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rôle dans la vie publique. Il a pu y ajouter, sous mes yeux, les dangers des devoirs patriotiques. Nous avons subi tous les deux. lui comme adjoint, moi comme premier conseiller municipal, les fatigues douloureuses de l'occupation prussienne, qui avait commencé par un combat sanglant. Son nom doit être inscrit sur la liste des hommes de science et de bien dont s'honore le département de l'Eure.

Voilà des pertes sérieuses, Messieurs, qu'il s'agit de combler. Si ma voix pouvait trouver quelque écho, je crierais de toutes mes forces à tous ceux qui, jeunes ou vieux, aiment dans le département les sciences, les lettres ou les arts, l'agriculture ou l'industrie, c'est-à-dire ceux qui aiment leur pays natal, je leur crierais Venez à nous; venez, non pas avec l'obole de votre cotisation, mais avec les bonnes volontés de votre pensée. On ne saurait croire à quel point, par la propagande de la presse et les nécessités du combat pour la vie, les esprits sont éveillés autour des questions politiques, scientifiques et sociales. Chacun peut apporter aujourd'hui sur un point donné un concours inattendu d'observations et de dévouement. Tout pénétré du désir de tourner les forces vives de notre pays vers un but patriotique, et de grouper dans une œuvre commune les efforts de ceux qui n'osent s'offrir, mais qui seraient heureux de se donner, je me demande, mes chers confrères, si nous ne pouvons pas reprendre un projet que nous avions jadis conçu et qui serait la contre-partie de cette histoire locale à laquelle, sous le nom d'Auguste Le Prévost, vous avez accordé votre patronage.

Vous souvenez-vous d'un concours que vous avez ouvert, dans le temps, sur la biographie des hommes illustres du département de l'Eure? Chassant, le savant bibliothécaire, en dressa le catalogue, recueillit quelques notes et reçut la récompense d'un premier effort. Pour atteindre mon but, qui serait d'honorer les hommes illustres de notre pays, il conviendrait de distribuer la tâche à tous ceux qui ont le culte du passé, la passion du présent, le souci de l'avenir. Cela est peut-être un

rève. Si c'est un rêve, il est agréable, et rien ne nous empêchera de causer d'un rêve, si vous le voulez bien.

Un effort pour rentrer dans le concours des études historiques et archéologiques nous est proposé par la généreuse initiative et l'affectueux souvenir de M. de Blosseville. En sou venir du concours célèbre que la Société de l'Eure avait ouvert sur la situation de l'agriculture et des classes agricoles au moyen âge, concours qu'illustra notre confrère et ancien président M. Léopold Delisle, M. de Blosseville a légué à la Société une somme de 600 francs pour lui permettre de décerner un prix au meilleur mémoire sur l'histoire des confréries de charité dans le département de l'Eure. Le sujet est intéressant et méritait d'être traité, au moment où ces confréries paraissent devoir tomber en décadence sous l'influence des mœurs nouvelles. Votre conseil d'administration fixera les conditions du concours.

L'histoire des institutions et des monuments dont le souvenir ou le spectacle survit à l'action du temps n'a pas cessé d'occuper les esprits curieux qui ont le bonheur d'avoir des loisirs tranquilles; mais les changements profonds que les événements ont fait subir à la fortune des particuliers depuis quelques années et aux habitudes de toutes les classes de la société française ont donné le premier rang à l'étude des intérêts agricoles et industriels. L'agriculture, dont le sort est intimement lié à la propriété foncière, est en proie à une crise dont la gravité n'a échappé à personne et dont le soulagement, si ce n'est le remède, apparaît dans l'établissement d'une agriculture scientifique. De là les syndicats, les champs de démonstration et d'expériences, les stations agronomiques, et tout ce mouvement qui emporte l'administration et les sociétés d'agriculture. J'ose dire avec assurance que la Société d'agriculture de l'Eure a joué dans ces circonstances le rôle qui lui convenait, et qu'elle l'a joué avec tact et fermeté.

Quand j'ai travaillé avec mes amis du Vexin à établir un syndicat, je me suis appliqué à le tenir absolument en dehors

de la section de la Société qui comprend l'arrondissement des Andelys.

J'ai marqué très nettement dès l'abord les limites qui séparent et les liens qui unissent les syndicats, dont le caractère commercial vise des intérêts particuliers, et les comices dont le caractère scientifique et populaire vise l'intérêt général. C'est avec une très grande satisfaction que j'ai vu les sections de Pont-Audemer et de Bernay suivre cette pensée et mettre notre Société au-dessus, mais pas dans les syndicats. Rien ne justifie mieux, ce me semble, cette commune résolution que la concurrence qui s'est établie entre divers syndicats dans l'arrondissement d'Evreux. Nous avons vu d'abord le syndicat de Pacy se former sous les auspices de M. Bonjean, auquel je dois les premiers honneurs à cause de la date de sa fondation; puis, le syndicat de Verneuil, et tout récemment deux syndicats à Evreux, dont les attaches et les allures sont tout à fait différentes. Il s'en créera peut-être un troisième, ou tous ces syndicats se réuniront en un seul. Je n'en sais rien, et le temps dira le dernier mot.

