(1) CUMONT, Catalogue des sculptures et inscriptions antiques des Musées royaux du Cinquantenaire, 2o éd., Bruxelles, 1913.

(2) KOLBE, Hymettos, Real-Enc., IX, p. 137 sq.

(3) FURTWAENGLER, Neuere Faelschungen von Antiken, p. 4.

(4) CONZE, Att. Grabreliefs, 60, 240

S. REINACH, Répertoire des bas-reliefs,

II, p. 367, 1. (Stèle de Glaukias et Euboule).

(5) S. REINACH, o. l., II, p. 367, 1.

(6) IG, VII, 1548.

(7) E. CAHEN, Dict. des ant. gr. et rom., s. v. sepulchrum, p. 1223.

laconisme surprendrait si la stèle était attique et datait, comme le propose l'éditeur avec quelque raison, du début du IVe siècle (1). Ce n'est guère qu'à l'époque archaïque qu'une aussi brève épitaphe

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serait possible, du moins en Attique, sans compter que la lourdeur des lettres contraste avec l'élégante précision de celles de l'épigraphie attique contemporaine.

Par contre, on trouve fréquemment, dans les nécropoles béo

(1) Pour l'indication de la filiation et du dème après Euclide, cf. LARFELD, Griech. Epigraphik', p. 433 sqq.

tiennes, des inscriptions funéraires qui, sans remonter au-delà du IVe siècle, se réduisent à un seul nom propre, comme sur le monument d'Hermophaneia (1).

Ce nom lui-même paraît étranger à l'onomastique attique, qui ne semble pas connaître non plus le masculin correspondant, Hermophanès. L'onomastique béotienne, il est vrai, semble les ignorer également mais, dans l'état de nos connaissances, elle est relativement pauvre, comparée à celle d'Athènes.

D'ailleurs, un examen plus attentif de la figure de la défunte permet d'y relever certains détails qui n'autorisent guère à y reconnaître une Athénienne.

Contemporaine et concitoyenne d'Hégéso, Hermophaneia auraitelle porté cette coiffure retardataire qui n'a pas la souple élégance de celle de la fille de Proxénos et semble s'harmoniser fort peu avec le style qui n'a rien d'archaïque ?

Fortement ondulés sur le pourtour du front, les cheveux sont serrés par un mince bandeau. Le reste de la chevelure, pour autant que le voile posé sur la tête permette d'en juger, ne semble pas avoir été calamistré mais simplement peigné. On chercherait, je pense, vainement, parmi les figures féminines des stèles ou des monuments attiques du temps, une coiffure présentant cet air quelque peu archaïque.

Cette mode n'a rien de commun avec la coiffure dite en «< côtes de melon »>, si prisée des élégantes du IVe siècle. Mais elle reparaît presque exactement sur une stèle de Thespies: la seule différence, c'est que le bandeau qui enserre les cheveux de la Béotienne, à la manière d'un diadème, est plus large, tandis que, chez Hermophaneia, il ressemble plutôt à une cordelette (2).

Mais Hermophaneia n'était-elle pas une étrangère, une Béotienne peut-être, qui serait venue mourir en Attique, et sa stèle ne seraitelle pas de la main d'un sculpteur athénien ?

L'hypothèse ne paraît pas plausible. Le style du bas-relief est peut-être attique; la facture ne l'est certainement pas.

Que l'on examine, par exemple, la manière dont le bord du voile

(1) IG, VII, 729, 730, 734, 736, etc., (Tanagre); 1970, 1973, 1979, etc. (Platées); 2260, 2268, etc. (Thisbé); 2289, 2907, etc. (Coronée); 3131, 3127, etc. (Lébadée); 3256 sqq. (Orchomène); 3440 (Chéronée).

(2) G. RODENWALDT, Thespische Reliefs, Jahrb. d. arch. Instituts, XXVIII, 1913, p. 333 et pl. 29.

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