ne fait pas bon prendre ni retenir tout ce que de force on pourroit bien avoir. » Quand messire Roger d'Espagne eut parlé et proposé ce que vous avez ouï, l'évêque de Noyon et le sire de La Rivière regardèrent l'un sur l'autre et puis parla premièrement l'évêque et dit: « Messire Roger, nous véons et savons assez que à ce que vous avez dit et proposé vous ne voulez que tout bien; mais notre commission ne s'étend pas si avant, comme pour quitter et pardonner ce marché que le roi et le comte de Foix ont fait; mais pour l'amour de vous, et pour adresser les besognes et que toutes parties se contentent, nous mettrons cette chose en souffrance, et vous prendrez la peine et le travail d'aller en France devers le roi et son conseil. Si leur remontrerez ce que bon vous semblera; et si vous pouvez tant ni si bien exploiter par votre promotion et traité, que l'héritage de la comté de Foix demeure au vicomte de Chastillon auquel elle doit succéder, si comme vous dites, nous serons tous joyeux, car nous ne voulons nullui (personne) déshériter. »— Messeigneurs, répondit messire Roger, vous m'avez contenté en ce disant. Or vous, séjournez et tenezvous aises en la cité de Toulouse, car vos frais et dépens seront payés de l'argent et finance qui gît au châtel d'Orthez. » Ainsi exploita sur deux jours qu'il fut à Toulouse messire Roger d'Espagne devers les commissaires du roi. On n'y pouvoit envoyer meilleur procureur de lui. ་ Au tiers jour prit congé aux dessus dits messire Roger d'Espagne et leur dit: « Messeigneurs, je crois bien que pour adresser ces besognes, puisque je les ai entamées, il me faudra chevaucher en France, et ne sçais pas en quel état je trouverai le roi ni la cour; si je demeure un petit outre raison, ne vous vueillez pas ennuyer, car ce ne sera pas ma coulpede bref exploiter si je puis, mais la coulpe de ceux auxquels j'aurai à faire, et souvent je vous envoierai lettres et messagers.»-« Allez à Dieu, répondirent les seigneurs, messire Roger, nous le savons bien. » Ainsi tous contents les parties se départirent l'un de l'autre; ils demeurèrent à Toulouse, et messire Roger d'Espagne retourna à Saint Gaudens devers levicomte de Chastillon, auquel il recorda toutes les paroles dessus dites. Le vicomte fut moult réjoui de ces nouvelles et dit: « Messire Roger, beau cousin, je me confie grandement en vous, et la chose me touche trop grandement, car c'est pour l'héritage dont je suis venu et issu de lignée et dont je porte les armes. Je ne saurois qui envoyer en France fors que vous, ni qui sçut devant le roi,ses oncles ni leurs consaulx (conseillers), proposer cette matière fors que vous. Si vous prie que pour l'amour de moi et pour le bien desservir (mériter) au temps à venir, vous vous veuillez charger de ce voyage. >> Messire Roger répondit et dit: « Je savois bienque vous m'en chargeriez; et pour l'amour de vous et par lignage je le ferai. » Depuis ne demeura pas long terme que messire Roger d'Espagne s'ordonna de tous points pour aller en France, sur la forme et état que vous avez ouï; et prit le chemin de Rhodez pour abréger sa voie, car bonnes trèves étoient entre ́les François et les Anglois; autrement le chemin qu'il prit ne lui eut point été bien profitable, car sur les frontières de Rouergue, de Quercy et de Limousin, en ces jours il y avoit encore beaucoup de forts qui faisoient guerre d'Anglois. Nous lairrons un petit à parler de messire Roger d'Espagne, qui chemine ce à effort qu'il peut, et parlerons du roi de France et du duc de Bretagne. FIN DU DOUXIÈME VOLUME. DES CHAPITRES CONTENUS DANS CE VOLUME. CHAPITRE PREMIER. Ci commence le quare livre de maître Jean Froissart, qui parle des guerres et nobles faits d'armes et ad- CHAP. II. Comment le seigueur de Château-Morant, lequel le comte de Saint-Pol avoit laissé en Angleterre, retourua en France de- lez le roi et son conseil et montra la chartre de la trève qui étoit accordée et scellée du roi Richard et de ses oncles, laquelle devoit durer trois ans par terre et par mer..... CHAP. III. Du mariage du roi Louis, fils du duc d'Anjou, à la fille du roi Piètre d'Aragon et comment il alla avec la reine de Naples sa mère en Avignon vor le pape Clément. CHAP. IV. Comment le jeune roi de France eut volonté d'aller vi- siter les lointaines marches de son royaume et comment il alla CHAP. V. Comment messire Pierre de Courtenay vint en France pour faire armes à l'encontre messire Guy de la Trimouille. Com- ment le sire de Clary le reconvoya, et pour quelle achoison il fit armes à lui ès marches de Calais... CHAP. VI. Comment les joûtes de Saint Inghelbert furent empri es et les faits d'armes par messire Regnaut de Roye, messire Bou- cicaut le jeune et le sire de Saint Py.... CHAP. VII. De l'accusation faite au roi du peuple de Languedoc en la ville de Bézières sur un nommé Betisac, trésorier au duc de Berry, pour les grandes extorsions qu'il avoit faites au peuple, et de sa confession, et comme il fut cruellement justicié en la dite ... CHAP. VIII. Comment le roi de France lui étant à Toulouse manda CHAP. X. Du trépas du pape Urbain de Rome que on disoit anti- .... . 123 CHAP. XI. De la rendation et prise du fort châtel de Mont Ventadour en Limousin que souloit tenir Geoffroy Tête-Noire. . . . . 103 CHAP. XII. Des armes de Saint Inghelbert et comment les trois chevaliers dessus nommés se maintinrent trente jours à l'encontre de tous venants des pays d'Angleterre et d'ailleurs à chacun trois lances.. CHAP. XIII. De l'entreprise et du voyage des chevaliers de France et d'Angleterre et du duc de Bourbon qui fut ch f de l'armée à la requête des Gennevois, pour aller en Barbarie assiéger la forte ville d'Afrique. CHAP. XIV. De un capitaine robeur, nommé Aimerigot Marcel, ... ..... qui tenoit un fort châtel ès marches de Rouergue, nommé la Roche de Vendais et comme il fut assiégé du vicomte de Meaux, et la prise du dit châtel et comment depuis le dit Aimerigot fut pris æ.. 174 et mené à Paris. . . . . 184 CHAP. XV. Comment les seigneurs chrétiens et génois, étant en l'île de Commères à l'ancre, se mirent hors pour aller mettre siége devant la ville d'Afrique en Barbarie et comme ils s'y maintinrent. ... .... CHAP. XVI. De une noble fête et joûtes qui furent faites en la ville 240 284 299 ..... CHAP. XVIII. Des chevaliers Auglois qui frrent envoyés à Paris devers le roi de France de par le roi d'Angleterre et ses oncles sur forme de paix. 321 CHAP. XIX. De la mort du roi Jean de Castille et du couronnement du roi Henry son fi's.... 322 CHAP. XX. De l'armée du jeune comte Jean d'Armagnac et du voyage qu'il fit en Lombardie et comme il mourut au siége devant la ville d'Alexandrie. . . . 324 |