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provenant du sol, tels que le lin, le chanvre, les graines oléagineuses nous arrivaient de l'étranger sans acquitter les moindres droits, tandis que l'agriculteur français est tenu de payer à l'État sous toutes les formes, impôt foncier, impôts des portes et fenêtres, cote personnelle, cote mobilière, droits d'échange, droits de mutation, droits de succession, de prestations, contributions indirectes sur ce qu'il consomme et sur ce qu'il boit; tandis que le produit étranger ne doit rien payer, rien acquitter dans les caisses du Trésor français.

A Bordeaux, j'ai pu constater la lutte très vive existant entre les viticulteurs, producteurs de vin et les négociants qui fabriquent leurs vins de la Gironde de toutes pièces avec les vins d'Espagne, du Midi et l'eau de la Garonne. Mais l'agriculteur, producteur de vin, est désillusionné et demande que les vins étrangers payent, à l'entrée en France, des droits d'entrée compensant les charges qu'il acquitte lui-même pour produire son vin.

A Toulouse, j'ai entendu les mêmes plaintes et, dans ces contrées du Midi, si portées autrefois pour le régime économique de 1860, je n'ai plus rencontré que des adversaires des nouvelles mesures et des auxiliaires pour en réclamer l'abandon, en demandant l'égalité devant l'impôt entre le produit français et le produit étranger.

J'ai rencontré la même adhésion à Nantes, dans des réunions des plus nombreuses à Chartres, à Argentan, dans notre belle Normandie; en un mot, partout où j'ai pu répondre à l'appel qui m'était adressé, j'ai rencontré la même adhésion, le même concours. Et d'ailleurs, comment n'en serait-il pas ainsi ? C'est le contraire qui devrait nous surprendre.

Jetez les yeux sur les documents publiés chaque année par l'administration des douanes, vous y trouverez inscrits les chiffres qui nous donnent la preuve irréfutable de notre détresse.

Dans toutes les directions, l'exportation de nos produits décroit et c'est l'agriculture étrangère qui importe chez nous,

sans droits ou sous l'empire de droits dérisoires, tout ce que nous ne pouvons plus produire en concurrence avec elle.

C'est ainsi que nos sucres ne peuvent plus lutter sur les marchés de Londres et de l'étranger, contre les sucres allemands et autrichiens primés à la sortie.

Pendant que nos agriculteurs payent des impôts énormes pour produire les sucres, les étrangers reçoivent à la sortie une prime d'encouragement pour faciliter leur exportation.

Et les alcools? Nous ne produisons plus ou presque plus de bonnes eaux-de-vie de Cognac: ce sont les Allemands qui se chargent de nous alimenter de ces précieux produits, en les envoyant à des maisons françaises qui les transforment, et, toujours comme les sucres, après avoir bénéficié d'une prime à la sortie.

Vous parlerai-je des vins. Leur production en France subit, depuis quelques années, une cruelle et désastreuse épreuve ! Que fait-on pour encourager la lutte contre le phylloxera et pousser à planter de nouvelles espèces? On ne fait rien que des expériences de laboratoire. On laisse les terres, qui sont consacrées à la vigne, sous la charge de l'impôt, pendant qu'on accepte de l'étranger, de l'Espagne, de l'Italie, de la Sicile, de la Hongrie, des vins à un degré très élevé, facticement souvent, moyennant un chétif droit de 2 fr. par hectolitre et, comme avec un hectolitre on en fait deux, il se trouve que chaque bouteille ne paye que 1 centime de droit pour entrer en France, que si on avait accepté notre droit de 6 fr., l'Etat aurait perçu, en 1882, près de 40,000,000 fr. au lieu de 16,000,000 qu'il a encaissé. C'eût été 24,000,000 fr. de moins à demander à l'agriculture française.

Et croyez-vous, de bonne foi, que le consommateur ait eu à payer 2 centimes de plus par litre de vin consommé! Ne croyez-vous pas que ces 2 centimes sont restés dans la poche du débitant et que le consommateur n'en a point profité.

Il en eût été de même pour les alcools qui nous viennent

surtout d'Allemagne, ainsi que pour les sucres primés de Prusse et d'Autriche.

Si vous jetez les yeux sur ces tableaux dont je parle, vous voyez que, chaque année, l'introduction de ces produits du sol grandit. Est-ce que vous ne payez pas l'impôt sur le sol où vous nourrissez les bestiaux? Est-ce que vos employés, ouvriers, ne payent pas leur part des contributions indirectes et des prestations?

