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Mais on lui refuse, dans l'intérêt de la femme, le droit de disposer à titre gratuit des immeubles ou d'une quotité du mobilier. - Toutefois, cette règle souffre exception lorsqu'il s'agit d'établir les enfants communs; le mari est alors censé agir avec l'assentiment de la mère: doter est un devoir paternel; ce devoir est imposé par la nature aux deux époux.

On entend ici par établissement, un établissement par mariage ou autrement (204); c'est-à-dire, tout ce qui peut procurer aux enfants le moyen de se suffire à eux-mêmes. L'art. 1427 emploie ce mot dans le même sens. Le mari, par exemple, pourrait donner seul un immeuble à l'un des enfants communs, pour mettre cet enfant à même d'exercer une industrie.

Les actes de dispositions entre vifs, à titre gratuit, des meubles et des immeubles, peuvent avoir lieu, même in universum, pour cette cause. - Duranton (t. 15, no 281), est le seul auteur qui refuse ce droit au mari: l'erreur a été relevée par Marcadé; elle est démontrée d'ailleurs par les termes généraux du texte: en effet, l'art. 1421 porte, que le mari peut disposer à titre onéreux de tous les biens de la communauté, sans le concours de sa femme; l'art. 1422 lui refuse en principe le droit de disposer entre vifs des immeubles de la communauté, de l'universalité, ou d'une quotité du mobilier; mais en faisant toutefois exception pour le cas où il s'agirait de l'établissement des enfants communs: donc le pouvoir du mari, sous ce dernier rapport, n'est pas moins absolu que celui qui lui est conféré par l'art. 1421 (1).

A l'égard de toutes personnes, autres que les enfants communs, le mari ne peut, sans le concours de la femme, disposer gratuitement que du mobilier et seulement à titre particulier; encore faut-il qu'il ne s'en réserve pas l'usufruit.

Nous disons à l'égard de toutes personnes (2) : néanmoins, s'il dotait avec des effets de la communauté un enfant de son premier lit (1469), bien que ce fût à titre particulier, il devrait récompense; car, en donnant à cet enfant, il acquitterait une dette personnelle; il se donnerait, en quelque sorte, à lui-même.-Nous étendrons cette décision, au cas où le mari disposerait en faveur de toutes autres personnes, réputées par la loi: personnes interposées (1). - On déciderait autrement, si la donation était faite au profit d'un enfant du premier lit de la femme.

d'une valeur considérable, ou même vendre un immeuble et faire ensuite donation du prix, sans que la femme ait le droit de s'y opposer, et cependant il ne pourrait donner une chaumière: il est à présumer que les rédacteurs ont mal exprimé leur pensée, et qu'ils n'ont en en vue que ces cadeaux d'usage, d'une faible importance dont il est parlé dans l'art 1083 et autres: Les coutumes refusaient au mari, d'une manière absolue, la faculté de disposer à titre gratuit des biens de la communauté. Remarquons, surtout qu'il ne peut disposer qu'à titre particulier: La donation de l'universalité ou d'une quote-part de l'universalité du mobilier, serait ou nulle en la forme pour inobservation des règles prescrites par l'article 948, ou nulle au fond, comme contraire à la règle donner el retenir ne veut.

(1) Dall. cont. de mar. n. 1174. Pont et Rodière, t. 1, n. 664. Troplong, t. 2. n. 902. Marcadé, art. 1423. Cass. 2 janvier 1844. Dev. 1844, 1. 9. Pal. 1844.1. 297. Гоу, сеp. Dur. n. 281, t. 14.

(2) Nous pensons que les tribunaux devraient annuler, comme frauduleuse pour la femme, la disposition par laquelle le mari se constituerait débiteur d'une somme et donnerait, pour se libérer, un immeuble en payement: ils verraient dans ce fait, un moyen employé par le mari, pour éluder la prohibition de l'art. 1422.

Observons ici, qu'il est difficile de se faire l'idée d'une donation à titre universel du mobilier: en effet, la loi exige, pour la validité des donations d'objets mobiliers, qu'un état estimatif des objets donnés soit dressé: or, s'il y a un état, la donation sera composée non d'une universalité, mais d'une série d'objets particuliers: d'un autre côté, comment dresser inventaire d'une partie de l'universalité des meubles? Ne peut-il pas arriver que le disposant ne connaisse pas tous les meubles dont il est propriétaire; ce qui arrive, lorsqu'une succession qu'il n'a pas encore acceptée lui est échue?-Suivant nous, la disposition de l'art. 1422 a pour unique objet d'autoriser une recherche de fait, et de déclarer que si des meubles ont été successivement donnés, ces donations séparées peuvent être annulées lorsque leur ensemble embrasse une quotité du mobilier: c'est ainsi que devait nécessairement l'entendre Pothier, lorsqu'il déclarait que la donation, en cas d'excès, était considérée comme frauduleuse vis-à-vis de la femme.

