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au gouvernement de ce comté, adressa aux officiers de la cour royale de Saint-Remy un mandement, par lequel il autorisait la mise à exécution, pendant une durée de quatre ans, d'une décision des syndics et du conseil de la ville, imposant aux habitants diverses taxes et contributions sur les denrées, le vin, le poisson, la viande, le bétail, etc., afin de pourvoir aux frais de réparation et de réfection des murs, tours, fossés, portes et ponts

En 1487, Jeanne de Laval, veuve en secondes noces du roi René, dans un mandement adressé à ses « officiers dudit lieu de Saint-Remy », et concernant la perception de taxes sur les biens des habitants, prend, à la suite de ses titres de reine de Jérusalem, de Sicile, duchesse d'Anjou et de Bar, le titre de « dame de Saint-Remy (2) », ce qui implique manifestement le maintien de sa seigneurie directe.

C'est sans doute à raison de cette dignité de ville royale, ou proprement comtale, que les États de Provence furent souvent réunis dans ses murs (3)

Saint-Remy était aussi resté nanti de ses franchises et de ses institutions municipales, puisqu'il est fait mention, dans les deux mandements précités de 1429 et de 1487, de sa Com

(1) Voir le n° XVIII de l'Appendice, où nous donnons des extraits de cet acte intéressant, dont notre savant confrère M. P. Meyer nous a fort obligeamment remis une photographie, mais qu'à notre grand regret, nous ne pouvons, à raison de son étendue, reproduire intégralement.

(2) Appendice, n° XIX. Cet acte est tout entier en langue provençale. C'est par suite d'une erreur typographique qu'il est dit, dans l'Art de vérifier les dates (Chronologie des comtes de Provence), édit. in-fol.,

t. II, p. 445; édit. in-8°, t. X, p. 426, que cette princesse est morte en 1458; M. Maréchal, dans une thèse soutenue à l'École des chartes, au mois de janvier 1891, a établi, sur pièces justificatives, qu'elle est décédée en 1498. L'acte, d'authenticité incontestable, qui nous a été communiqué en photographie par M. P. Meyer, et que nous reproduisons à l'Appendice, est une des bases de cette démonstration.

(3) Papon, Hist. de Provence, t. III, p. 559.

munauté, Universitas », de syndics et de son conseil, qui lui servaient d'organes officiels, géraient ses intérêts, exerçaient l'administration et la police locales, et dont les agents percevaient les taxes votées, comme il est dit en l'acte de 1429, «en public parlement, par les notables de la ville (1)».

Auprès de ces autorités municipales et de la juridiction immédiate du roi ou du comte de Provence, la propriété de la ville, considérée sous le rapport de la vie laïque, si longtemps débattue et détenue à l'état indivis par les moines de Montmajour et ceux de Reims, cette propriété, comme nous l'avons dit en tête de ce paragraphe, ne pouvait plus subsister; en tout cas, elle ne pouvait plus être une source de revenus, et, lorsque intervinrent les cessions de 1318 et 1331 au profit du Saint-Siège, les produits en étaient sans doute réduits, du côté du monastère de Montmajour, aux sommes perçues dans les églises ou chapelles de la Sainte-Vierge et de Saint-Pierre-leMévolier, et, pour les Rémois, aux droits parochiaux afférents à l'église de Saint-Martin.

Quoi qu'il en soit, à partir de 1331, les Rémois avaient cessé de posséder aucun droit dans le bourg comme sur le prieuré de Saint-Remy.

Il nous reste maintenant à examiner deux dernières questions : celles de savoir si la ville provençale doit être, comme l'ont cru quelques savants, identifiée, soit avec une localité du moyen âge appelée Freta ou Fretus, soit avec l'antique Clanum ou Glanum Livii des Itinéraires romains.

< Appendice, no XVIII, in fine.

CHAPITRE V.

QUESTIONS D'IDENTIFICATION DE SAINT-REMY AVEC DEUX LOCALITÉS
DE L'ANTIQUITÉ et du moyen âge.

S 1er.

Saint-Remy doit-il être identifié avec une localité appelée, au moyen áge, « Freta ou Fretus »?

Plusieurs auteurs ont confondu notre bourgade ou petite ville provençale avec un lieu ancien, nommé Freta, qui, d'après le roman arlésien de Tersin, aurait existé au temps de Charlemagne.

Notre affectionné confrère, M. P. Meyer, a publié, en 1872, ce roman à l'aide de deux manuscrits, par lui découverts dans la Bibliothèque de Carpentras; voici, traduit du provençal, le passage du § 2, qui nous intéresse :

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Charlemagne sortit de Paris et s'en vint, avec les nobles barons et avec les douze pairs de France, ensemble tous leurs compagnons, devant Arles la blanche, et toute son armée, qui ressemblait à un essaim d'abeilles, quand elles s'agitent; et, au pied d'une montagne, ils trouvèrent une cité qui s'appelle Freta, près d'un mausolée du romain Sextus, en allant vers Baux (à présent les Baux), et là ils s'arrêtèrent ("). » «Nos deux textes, dit à ce sujet le savant éditeur, s'accordent

(1) Littéralement s'assirent, ce qui signi fierait peut-être plus exactement campèrent. Voici le texte du passage en question d'après l'édition de M. P. Meyer : «Carlemagne donc se mouguet de Paris et sen venguet, ambe lous nobles barons et ambe lous XII pars de Fransa, ambe tous leurs

compagnons, davant Arles lou blanc, et
tout son ost, que semblava un eysham
d'abeillas quand si movon tantost; et al
pe d'una montaigna, an atrobat una cieutat
que s'appella Freta, près d'un mauséol de
Sext, roman,
en tirant als Bautz, et aquy
se sont acetyas.» (Romania, t. I, p. 64.)

