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Malheureusement, l'existence de cette tour n'est pas certaine, j'en ai dit plus haut les motifs. Si on la supprime, le chiffre des fenêtres paraît excessif au premier abord, on peut cependant imaginer plusieurs combinaisons qui permettraient de les placer toutes. Les deux extrémités du transept à elles seules peuvent en recevoir quatorze, si on les suppose éclairées par deux rangs de trois fenêtres surmontés d'un oculus, comme l'était jadis la façade de Saint-Paul-hors-les-Murs (").

La même basilique nous montre que les bras du transept pouvaient être percés de fenêtres assez nombreuses, car on y voit non seulement de grandes fenêtres à plein cintre, mais audessus d'elles une série d'oculus. Que l'on suppose même disposition au transept de Saint-Martin et l'on peut y loger douze fenêtres, en en plaçant une entre deux oculi sur le mur oriental et autant sur le mur occidental de chaque bras du transept (2). Cela fait déjà vingt-six fenêtres; des six restantes on peut placer cinq à l'abside, comme à Saint-Apollinaire in Classe à Ravenne. Il n'en restera plus qu'une, dont on peut faire un oculus ou une baie percée dans l'axe de l'église, entre le comble de l'abside et la corniche du transept.

D'autres combinaisons pourraient être proposées avec autant de vraisemblance, mais à quoi bon forger des hypothèses, il suffit qu'il y en ait une d'acceptable pour justifier mes conclusions.

Le nombre de colonnes, quelque considérable qu'il puisse paraître, ne saurait gêner beaucoup, car de tout temps on en

(1) Voir dans les Instructions du Comité des arts et monuments, Albert Lenoir, Arch. monastique, t. I, p. 118, fig. 72.

(1) Cette hypothèse serait d'autant plus acceptable que nous avons plusieurs églises

TOME XXXIV, 1 partie.

carolingiennes qui nous montrent des oculi placés d'une façon analogue, par exemple celle de Saint-Généroux, dans les Deux-Sèvres, et celle de la Couture, au Mans.

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IMPRIMERIE NATIONALE.

a fait grand emploi principalement au sanctuaire. Le ciborium qui surmontait l'autel en exigeait au moins quatre. D'autres pouvaient servir à décorer les fenêtres comme à Saint-Pierre de Vienne), ou à supporter des arcatures plaquées contre les murs, comme à Saint-Vital de Ravenne; d'autres enfin pouvaient former une colonnade en avant de l'autel. Il y en avait douze ainsi placées à Saint-Pierre de Rome et vingt à SaintPaul-hors-les-Murs.

Voilà plus de place qu'il n'en faut pour nos soixante-dix-neuf colonnes. Elles ne suffiraient même pas s'il fallait en mettre dans tous les endroits dont je viens de parler.

Il n'y a donc rien dans le texte de Grégoire de Tours qui puisse être opposé à la thèse que je soutiens.

Cette thèse a pour elle le double avantage de s'accorder avec les documents écrits, et de faire rentrer la basilique bâtie par saint Perpet dans l'un des types que nous savons avoir été en vogue au ve siècle.

Or ce type ne s'accorde pas avec le résultat des fouilles. Cela confirme donc ce que je disais dans la première partie de ce mémoire, c'est-à-dire que les chapelles et le déambulatoire retrouvés sous l'église d'Hervé ne peuvent appartenir à l'église du vo siècle, mais à celle qui a succédé à l'invasion normande de 903.

S'il reste encore quelque chose de la basilique du ve siècle, si dans ce sol tant de fois remué, après tant d'incendies et de reconstructions, quelques pierres de l'abside primitive peuvent

(1) On a découvert dans les fouilles de 1886 un fragment de colonne ne mesurant que 21 centimètres de diamètre, ce qui suppose un fût de 2" 10 au plus, Mr Chevalier en a conclu que l'église

bâtie par saint Perpet avait des tribunes au-dessus du choeur (Les fouilles de SaintMartin, p. 51 et 53). Il me semble plus naturel d'y voir la confirmation de l'hypothèse que je fais ici.

exister encore, c'est dans la partie centrale qu'il faut les chercher, dans ce massif sur lequel sont venues plus tard s'appuyer les colonnes du rond-point des églises du xr et du xi° siècle, dans ces maçonneries dont M. Ratel veut faire un reste de l'église de saint Brice (").

Cette supposition est confirmée par un fait que les excellents plans de MM. Ratel et Chevalier font clairement ressortir, l'axe de cette partie des fouilles n'est pas le même que celui de la chapelle du chevet. Cela s'explique fort bien si l'église dont cette chapelle dépendait est venue se superposer aux fondations d'un édifice plus ancien. Il est plus difficile d'en donner une raison satisfaisante, si on suppose avec Mr Chevalier que rondpoint et chapelles ont été construits simultanément sur un sol vierge d'édifices antérieurs.