Sans le concours de la femme : l'incapacité du mari n'est établie, ainsi que nous le verrons (infrà, quæst.), que dans l'intérêt de la femme; avec son concours, il peut disposer gratuitement de l'universalité des biens de la communauté, ou se réserver l'usufruit de l'objet donné, quel que soit le donataire.

A titre particulier : rien n'empêche le mari de disposer d'un objet déterminé, quelque soit la valeur de cet objet; il peut même épuiser ainsi tout l'actif mobilier.

Au premier abord, on ne voit donc pas pourquoi le législateur prend soin de lui interdire les donations à titre universel: cette disposition nous paraîtrait difficile à justifier, si on ne l'entendait en ce sens, quelle prohibe les donations successives faites au profit de la même personne, lorsque réunies elles absorbent la totalité ou une fraction considérable de l'actifmobilier, ou la donation à titre particulier, qui a pour objet une chose d'une haute valeur, relativement à cet actif. Selon nous, le réclamant est admis à établir en fait, que la disposition est une donation à titre universel déguisée: il est dans l'esprit de la loi, de ne maintenir que les donations à titre particulier d'une faible valeur relativement à la fortune du disposant, et qui peuvent être considérées comme cadeaux ou dons rémunératoires. Le juge doit prononcer, eu égard aux circonstances (Pont et Rodière, t. 1, no 666; Dall., n. 1168, contr. de mar.).

(1) Cass. 14 août 1855. D. p. 55. 1, 372. - Les coutumes excluaient les personnes dont le mari était héritier présoinptif, mesure fort sage: le code n'admet pas ce principe; il procure ainsi au mari le moyen de se créer des propres. Mais il nous semble que l'on doit ramener ici la question de fraude par personnes interposées et appliquer les art. 922 et 1100. Cependant tout dépendra des circonstances: Il est possible que la donation ait eu pour objet de secourir un père ou un oncle infirme ou malheureux; les tribunaux ne devront pas user d'une trop grande rigueur.

Pourvu qu'il ne s'en réserve pas l'usufruit: On ne veut pas qu'il puisse nuire à la communauté, sans se préjudicier à lui-même.

Ainsi, le mari peut faire un don en toute propriété, quelque élevé qué soit le prix de l'objet donné; mais il ne pourrait donner la nue propriété seulement; c'est là une exception à la maxime: Qui peut le plus, peut le moins. - Sur quels motifs est-elle fondée ?

Si le mari pouvait faire à son profit une réserve d'usufruit, il se déterminerait trop facilement à donner; car il dirait : Si la communauté vient à se dissoudre par la mort de ma femme, j'aurai la chance de voir tomber dans mon lot l'usufruit que je me suis réservé: si je prédécède, l'usufruit s'éteindra; les héritiers de ma femme ne pourront y prétendre: ainsi, les chances ne seraient pas égales entre le mari et la femme. - Nous ne pensons même pas que le mari puisse se réserver l'usufruit des biens meubles ou immeubles qu'il donnerait à un enfant commun, en vue d'un établissement, bien qu'il puisse, en ce cas, disposer de la communauté entière; car les inconvénients que nous venons de signaler se représenteraient: on dit, il est vrai, que la femme profitera de l'usufruit pendant la durée de la communauté : mais toujours est-il, qu'à la dissolution, il aura une chance que la femme n'aura pas; la position se trouvera être la même que si la donation avait été faite à un étranger: d'ailleurs, la règle de l'article 1422, 2e alinca, est absolue; elle exclut par la généralité toute distinction, la loi, nous le répétons, ne veut pas que le mari puisse dépouiller la femme sans se dépouiller lui-même.

Quelle est la sanction de la prohibition contenue dans l'art. 1422? Le marı n'est point frappé d'une incapacité absolue: la nullité n'est que relative; la donation produit des effets plus ou moins étendus, suivant que la femme accepte ou répudie la communauté (voyez toutefois infrà, quest.)

-Si la femme ou ses héritiers acceptent la communauté, les donations défendues au mari sont-elles nulles pour le tout, même pour la part qui revient à ce dernier dans les objets donnés?

Première opinion: Il y a contravention à la loi, tant de la part du donateur, que de la part du donataire; par conséquent, la donation est nulle: on doit appliquer la disposition de la loi 8, de condictione ob turpem causam: in turpi causâ melior est causa possidentis: si le tiers a reçu l'immeuble, il ne rend rien; s'il ne l'a pas reçu, sa demande ne peut être admise (Delv., p. 20, n. 1).