à faire livrer bataille à Charlemagne auprès de la cité de Freta. L'emplacement de cette cité est bien déterminé par la mention que je trouve également, dans les deux textes, du mausolée de Sextus. C'est actuellement la petite ville de Saint-Remy, bâtie auprès de l'antique Glanam, à peu de distance du versant occidental des Alpines. Papon rapporte un texte d'une valeur historique beaucoup moins contestable que celle de notre roman: une charte de Garnier, évêque d'Avignon (982), où l'ager Fretensis désigne, en effet, le territoire actuel de Saint-Remy. Je ne suis pas en état d'expliquer à quelle époque, ni comment le nom de Freta a disparu. Une société archéologique s'est fondée, il y a quelques années, à Saint-Remy; puisse-t-elle répandre quelques lumières sur ce point d'histoire (2), »

Plus récemment, M. Auguste Longnon, dans son étude sur Gérard de Roussillon, a adhéré, en ces termes, à l'opinion de M. P. Meyer: «Frète ou Freta, localité du haut moyen âge, qu'une charte de 982 démontre avoir été le chef-lieu d'un du comté d'Arles, et dont l'identité avec la bourgade actuelle de Saint-Remy semble suffisamment établie, grâce au roman arlé

ager

(1) Voici le passage de Papon, auquel M. Meyer fait allusion: «Fretta: c'est le nom d'une ville dont les Sarrasins firent le siège vers l'an 730, suivant un roman manuscrit en ancien provençal, qui ne mérite aucune foi, dit le P. Le Long, parce qu'il contient autant de faussetés que de mols. Cependant cette ville a dû subsis. ter; il est fait mention de son territoire dans la charte suivante, de l'an 982... » (Hist. de Provence, t. I, p. 85.)

(3) Romania, t. I, p. 59-60. M. Meyer ajoute, dans une note: «C'est sur l'autorité du roman de Tersin, mentionné par

Papon, d'après le P. Lelong, que M. Reinaud fait prendre, après un long siège, la ville de Frette par loussoul, le gouverneur sarrasin de Narbonne. (Invasions des Sarrasins, p. 55). Si M. Reinaud avait pu consulter directement notre roman, il n'en aurait pas tiré directement un fait qui ne s'y trouve pas, du moins dans le texte du manuscrit de Carpentras. Il suffit de se reporter au passage de Papon, cité plus haut, pour reconnaître que M. Reinaud a simplement reproduit l'assertion non justifiée de Papon. »

sien de Tersin. » Suit le passage cité plus haut, et notre savant confrère ajoute : « Ce curieux texte ne permet pas de méconnaître l'identité de Freta avec le bourg actuel de Saint-Remy, situé à deux kilomètres au sud (lisez au nord) de l'antique Glanum, dont les vestiges les plus remarquables sont le mausolée dont il est question et un arc de triomphe (1). »

La même idée, d'après Honoré Bouche (qui d'ailleurs ne la partageait point), avait été émise longtemps auparavant par le vieil historien Solery (2).

A la suite de l'examen attentif que nous en avons fait, nous avons reconnu qu'elle était entièrement inexacte. Nous n'hésitons pas à penser que la Freta du roman de Tersin (nommée autre part Fretus) et la bourgade de Saint-Remy sont deux localités parfaitement distinctes, et qu'elles ont coexisté, sur des emplacements différents, chacune avec son vocable particulier.

En outre, et grâce à des documents, la plupart inédits, qui m'ont été communiqués par M. Duhamel, archiviste du département de Vaucluse, et à des renseignements topographiques et archéologiques recueillis à mon intention, dans le pays même, par mon savant correspondant et ami, M. L. Blancard, je crois être en mesure de déterminer, d'une manière très approximative, l'emplacement de Freta ou Fretus, resté jusqu'ici inconnu, et de satisfaire ainsi au desideratum exprimé par M. P. Meyer.

Le premier acte qui contienne la mention de cette localité

(1) Rev. hist., t. VIII, p. 276.

(2) Chorographie de Provence, t. I, p. 171. Honoré Bouche a placé Freta près de SaintGabriel, non loin de Tarascon, où il dit qu'on en a retrouvé des vestiges. Mais Saint-Gabriel est l'ancien Ernaginum ou Ernagina des Itinéraires romains, station

intermédiaire entre Arles et Glanum, et située à l'extrémité occidentale de la chaîne des Alpines, en un point fort éloigné de l'endroit où nous prouverons bientôt qu'était situé le lieu appelé Freta, ou plus exactement Fretus.

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