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trouver quelques exceptions à cette règle, et là on remarquera que, partout où elle n'est pas observée, c'est le nombre des fenêtres qui dépasse celui des travées et non l'inverse, comme Quicherat l'a supposé.

Ai-je maintenant besoin d'insister sur l'étrangeté de ces deux couloirs qui viennent couper si malencontreusement la ligne des has côtés ? Quicherat a reconnu lui-même combien pareille disposition aurait été insolite : « Si l'on me demandait, dit-il, de la justifier par un exemple, je ne le pourrais pas (2). » Comment croire, ajouterai-je, qu'un architecte ait pu avoir l'idée d'intercepter ainsi, sans aucune utilité appréciable, toute une moitié de l'église? Ce détail seul n'aurait-il pas dû mettre en garde contre une restitution qu'on a acceptée trop facilement.

Les hypothèses proposées par Quicherat pour la nef de l'église Saint-Martin soulèveraient encore d'autres objections, mais j'en ai assez dit pour prouver combien elles étaient hasardées, et l'on ne sera guère étonné, je pense, si j'entreprends maintenant de montrer que ce qu'il a écrit du sanctuaire est, sur plusieurs points, moins acceptable encore.

« Si nous n'avions pour nous guider, dit Quicherat, que la description contenue dans le second livre de l'Histoire des Francs, nous rétablirions le sanctuaire sur le modèle de certaines basiliques de l'Italie, où cette partie présente des dimensions exceptionnelles, Saint-Paul-hors-les-Murs, par exemple. Nous supposerions un transept mesurant quarante-cinq pieds du couchant au levant, plus une abside de quinze pieds de rayon, située au fond, dans l'axe de la grande nef, et nous arriverions

(1) Par exemple dans les églises de Hass, de Babouda, de Rouheia, de DeirSeta, de Baqousa, de Qalb-Louzeh, de

Tourmanin (Vogüé, L'architecture du ro au
Vr siècle dans la Syrie centrale).

(3) Restitution, p. 12; Mélanges, p. 4o.

ainsi à la longueur de soixante pieds énoncée par Grégoire de Tours (1).

Je ne sais dans quel écrit Quicherat a vu que l'altarium de l'église bâtie par saint Perpet avait soixante pieds de long; ou plutôt, je le devine, car évidemment il a cru avoir trouvé dans l'Histoire des Francs ce qui n'était qu'une hypothèse gratuite de sa part, comme il l'avait formellement reconnu au début de sa discussion (2), en proposant d'attribuer à la nef cent pieds sur le total de cent soixante que Grégoire indique pour tout l'édifice.

Mais je n'insiste pas, car Quicherat lui-même a promptement abandonné cette hypothèse.

Une des inscriptions qui ornaient la basilique de saint Perpet porte la rubrique : Item primi in turre a parte orientis (3). Il y avait donc, à côté ou au-dessus de l'église Saint-Martin, une tour. Quicherat, embarrassé pour loger dans le sanctuaire les trentedeux fenêtres que mentionne Grégoire, a fort ingénieusement supposé que cette tour était placée sur le transept et qu'elle formait lanterne au-dessus de l'autel ("). Cette hypothèse a le grand avantage de fournir une explication plausible pour ce grand nombre de fenêtres que l'on voyait dans l'altarium.

Je ne suis pourtant pas bien certain que Quicherat ait mis cette tour à sa vraie place. Il a pensé que les mots Item primi in turre a parte orientis indiquaient qu'elle était à l'orient de

(1) Restitution, p. 13; Mélanges, p. 41 et 42.

(2) Comme il résulte de la description

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que le sanctuaire était très vaste, je lui donnerai 60 pieds en priant le lecteur de m'accorder a priori cette dimension qui

sera justifiée plus tard. » (Restitution, p. 4; Mélanges, p. 33.)

(3) Le Blant, Inscript. chrét. de la Gaule, t. I, p. 231.

(4) Restitution, p. 13 et suiv.; Mélanges, p. 42 et suiv.

l'église, par conséquent auprès de l'abside, et, «comme il résulte, dit-il, d'un texte formel que le fond de l'abside de SaintMartin était dégagé à l'extérieur),» il en a conclu que la tour ne pouvait être que sur le carré du transept.