Seconde opinion: On ne connaîtra que par le partage (803) si le mari est devenu propriétaire, et par conséquent s'il a pu disposer; le partage, en effet, est déclaratif de propriété ; or, un co-propriétaire ne peut aliéner que condionnellement, pour le cas seulement où l'objet tombera dans son lot: si cet objet écheoit au mari, la femme, à la dissolution de la communauté, se trouvera dans l'indivision avec le donataire (Toullier, n. 314 et 315; Bellot, p. 420).

Troisième opinion : La premère opinion ne peut être admise: la donation dont il s'agit est licite en principe; la prohibition n'est établie que dans l'intérêt de la femme et de ses héritiers, afin qu'elle ne soit pas dépouillée du droit qu'elle a sur l'objet donné.

Vainement oppose-t-on la loi 8, de condictione ob turpem causam :

cette loi statue sur le cas où il existe une cause honteuse, tant de la part de celui qui a livré ou payé, que de la part de celui qui a reçu; or, il n'y a rien de honteux dans la donation dont il s'agit. - Le mari a été irrévocablement dépouillé des objets par lui librement donnés (894); il retiendrait sine causa ces objets ou leur valeur, s'il n'était soumis à aucune restitution envers le donataire; il profiterait ainsi du droit d'autrui. -Tout donateur n'est-il pas garant de ses faits? Toute personne qui a constitué une dot n'est-elle pas tenue de garantir la propriété des objets donnés (1440, 1547)? La donation doit donc avoir son effet par rapport au mari et à ses héritiers.- Il faut également rejeter la deuxième opinion, car elle aurait pour résultat de jeter la femme dans un état de gêne provenant de l'indivision; de l'entraîner dans une série de partages et peut-être de procès: son action générale, communi dividundo, se trouverait divisée en plusieurs actions partielles. L'art. 883 n'a été introduit que pour éviter les recours entre copartageants; il n'est nullement applicable aux tiers, ni par conséquent aux donataires du mari; on ne peut admettre, que l'effet du tirage au sort, puisse procurer un avantage au mari ou à ses héritiers. -En conséquence, nous déciderons que si le donataire ne conserve pas l'immeuble, il aura une action en indemnité contre le donateur ou ses héritiers; vainement opposerait-on que l'art. 1423 ne statue ainsi que pour les legs: cet article a été copié dans Pothier; or, cet auteur ne pouvait parler que des legs; car de son temps, le mari avait le droit de donner tous les biens de la communauté, pourvu qu'il ne se procurât pas un avantage personnel. Ajoutons que le mari, peut même, en sa qualité d'administrateur, évincer le donataire, lorsque la communauté est intéressée à recueillir l'usufruit de l'immeuble donné (1561 1°); sauf à payer personnellement à ce donataire des dommages-intéréts, attendu qu'il ne doit pas bénéficier de ce que la chose est tombée dans le lot de la femme. Néanmoins, si le mari n'a pas revendiqué pendant le mariage, la femme ne peut élever, lors de la dissolution, aucune réclamation contre le donataire, pour les fruits perçus par lui; car le mari avait qualité pour les aliéner, et son silence équivaut à une aliénation tacite (Rodière et Pont, n° 667; Marcadé, art. 1423, Dur. no 275, Pal.).

Le mari peut-il, avec le concours de sa femme, disposer valablement entre-vifs à titre gratuit, soit d'un immeuble de la communauté, soit d'une quotité du mobilier? Cette question divise les auteurs; exposons d'abord les principaux moyens invoqués pour la négative :

Tant que la communauté subsiste, la femme n'a aucun droit de propriété sur les biens qui composent l'actif; elle a seulement l'espérance de devenir propriétaire: nous avons vu en effet (1453), que la femme ne peut, avant que la communauté soit dissoute, s'interdire la faculté d'accepter, ni celle de renoncer; dès-lors, les biens ne peuvent être de sa part l'objet d'une donation entre-vifs, sorte de disposition dont un des caractères essentiels consiste (art. 894 CC.), à transmettre actuellement et irrévocablement au donataire la propriété de l'objet donné. - D'ailleurs, en renonçant à la communauté, elle annulerait la donation pour sa part; il dépendrait d'elle par conséquent de l'anéantir; or, les articles 894 et 944 déclarent nulles les donations qui sont faites sous des conditions potestatives de la part du disposant.Si l'on validait la donation, ce ne pourrait être qu'en réputant le mari donateur pour le tout, et en combinant l'article 1422 avec l'article 1421; de telle sorte que la présence de la femme à l'acte, aurait eu pour seul effet de lui interdire le droit d'attaquer cet acte plus tard; mais alors, on m'éconnaîtrait les termes formels et précis de P'article 1422: Cet article porte que le mari ne peut disposer entre-vifs à titre gratuit des immeubles de la communauté: Comment admettre, que par son intervention, la femme puisse relever le mari de cette incapacité? ce serait rendre illusoires les mesures protectrices dont la loi prend soin de l'entourer à raison de sa faiblesse, de l'influence que son mari exerce nécessairement dans le ménage, et de l'état de dépendance où elle se trouve (1).