Enfin, et ce sera mon dernier mot, les fouilles de 1860 ont fait retrouver deux fragments de mur que l'on vénère actuellement comme un débris du tombeau même de saint Martin (2), ou tout au moins comme un reste du tombeau bâti en 1582 sur le lieu exact où le saint avait reposé depuis le ve siècle jusqu'en 1562.

(1) S'il en était ainsi, la limite de l'abside primitive pourrait être cherchée aux points A et A' où M" Chevalier a cru trouver trace de portes dont la présence au milieu des fondations d'un déambulatoire ne s'explique guère. Ce qu'il a pris pour un montant de porte serait le retour d'angle de l'abside primitive. Il est vrai que le mur en retour devrait, dans cette hypothèse, se continuer dans la direction AB, en travers du déambulatoire. Mais cette partie des fondations avait été détruite par la construction d'un gros mur moderne (voir Ratel, Les basiliques de

Saint-Martin, pl. I), et M Chevalier n'a pu en donner qu'un plan hypothétique, comme il l'a soigneusement indiqué du reste en substituant des lignes ponctuées aux traits pleins par lesquels il figure les maçonneries encore existantes.

(2) C'est la théorie que soutient M. Ratel avec une foi profonde. Il a même, d'après ces débris, cru pouvoir restituer le tombeau de saint Martin tel qu'il devait être au v° siècle (Les basiliques de SaintMartin, pl. VI, VII, VIII et IX). Ms Chevalier, au contraire, fait remarquer avec raison que deux documents irréfutables,

Or un passage de Grégoire de Tours, sur lequel je ne saurais trop insister, nous apprend que le corps de saint Martin était déposé dans une abside contre laquelle on pouvait venir prier de l'extérieur.

Si on admet mes conclusions, cette condition est parfaitement remplie par ces fragments et la vénération dont on les entoure est légitime.

Au contraire, dans l'hypothèse que je combats, il faudrait supposer que le tombeau de saint Martin était, au temps de Grégoire de Tours, dans l'absidiole placée à l'extrémité du monument. Il faudrait admettre que toute trace du tombeau primitif a totalement disparu, que l'emplacement même en a été changé, et les restes qu'on vénère aujourd'hui ne seraient plus que des maçonneries modernes, sans forme et sans valeur.

Doit-on s'arrêter à cette conclusion, je ne le crois pas, mais en revanche je crois fermement qu'on s'est trompé sur le plan de l'église bâtie par saint Perpet, qu'on en a par suite cherché les restes là où ils ne sont pas, et que les conséquences inattendues qu'on a voulu tirer des fouilles de Saint-Martin pour l'histoire de l'art chrétien ne sont aucunement justifiées.

un passage des registres capitulaires de Saint-Martin et une inscription commémorative posée par les chanoines sur un pilier du chœur, attestent la destruction complète du tombeau par les protestants en 1562 Sepulchrum a fundamento

:

ruptum. Je crois donc avec lui que les fragments retrouvés ne peuvent être antérieurs à 1582, époque où les chanoines élevèrent un nouveau tombeau (Chevalier, Les fouilles de Saint-Martin, Note complé mentaire, p. 13).

SAINT-REMY DE PROVENCE

AU MOYEN ÂGE,

PAR

M. DELOCHE.

LA VILLE, SES ÉGLISES ET SON PRIEURÉ.

LEURS RAPPORTS AVEC L'ABBAYE DE SAINT-REMI DE REIMS.
QUESTIONS D'IDENTIFICATION DE SAINT-REMY
AVEC DEUX LOCALITÉS DE L'ANTIQUITÉ ET DU MOYEN AGE.

CHAPITRE PREMIER.

OBSERVATIONS PRÉLIMINAIRES.

OBJET DU MÉMoire.

Première lecture:

Deuxième lecture: 10 octobre 1890.

La présente étude historique a été provoquée par une question de numismatique. Des tiers de sou d'or mérovingiens, qui 5 et 12 septembre 1890. portent, au droit, la légende Vico Santi Remi ou Remidi, et qui étaient depuis longtemps attribués, presque sans conteste, à la petite ville de Saint-Remy (Bouches-du-Rhône), ont été, il y a quelques années, revendiqués par deux érudits pour le pays rémois (1).

J'ai consacré à l'examen de cette question un mémoire(2), où je crois avoir démontré les points suivants :

() M. Max Werly, Numismatique rémoise, in-8°, Paris, 1877. — M. Ch. Loriquet, Triens mérovingiens du pays de Reims, à la légende Vico Santi Remi ou Remidi, in-8°, Reims, 1880.

(2) Voir mon livre intitulé: Études de numismatique mérovingienne, in-8°, Paris, 1890, p. 87-143, et Revue numismatique, 3 série, t. V, p. 119-178.

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