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assurer la tranquillité, on choisit une ville neutre, peu éloignée du Dauphiné, et de laquelle même un des membres de l'assemblée, l'évêque de Lausanne était souverain.

Il est très-intéressant de suivre en détail toutes les recherches que fait le célèbre antiquaire pour rendre sa conjecture vraisemblable. On ne peut déployer plus d'érudition pour soutenir une thèse, que nous savons maintenant, les pièces en main, être fausse. Plusieurs difficultés cependant, que M. Secousse n'avait pu complétement lever, lui faisaient désirer que l'Académie ne fit aucun usage de son mémoire; elle crut devoir toutefois le publier comme un modèle de procéder dans de semblables discussions, et un exemple des obstacles qu'éprouvent souvent ceux qui entreprennent d'éclaircir les points obscurs de la critique et de l'histoire.

En 1755, un des bibliothécaires de Genève (M. Léon. Baulacre) en feuilletant un manuscrit sorti des archives qu'on lui avait donné à examiner, petit in-folio d'environ 100 pages, contenant les registres des assemblées des monnoyers du Saint Empire Romain, trouva que l'assemblée des députés de ces monnoyers se nommait Parlement général; en se rappelant le titre du sceau: sigillum magnum parlamenti generalis constituti, il en conclut avec justesse, que ce sceau était celui de ces assemblées, et il appuya son opinion de quelques développements peu étendus et quelquefois peu exacts, dans une petite notice qu'il inséra dans un journal savant (1).

Dans ces derniers temps, M. l'archiviste Sordet, qui a rendu de si grands services à nos archives, y a retrouvé deux actes de ces assemblées, l'une tenue à Orange en 1485, l'autre à Turin en 1503, où se trouve l'empreinte du sceau tel qu'il a été décrit, à l'exception que les armes de Montfaucon et l'inscription Losanna n'en font point partie. Nous expliquerons plus tard quand et pourquoi elles y furent mises.

(1) Nouvelle Bibliothèque Germanique, ou Histoire littéraire de l'Allemagne, de la Suisse, etc., par M. Samuel Formey. Avril, mai, juin, 1755; p. 413, t. xvI.

Nous nous proposons dans ce travail de rechercher ce que c'était que cette institution des monnoyers du Saint Empire Romain; nous le ferons d'après les registres de leurs assemblées et les documents dont nous avons pu nous aider. La bibliothèque publique de Genève possède ces registres; on en peut voir la description dans l'ouvrage de M. Senebier (1). Disons, en deux mots, qu'ils commencent par une copie des règlements pour la tenue des Parlements généraux, règlements faits dans le grand parlement tenu à Valence en 1392. Mais le premier procès-verbal d'un parlement général est seulement dans notre livre, de l'an 1469; il existait un premier registre, qui étant pesant à pourter et compli d'écriture, comme dit notre manuscrit, demeura dans la garde des ouvriers monnoyers de Romans (2). Nous regrettons vivement de n'avoir pas pu avoir de renseignements positifs sur ce premier registre; quelques recherches que nous avons faites à ce sujet sont restées sans résultat.

Les monnoyers du Saint Empire Romain étaient des officiers des monnaies qui avaient été nommés par les empereurs, ou par les princes, barons, prélats, qui tenaient de l'Empire le droit régalien de battre monnaie. On les distinguait des ouvriers et monnoyers du serment de France, de Brabant, de Toulouse," d'Espagne, etc., qui prêtaient serment dans chacun de ces pays et qui avaient été créés par les souverains de ces contrées.

(1) Catalogue raisonné des manuscrits de la bibliothèque de Genève; 1779, p. 382.

(2) Item volons et ordonnons que le livre vieil de parlement soit gardes et mis en garde es mains de noz compagnons de Romans, pour le garder et conserver pour le trouver toutes foys quil sera necessaire, en commandant a iceux compagnons de Romans quilz layent a mectre en lieu sur quil ne se puisse bruler ne rober. Et ce sur la poyne de X marcs dargent appliquer au parlement prouchain. Item volons et ordonnons et enjoignons aux prevosts et compagnons de la monnoie de Romans que se aucun compagnon dudit serment avait affaire daucun chappitre dudit livre pour soi en aydier que iceulx compagnons de Romans ly aient a monstre es leurs mains ledit livre et chappitre que lon leur demandera. Et ce sur la poyne d'ung marc dargent appliquer au prouchain parlement.

L'on a dit (1), mais sans preuve suffisante, que ces monnoyers du Saint Empire avaient été introduits en France par Charlemagne et par les autres rois de France qui ont été empereurs.

Le premier acte où je trouve qu'il en soit fait mention est une ordonnance de Charles IV dit Le Bel (25 septembre 1327), portant règlement entre les maîtres, les ouvriers et les monnoyers des monnaies du roi (2). L'article 24 dit expressément que si les ouvriers du serment de France ne peuvent garnir les monnaies d'autant d'hommes que l'on en aurait besoin, on en pourra appeler de quelque autre lieu et de quelque autre serment, et qu'ils travailleront à part.