Néanmoins l'opinion contraire nous paraît mieux fondée: écartons d'abord le premier argument: il repose sur une théorie dont on a fait justice depuis longtemps: Tous les auteurs modernes admettent que la communauté est un être moral; qu'une société de bien existe entre les époux, et que la femme même, est co-propriétaire avant la dissolution sans doute, elle n'a point en général qualité pour engager la communauté; mais le mari et l'autorité judiciaire en certains cas, peuvent la relever de cette incapacité (1426 et 1427)- abordons les autres arguments, les seuls sérieux: avant tout, jetons un coup d'œil sur les traditions historiques: L'art. 225 de la coutume de Paris, déclarait le mari seigneur et maître des biens de la communauté; puis il ajoutait : « En telle manière qu'il peut les vendre ou «aljéner et hypothèquer, et en faire et disposer par donation ou autre disposition entre-vifs, à son plaisir et volonté sans le consentement de sa femme, à personne capable et sans fraude. >>> Tous les anciens auteurs décidaient, que la donation ne pouvait valoir au préjudice de la femme; mais que son concours validait cette libéralité; que l'incapacité du mari, en d'autres termes, n'était pas absolue, mais relative. (Duplessis, traité de la communauté, Valin sur l'art. 22 de la coutume de la Rochelle, Renusson, traité de la communauté, ch. 5 n° 9). « Il est un autre cas, dit Pothier, (comm. liv. 2 chap. 2 n° 21) auquel la donation que le mari a faite de quelques biens de la communauté à ses héritiers présomptifs en collatérale, n'est point faite en fraude, et ne donne en conséquence lieu à aucune récompense; c'est le cas auquel la femme, a expressément consenti, et surtout lorsqu'elle a parlé au contrat et donné conjointement avec son mari: il est évident que la donation ne peut paraître, en ce cas, faite en fraude de la femme, car nemo volens fraudatur. » - Les articles 1421 et 1422 reproduisent la règle fondamentale qui ré sulte de l'article 225 de la coutume de Paris: administration cum libéra conférée au mari: seulement, le législateur à du établir certaines limites, quant aux dispositions à titre gratuit; à savoir: prohibition de disposer des immeubles de la communauté; de l'universalité ou d'une quotité du mobilier. - Pourquoi a-t-il admis cette restriction? Parce que le mari abusait autrefois de son pouvoir, en disposant à titre gratuit au profit de ses propres parents; sauf ensuite à la femme dont les intérêts avaient été sacrifiés ainsi, à faire tomber l'acte, en prouvant qu'il était frauduleux, à raison notamment de la parenté du donataire. - Leur but a été de mettre un terme aux procès sans fin, que soulevait autrefois la question de savoir, si la libéralité devait être réputée: faite en fraude des droits de la femme: or, pour qu'il y ait fraude, il faut supposer que l'acte émane du mari seul; évidemment l'article 1422 se lie à l'article 1421: Après avoir dit, dans ce dernier article que le mari pouvait vendre, aliéner et hypothéquer sans le concours de la femme, il a paru superflu de répéter ces dernières expressions dans l'article 1422. - De là nous concluons, que la nullité n'est pas absolue, mais relative, et que l'acte doit produire tous ses effets si la femme s'est jointe au mari pour disposer. - On objecte que la femme ne pouvant disposer pendant le mariage d'aucune portion de biens dont se compose la communauté, ne saurait conférer à son mari une capacité qu'elle n'a pas elle même; et que si elle pouvait, en intervenant, habiliter ce dernier, la protection que notre article à pour but de lui accorder deviendrait illusoire: La pratique dément cette thèse prise dans un sens aussi absolu: tous les jours la femme s'oblige, aliène et hypothèque ses propres, avec l'autorisation de son mari,

(1) Odier, t. 1, n. 225. Marcadé, art. 1422. Rodière et Pont, n. 662. Caen, 3 mars 1843. D. p. 43. 2. 164. Dev, 1844. 2. 385 et suiv. Bourges, 10 août 1840. D. p. 41. 2. 211. Dev. 1841. 2.857.

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