Quoi qu'il arrive, les syndicats peuvent avoir bien des formes comme bien des objets; mais rien ne peut changer le caractère que leur donne la loi et qui est de réunir les mêmes intérêts dans le même but. Il peut se former des syndicats agricoles qui revêtent en apparence des formes administratives par le concours plus ou moins apparent que tel ou tel fonctionnaire lui prête à ses risques et périls; mais ces syndicats n'en sont pas pour cela des institutions d'ordre public, comme notre Société. Ce sont des associations privées, absolument privées, et ayant le plus souvent pour objet des opérations commerciales et spéciales, des affaires d'argent. Il vous apparaît maintenant comme à moi que nous ne devions pas associer notre fortune à la fortune des syndicats; qu'en favorisant de tout notre pouvoir la fondation de ces utiles associations, nous ne pouvons en assumer la direction et la responsabilité, et que nous avons bien fait de maintenir le caractère élevé,

indépendant, général et surtout parfaitement désintéressé de notre mission.

Il n'en est pas de même des champs d'expériences et de démonstration, qui peuvent être aussi bien établis et surveillés par des sociétés d'agriculture que par des syndicats et des particuliers. C'est une vogue aujourd'hui, et j'entends beaucoup de bons esprits répéter que de ces études sur le terrain sortira la rénovation de l'agriculture. Ne nous faisons pas d'illusions, au moins sur les effets immédiats, et préparonsnous à continuer les expériences quand la vogue sera passée. En agriculture, rien ne se fait qu'avec du temps, et rien n'est plus aisé que de se décourager. Un premier résultat n'est jamais la vérité. Une expérience doit être renouvelée plusieurs fois pour donner une leçon profitable. On le répètera sous peu. Les champs d'expériences ne sont pas, d'ailleurs, une découverte. La Société d'agriculture de la Seine-Inférieure, prenant exemple sur la pratique de la Belgique, avait établi des champs d'expériences avant que la circulaire du 4 octobre 1885 fût venue en recommander la création. Il convient de rendre cet honneur à une société notre voisine et notre amie. Il convient de montrer que nous sommes très heureux de reconnaître son initiative, et que nous ferons tous nos efforts pour marcher sur ses traces, parcourir la voie des améliorations agricoles par la comparaison et la constatation des faits, et pour accorder libéralement nos encouragements à ceux qui cherchent à s'instruire en instruisant les autres. Il nous est agréable de noter ici les essais déjà si bien organisés par nos confrères et amis MM. Emile Hébert, Power, de Tourville dans l'arrondissement de Pont-Audemer, de signaler également les expériences faites à Orgeville par M. Bonjean et au Neubourg sur les champs de la nouvelle école d'agriculture. Reste la question si délicate de l'établissement d'une station agronomique. La Société, à diverses reprises et avec raison, a exprimé le vœu que ce projet pût être exécuté. Je regarde, quant à moi, la station agronomique comme un des moyen

les plus efficaces pour engager les esprits dans les procédés de l'agriculture scientifique. Mais on ne peut tout faire à la fois, et les voies et moyens sont bien dignes de réflexion. Le conseil général s'est entretenu de cette question, du principe même de la station agronomique, du lieu où serait établie cette station, Evreux ou le Neubourg, de la concurrence des stations voisines, et notamment de celle de Rouen, et des facilités qu'offrent aux cultivateurs les laboratoires de la Société des agriculteurs de l'Institut agronomique et de quelques chimistes de premier ordre. Tout ce débat viendra nécessairement à la première session du conseil général.

Il ne faut pas croire que les nouveaux moyens d'action que je viens de passer en revue si rapidement puissent nous faire oublier la vieille méthode des concours. Au fond, il s'agit toujours de se servir de la publicité et de frapper les intelligences par les regards; et, quoi qu'on en pense, les concours auront toujours de beaux jours de soleil et de fête. Autrefois, on faisait des concours de labourage, parce qu'on ne savait pas encore bien travailler la terre; aujourd'hui, on fait des concours d'instruments, parce que la main-d'œuvre est chère, et de moissonneuses parce qu'il faut récolter avec rapidité et économie. Notre concours de moissonneuses à Evreux a remporté, malgré le mauvais temps, tout le succès que nous pouvions souhaiter. Les autres sections n'ont pas organisé, cette année, leurs réunions ordinaires : que pouvait-on tenter quelques semaines après le concours régional?

Le concours régional, je ne vous en parlerai pas. Vous y avez assisté ; vous y avez pris part. Vous avez offert et donné, sans marchander, votre appui dans la mesure où il paraissait utile que vous deviez le donner. L'exposition d'horticulture vous a été abandonnée; vous l'avez prise à la satisfaction générale, et le public en a récompensé les organisateurs par des témoignages répétés de sa gratitude. Si nous n'avons pas tenu dans le concours régional de cette année le même rang que dans les autres concours régionaux, ne nous en plaignons

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