Le 28 juillet 1337, Humbert, dauphin de Viennois, confirma aux monnoyers et ouvriers du Saint Empire, les priviléges que leur avaient accordés Humbert, son aïeul (1281 - 1301), et Guigues, son frère (1327-1333) (3). Ces priviléges étaient considérables; ils consistaient à être, dans tout le Dauphiné, exempts de tailles, chevauchées, péage, guet et autres impôts et corvées, à être jugés par leurs prévôts, hormis trois cas, ceux d'homicide, de rapt et d'incendie, et de pouvoir même appeler de leurs prévôts, au garde de la monnaie du Dauphin; de pouvoir récuser tout autre juge ecclésiastique ou séculier, de ne point être tenus de répondre, et s'ils avaient répondu, que la procédure ne pût être invoquée contre eux sous aucun point. Si une personne étrangère à la profession s'était portée injustement envers l'un d'eux ou de leur famille à des voies de fait, et que cela fut constaté, l'agresseur devait venir devant eux nu en

(1) Ménage. Remarques sur la vie de Guillaume-Ménage, p. 285. Paris, 1675.

Dictionnaire étymologique de la langue française, 1750, in-folio, t. 2. article serment.

(2) Ordonnances des rois de France de la troisième race, in-folio, t. 1, 1723, p. 806.

(3) Ordonnances, etc., 1745; t. 7, p. 378.- Voir cet acte à la fin du mémoire. Preuve 2.

chemise et chausses (1), demander miséricorde du délit qu'il avait commis. Ces priviléges leur étaient octroyés, qu'ils travaillassent ou ne travaillassent pas, qu'ils demeurassent à quelque endroit fixe ou qu'ils voyageassent dans tout le Dauphiné; ils cessaient du moment où le monnoyer quittait une monnaie du Dauphiné pour une autre étrangère. Ces immunités furent confirmées par Henri de Villars, archevêque et comte de Lyon, en sa qualité de lieutenant du prince Charles, fils aîné du roi de France, dauphin du Viennois, le dernier octobre 1352. Elles le furent de nouveau par Charles VI, en cette même qualité de dauphin, en octobre 1390.

Nous avons vu que Charles le Bel fit venir en France des monnoyers étrangers, Philippe VI (2), dit de Valois, dans une ordonnance touchant les monnaies, et qui contient un règlement entre les ouvriers et monnoyers, tant du serment de France et de Toulouse que du serment de l'Empire et de l'Espagne, permit à Aymeri de la Coste d'amener les ouvriers de 10 fournaises, pour procéder à une fabrication de monnaies, en déclarant que l'ouvrage fini, et à une époque déterminée, lesdits ouvriers seraient obligés de se retirer des monnaies de France, et que l'on n'en ferait pas revenir tant que les ouvriers du serment de France pourraient fournir un nombre suffisant de travailleurs pour vre des dites monnaies. Ce qui fait connaître que dans ces temps là, les ouvriers des monnaies étaient rares, et que pour cette raison les rois de France étaient dans la nécessité d'en faire venir des pays étrangers, ou comme on parlait alors, des monnaies des

(1) Nudus cum camisia et brachis.

l'œeu

Une disposition toute semblable se trouve déjà dans des lettres de Philippe-Auguste (novembre 1211) en faveur des monnoyers de France. Art. 3. Item volui et concessi quod si aliquis extraneus manus injecit in aliquem eorum operariorum injuste, quod idem injuriator venire teneatur totus nudus ad misericordiam eorumdem habendam, supra,delicto perpetrato. On voit qu'en 1337 la pudeur avait fait quelques progrès. Ordonnances... 1723, t. 1, p. 30.

(2) Ordonnances, etc., t. 2, 1729; p. 139.

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autres serments. Il n'est donc point probable que les monnoyers du Saint Empire eussent le droit d'exercer leur art en France depuis Charlemagne, et que des princes étrangers, ou vassaux de la couronne, eussent le privilége d'avoir des ouvriers dans les monnaies du royaume. Le contraire ressort même de l'article cité plus haut.

Le même roi Philippe (1), au mois de Février 1343, pressé par la nécessité et le défaut de monnoyers du serment de France, manda des ouvriers et monnoyers du serment de l'Empire, tant du roi Robert (2) comme de plusieurs autres princes et barons qui avaient pouvoir de faire monnaie, pour venir garnir les monnaies de France et y travailler; et comme ils avaient servi déjà depuis longtemps et loyalement, il leur accorda des priviléges fort semblables à ceux que le dauphin Humbert leur avait concédés dans ses terres. Il les exempta, eux, leurs femmes et leurs familles, des tailles, péages, impôts de cinquième et cinquantième, chevauchées, et généralement de toutes subventions, exactions, maltôtes, impositions, servitudes et nouveautés quelles quelles fussent, et comme qu'elles fussent appelées. Il les laissa à la juridiction de leurs prévôts ou des maîtres des monnaies de France, excepté dans les cas de meurtre, de larcin ou de rapt. Il les prit, eux, leurs femmes, familles, corps et biens sous sa spéciale sauvegarde.

En 1350, le roi Jean et Philippe de Valois (3), accordèrent aux ouvriers des monnaies du serment de l'Empire, tant à ceux de la terre du roi Robert (d'illustre mémoire) que de celles des autres princes et barons de l'Empire, tous les priviléges octroyés aux ouvriers du serment de France, contenus dans des lettres de Philippe de Valois de 1337. Ces priviléges étaient ceux que le même roi Philippe avait accordés aux ouvriers de l'Empire

(1) Ordonnances, etc., t. 2, p. 197.

(2) Robert dit le Sage et le Bon roi de Naples, comte de Provence, de 1309 à 1343.

(3) Ordonnances, t. 2, p. 417.

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