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LES ARCHIVES

LA BIBLIOTHÈQUE ET LE TRÉSOR

DE

L'ORDRE DE SAINT-JEAN DE JÉRUSALEM A MALTE

Au milieu du mouvement qui, au moyen âge, a entraîné l'Europe vers l'Orient, et parmi les fondations auxquelles il a donné naissance, l'établissement des ordres militaires et religieux, destinés à lutter contre les infidèles et en même temps à secourir les pèlerins qui venaient en foule aux Saints Lieux, a été un des événements les plus féconds en conséquences. On peut dire que, si les chrétiens se sont maintenus en Terre Sainte comme ils l'ont fait durant près de deux siècles, c'est grâce aux chevaliers, à la fois guerriers et hospitaliers, dont l'épée servait à protéger contre les Sarrasins les possessions et la vie des chrétiens établis en Palestine les rois d'Occident ne les secouraient que lorsque le péril devenait imminent et la lutte impossible aux ordres militaires de Saint-Jean de Jérusalem, du Temple et des Teutoniques.

De ces trois « chevaleries », l'une disparut au quatorzième siècle, l'autre se réfugia en Allemagne ; les Hospitaliers seuls ne sombrèrent pas au moment où les chrétiens durent quitter la Terre Sainte. Restés les derniers à la défendre, ils n'abandonnèrent Saint-Jean d'Acre que pour s'établir, après quelques années passées à Chypre sous la protection des rois de Lusignan, dans l'île de Rhodes, et de là menacer encore les côtes de l'Asie Mineure, s'y installer à diverses reprises, et protéger contre les entreprises des infidèles cette partie des côtes de la Méditerranée, la péninsule hellénique et ses îles, occupées par les royaumes chrétiens d'Achaïe, de Morée, etc.

Chassés de Rhodes au seizième siècle, les Hospitaliers émi

grent à Malte, que Charles-Quint leur abandonne (1), et, là encore, ils continuent contre le Croissant la guerre qu'ils n'ont cessé de lui faire depuis plus de quatre siècles. Le temps des grandes expéditions est passé; mais les corsaires turcs et barbaresques infestent la Méditerranée; l'Ordre de Malte se donne la tâche de protéger, sur cette mer, les pavillons des nations chrétiennes contre les entreprises des pirates, rôle moins grand peutêtre, mais non moins utile, et dans lequel il rend encore de véritables services. Quand les cours européennes préparent quelque expédition contre les Turcs, l'Ordre de Saint-Jean, sans abandonner la police de la Méditerranée qu'il s'est attribuée, se joint aux forces confédérées et prend part aux batailles navales qui se livrent alors.

Il atteint ainsi la fin du dix-huitième siècle, riche, respecté des nations chrétiennes et redouté des Musulmans, auxquels il fait une guerre acharnée. Mais le général Bonaparte, passant devant Malte, comprend l'importance stratégique de cet îlot; il s'en empare, et le grand-maître passe sur le continent: le rôle politique, social, militaire de l'Ordre de Saint-Jean s'écroule en un moment; il avait duré, avec des phases diverses, plus de sept siècles, conservant toujours deux caractères bien marqués: il n'avait cessé de combattre le Croissant et il avait toujours été, par le nombre de ses chevaliers et de ses grands maîtres, comme par la bravoure, par l'esprit généreux et chevaleresque de ses membres, un ordre essentiellement français.

(1) L'acte de donation de l'île aux chevaliers de Saint-Jean par Charles-Quint en 1530 est conservé et exposé dans la galerie des armures du Palais des Grands Maîtres à Valletta, à côté de la trompette qui sonna leur départ de Rhodes.

ARCHIVES DE L'ORDRE

Quoique l'histoire de l'Ordre de Saint-Jean de Jérusalem ait donné lieu à un grand nombre de publications en France, Allemagne, Italie, Angleterre, Espagne et Portugal, dont quelques-unes sont assez importantes, celles qui ont été faites à l'aide des documents originaux conservés dans le dépôt d'archives de l'Ordre sont peu nombreuses.