Mais la rubrique précitée peut aussi être interprétée autrement, et l'on peut dire que les mots a parte orientis indiquent, non la place de la tour par rapport à l'église, mais la place de l'inscription par rapport à la tour. Celle-ci pouvait donc être à l'entrée de l'église. Cette interprétation trouve sa confirmation dans les expressions : INGREDIENS TEMPLVM..... INTRATVRI AVLAM.....TEMPLA DEI PETITVRVS, etc., qu'on remarque dans ces vers. Elles prouvent, ce me semble, que les inscriptions placées sur la tour s'adressaient aux fidèles qui allaient entrer dans l'église. Elles deviennent peu explicables s'il fallait s'avancer jusqu'au transept pour les lire.

Un autre argument à l'appui de cette manière de voir a été donné par Quicherat lui-même : « Il est visible, dit-il, que les inscriptions ont été copiées dans l'ordre où elles se présentaient aux visiteurs entrant dans la basilique par la nef(2). » Or les trois inscriptions de la tour précédant dans tous les manuscrits celle de la porte d'entrée, j'en conclus que cette tour était placée en avant de la basilique.

D'ailleurs, si nous ne connaissons jusqu'ici aucun exemple bien certain de tour située sur le carré du transept, dans une église du va siècle (3), nous savons qu'il y avait dès cette époque

(1) Restitution, p. 14; Mélanges, p. 43. (2) Restitution, p. 17; Mélanges, p. 45. (3) Quicherat n'a produit que deux textes à l'appui de son hypothèse. Le premier (Grég. de Tours, De gloria mart., c. 92) ne prouve rien. Il parle seulement d'une machina dans l'église Saint-Félix de TOME XXXIV, 1o partie.

Narbonne, dont le roi Alaric aurait fait déposer un étage, «deponatur una structura machinae ». Or le texte ne dit pas la place occupée par cette machina. Le second (Fortunat, Carmina, 1. III, n° 5) paraît plus concluant. Il nous apprend qu'une tour s'élevait au milieu de la cathé

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IMPRIMERIE NATIONALE,

des tours sur la façade ou à côté de la façade de certaines basiliques. M. de Rossi l'a établi récemment avec cette précision qu'il apporte dans ses moindres écrits). Il en donne pour preuve la mosaïque de l'arc triomphal de Sainte-Marie-Majeure, qui remonte au ve siècle et dans laquelle on voit une basilique avec une tour à côté de la façade. Il cite encore les portes de bois de Sainte-Sabine, qui datent probablement de l'époque même où fut construite cette église, commencée sous Célestin Ier (422-432) et achevée sous Sixte III (432-440). On y voit le temple de Jérusalem représenté sous la forme d'une église chrétienne dont le fronton est flanqué de tours.

Mais c'est trop insister sur ce détail, il n'a en effet qu'une importance théorique, car les fouilles de Saint-Martin n'ont jusqu'ici rien fait découvrir qui puisse donner à penser qu'une tour ait surmonté cette partie de l'édifice de saint Perpet.

Ce que Quicherat a dit du reste du sanctuaire doit nous arrêter davantage, car c'est sa restitution, je ne saurais trop le répéter, qui a fait croire à MM. Ratel et Chevalier qu'on avait retrouvé la basilique du ve siècle, et jamais ils n'auraient osé le prétendre, si Quicherat n'avait avancé qu'un déambulatoire entourait l'abside de l'église bâtie par saint Perpet.

Voyons donc où il a pris l'idée de ce déambulatoire, et pour plus de clarté, citons ses propres paroles (2):

Pour faciliter, dit-il, la circulation du peuple autour du tombeau, une galerie contournait l'abside. Cette circonstance se déduit du témoignage de Grégoire de Tours qui a men

drale de Nantes : « In medium turritus apex super ardua tendit.» Mais si in medium peut signifier le carré du transept, cela peut aussi s'entendre du milieu de la façade.

(1) Revue de l'art chrétien, 33° année (1890), p. 5.

(2) Restitution, p. 17 et 18; Mélanges,

p. 46.

tionné deux fois un atrium, c'est-à-dire un espace entouré de portiques dont l'emplacement était du côté des pieds de saint Martin. »>

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Fig. 9.1

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Restitution proposée par Quicherat pour la basilique de saint Perpet.
Élévation du sanctuaire.

Ainsi c'est du mot atrium, employé deux fois par Grégoire de Tours (2), que Quicherat a déduit l'existence d'un déambu

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