Et cependant quelles peines n'avons-nous pas eu de faire. taxer les bœufs à 14 fr. par tête.

Je ne vous parle pas des 295,000,000 fr. de laines qui entrent sans droits chaque année, de 16,000,000 de jute, de chanvre des Indes, de 15,000,000 de chanvre, de 75,000,000 de lin qui entrent chaque année sans payer un centime de droits à l'Etat et ruinent notre culture du lin et du chanvre.

En 1882, ajoutez à cela les

540,000,000 de céréales;

27,000,000 de légumes secs;

70,000,000 de fruits de table;

70,000,000 de viandes et graisses;

45,000,000 de beurres et fromages;

752,000,000

Voilà 752,000,000 de produits agricoles qui n'acquittent que des taxes insignifiantes et qui viennent prendre la place de nos produits, sans rien verser au Trésor, pendant que notre agriculture doit remplir sans cesse ce tonneau sans fond des Danaïdes, qu'on appelle le budget de l'Etat.

Et, pendant que nous ouvrons ainsi nos portes aux produits étrangers, le monde entier se ferme aux produits de notre industrie et de notre agriculture.

Voyez l'Europe!

Prospérité en Italie, en Allemagne, en Autriche, en Russie, en Espagne même, en Amérique, aux États-Unis, etc.

Et vous voulez continuer avec cette marche insensée !

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Et vous promettez chaque année des dégrèvements d'impôts, et vous ne tenez jamais vos promesses.

Et vos budgets grossissent chaque jour. Ils sont doublés depuis l'Empire.

Et les déficit croissent toujours, et vous prenez les caisses d'épargne auxquelles vous empruntez 1,200,000,000.

Et vous avez toujours le vide devant vous.

Il faudra encore emprunter; votre rente s'effondre, vos travaux s'arrêtent faute de ressources.

Jamais une pareille dépense de millions n'a été faite.

Et, sans parler politique, on peut bien dire qu'aux dépenses budgétaires votées pour 1882, il faut ajouter 218,000,000 de droits supplémentaires, annulations déduites.

Eh bien! qui acquitte, pour la plus grosse part, cet immense budget dont on ne peut retrouver un pareil exemple dans le monde entier?

Le budget total de la Grande-Bretagne, y compris les taxes locales, ne s'élève qu'au plus à 2,500,000,000. Le nôtre s'élèvera, pour 1882, à 4,600,000,000, et, probablement, à un chiffre plus élevé pour 1883, si on y ajoute les dépenses du Tonkin.

Je m'arrête, Messieurs. Je ne veux pas abuser plus longtemps de vos précieux moments, mais je conclus en disant que c'est l'agriculture qui supporte la plus grosse partie de ces immenses charges. C'est elle encore qui fournit le plus grand contingent de nos soldats pour maintenir notre prestige dans le monde, c'est elle enfin qui a toujours assuré la richesse, le bien-être et la puissance du pays. Aidons-la à maintenir la suprématie de la France.

SÉANCE DU 10 JUIN 1883

RAPPORT

SUR LES

COURSES DE CHEVAUX D'ÉVREUX EN 1881 ET 1882

PAR M. LE COMTE DE ROSTOLAN, MEMBRE DE LA SOCIÉTÉ

MESSIEURS,

Vous avez pu voir dans le Recueil des travaux de la Société d'agriculture de l'Eure l'intéressant rapport que vous lisait, à la séance du 26 juin 1880, le commandant d'Orvilliers sur la situation de la Société des courses à cette époque. Je viens aussi aujourd'hui, Messieurs, vous rendre compte des résultats obtenus depuis ce moment et vous parler de l'avenir de nos courses de l'Eure. 'Mais, avant tout, permettez-moi un pieux souvenir de reconnaissance pour notre regretté collègue et ami qui, pendant deux ans, a employé tout son dévoûment et son zèle intelligent à l'organisation et au développement de notre Société naissante. Pour ne pas abuser de vos moments, Messieurs, je passerai légèrement sur les deux journées de courses de l'année 1881 dont les résultats ont été en partie semblables à ceux de l'année précédente. Nous signalerons toutefois que cette année 1881 vit inaugurer les courses plates sur notre hippodrome, où les couleurs du comte de Lagrange, notre compatriote, restèrent victorieuses dans les deux épreuves de la deuxième journée.

Le Croos-country militaire offrit, il y a deux ans, une innovation dont on a conservé l'usage depuis, à savoir: d'admettre aux

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