Aux dix-septième et dix-huitième siècles, Bosio, Istoria del sacro militare ordine Gerosolimitano, 3 vol. in-fo, plusieurs fois réimprimés; le P. S. Pauli, Codice diplomatico del sacro militare ordine Gerosolimitano. 2 vol. in-fo, Lucca, 1733-7, et Paciaudi, Memorie de' gran maestri del sacro militare ordine Gerosolimitano, 3 vol. in-4°, Parma, 1780 (1), ont eu à leur disposition les archives de l'Ordre et y ont puisé. De nos jours, Hopf, M. de Rozière, Notice sur les archives de Malte, dans la Bibl. de l'Ecole des chartes, 11o série, t. 11, p. 567-70, et M. le comte de Mas-Latrie, Notice sur les archives de Malte à Cité la Valette, dans les Archives des missions scientifiques, vi, 1re série, 1857, p. 1-240 (2), les ont consultées, mais sans épuiser la matière.

Le dépôt d'archives de l'Ordre de Saint-Jean est encore conservé presque intact à Malte. Les chevaliers, de tout temps et dès le douzième siècle, prirent beaucoup de soin de leurs archives; des mentions, écrites au dos des pièces de cette époque, nous mon

(1) Ce dernier a pris et reproduit divers sceaux anciens d'après les archives. (2) Nous indiquons ici seulement pour mémoire un travail de J. H[uytens] qui a, dans des Extraits des archives de Malte, Gand, 1855, 40 pages in-8°, signalé divers passages de manuscrits de la Bibliothèque et quelques liasses des Archives de Malte intéressant la généalogie des familles belges.

trent un grand souci de les conserver; dans leurs nombreux déplacements, de Terre Sainte à Chypre, puis à Rhodes, puis à Malte après quelques années pendant lesquelles les chevaliers n'avaient pas de domicile, l'Ordre a toujours transporté avec lui ses archives, et les accidents de toute nature, inévitables dans des voyages aussi fréquents, n'ont pas été aussi nombreux qu'on aurait pu le craindre. C'est à ce soin jaloux de conserver les documents concernant l'Ordre que nous devons d'avoir la série presque complète des donations à lui faites pendant son séjour en Terre Sainte (1107-1290), série dont les lacunes doivent être attribuées à des pertes postérieures au milieu du dix-huitième siècle, puisque le P. Pauli avait vu et transcrit en partie certains volumes aujourd'hui perdus.

Nous avons également la série assez complète des bulles pontificales données en faveur de l'Ordre, et disposées par ordre alphabétique de papes. Il n'y a que quelques lacunes que comblent pour la plupart des bullaires manuscrits du seizième siècle, exécutés dans la chancellerie au moment où la série des bulles pontificales originales était encore intacte.

La collection des bullaires des grands maîtres, depuis le milieu du quatorzième siècle (1346), est également presque entière. Les numéros d'ordre mis sur les volumes à la fin du quinzième siècle, lorsque les chevaliers étaient encore à Rhodes, nous indiquent que quelques volumes à peine se sont perdus ou ont été détériorés dans le transport de Rhodes à Malte. La série des chapitres généraux est aussi à peu près intégralement conservée.

Si nous nous plaçons au point de vue auquel s'était placée la chancellerie de l'Ordre de Saint-Jean de Jérusalem, nous remarquerons qu'en quittant Rhodes pour aller à Malte, elle avait emporté les pièces qui seules pouvaient l'intéresser. Elle avait la série des donations faites en Terre Sainte à l'Ordre, c'est-à-dire ses titres de propriété, et les conservait depuis 1290 dans l'espoir, de jour en jour plus chimérique, d'un retour des chrétiens en Syrie et d'une revendication des anciens biens de l'Hôpital. Cette partie des archives était ce que nous pouvons appeler le fonds de Terre Sainte, du prieuré de Jérusalem, archives particulières au même titre que celles des diverses langues de l'Ordre, dont les dépôts d'archives des différents pays nous ont conservé les fonds (1).

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(1) Les archives, par exemple, de la langue de France sont conservées pour le grand prieuré de France, à Paris, aux Archives nationales; pour le grand

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