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DE

L'INSTITUT NATIONAL DE FRANCE,

ACADÉMIE DES INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES.

L'ÉGLISE

SAINT-MARTIN DE TOURS,

ÉTUDE CRITIQUE SUR L'HISTOIRE ET LA FORME DE CE MONUMENT
DU V AU XI SIÈCLE,

PAR

R. DE LASTEYRIE.

2 et 9 janvier 1891. Deuxième lecture:

Si la France est le pays le plus riche de l'Europe en églises Première lecture : remarquables du xire et du xe siècle, elle ne possède en revanche pour toute la période antérieure à l'an mille que de rares épaves des monuments religieux qui ont pu couvrir son

territoire.

Ces débris, presque toujours informes, presque toujours défigurés par les modifications de tout genre que les siècles postérieurs leur ont fait subir, sont d'une interprétation si difficile, que la plupart des historiens de notre art national ont renoncé à les classer d'une façon rigoureuse. Nous sommes ainsi, faute de points de repère, dans l'ignorance à peu près complète de ce que l'art de bâtir a pu produire en Gaule, entre

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23 janvier et 6 février 1891.

IMPRIMERAE NATIONALE.

la chute de l'empire romain et l'avènement de la dynastie capé

tienne.

On comprend dès lors l'importance capitale que doivent avoir toutes les découvertes qui peuvent jeter quelque lumière sur une question aussi obscure, surtout quand ces découvertes portent sur un de ces monuments fameux qui ont dû servir de modèles à beaucoup d'autres.

La ville de Tours a eu récemment la bonne fortune de fournir aux érudits une de ces occasions trop rares d'étudier les restes d'un dès sanctuaires les plus renommés de la Gaule.

Des fouilles méthodiquement conduites ont mis à nu les substructions d'une grande partie du chevet de l'ancienne église Saint-Martin; et, sous l'édifice gothique détruit pendant la Révolution, on a cru retrouver les substructions de toutes les églises qui se sont succédé sur le même emplacement depuis le ve siècle.

Cette découverte était d'autant plus faite pour exciter à un haut degré l'intérêt des archéologues que la forme de l'antique basilique bâtie en 470 par saint Perpet sur le tombeau de saint Martin a servi de thème à des hypothèses très diverses.

Charles Lenormant et Albert Lenoir (") ont cherché jadis à démontrer que cette église était en forme de rotonde comme le Saint-Sépulcre. De son côté, un érudit allemand, dont l'imagination s'est exercée avec plus ou moins de succès sur la plupart des monuments primitifs des chrétiens, Hubsch (2), a voulu en faire un temple en forme de croix, dans la donnée de ces

(1) Éclaircissements sur la restitution de l'église merovingienne de Saint-Martin de Tours, à la fin du tome I de l'édition de Grégoire de Tours donnée par la Société de l'histoire de France.

(2) Hubsch, Monuments de l'architecture chrétienne depuis Constantin jusqu'à Charlemagne.. traduit de l'allemand l'abbé Guerber (Paris, Morel, 1866, in-fol.), pl. XLVIII, fig. 6 et 7.

par

églises des bords du Rhin dont Sainte-Marie du Capitole, à Cologne, est une des expressions les plus complètes.

Enfin, il y a une vingtaine d'années, un des maîtres de l'érudition française, celui qui partage avec Caumont et Violletle-Duc la gloire d'avoir posé les vrais principes de notre archéologie nationale, Jules Quicherat, a proposé une autre restitution de ce monument célèbre. Ses conclusions, accueillies avec faveur à l'étranger comme en France, ont été acceptées de confiance par tous ceux qui ont écrit depuis lors sur l'église Saint-Martin (2).

Bien plus, les auteurs qui ont décrit les fouilles que je rappelais plus haut ont cru y trouver la confirmation d'une partie des faits avancés par Quicherat, si bien que, malgré les conséquences vraiment extraordinaires auxquelles ils se sont vus logiquement entraînés, tout le monde croit aujourd'hui qu'on a retrouvé la basilique bâtie par saint Perpet sur le tombeau de saint Martin, et qu'elle avait, dès le ve siècle, un plan dont on ne connaissait jusqu'ici aucun exemple antérieur au xo siècle

environ.

Cette croyance, que deux auteurs français, M. Ratel, ingénieur à Tours, et M Chevalier, un des prêtres les plus érudits du diocèse de Tours, ont habilement soutenue dans plusieurs longs mémoires (3), est en train de se répandre. Déjà elle a

(1) Restitution de la basilique de SaintMartin de Tours, dans la Revue archéclogique (nouvelle série, t. XIX et XX, année 1869); tiré à part (Paris, Didier, 1869, in-8°, 45 pages); et réimprimé dans ses Mélanges d'archéologie et d'histoire réunis par R. de Lasteyrie, p. 30-73. En citant ce travail, je renverrai toujours à l'édition des Mélanges en même temps qu'au tirage

à part.

(2) Voir Courajod, Un monument de l'architecture française du v siècle, dans la Gazette des beaux-arts, t. XXIX (1871), p. 231; Lecoy de la Marche, Saint-Martin (2 édit., 1890), p. 470; Gonze, L'art gothique, p. 26.

(3) Stanislas Ratel, Les basiliques de SaintMartin, à Tours (Bruxelles, Vromant, 1886, in-8°, 72 pages et 9 planches); M C. Chevalier, Les fouilles de Saint-Mar

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