LE CODE NAPOLÉON. TITRE 5. DU CONTRAT DE MARIAGE ET DES DROITS RESPECTIFS DES ÉPOUX, (Déc. le 10 févr. 1804, prom. le 20.) On entend par contrat de mariage (1), l'ensemble des conventions entre époux, faites en vue de régler les conditions de leur futur mariage quant aux biens. Ce contrat a donc pour unique objet, de constater des conventions d'intérêt purement pécuniaire; de déterminer le régime sous lequel les époux se marient et les effets de leur association. - Il suit de là que, si le mariage est annulé, les conventions matrimoniales se trouvant également anéanties, les contractants sont censés avoir été dans une espèce de communauté de fait; sauf le tempérament apporté par les art. 201 et 202 C. civ.: en conséquence, toutes les questions que peut faire naître la liquidation de cette communauté doivent se décider par les règles de la gestion d'affaires (1371-1375). Mais les vices du contrat de mariage ne porteraient aucune atteinte au mariage consommé, car le principal peut subsister sans l'accessoire. Ce titre est divisé en trois chapitres : Le premier renferme des dispositions générales ; Le second traite de la communauté; Le troisième concerne le régime dotal. CHAPITRE PREMIER. DISPOSITIONS GÉNÉRALES. Les parties peuvent régler leurs conventions matrimoniales comme elles le jugent à propos (1378); la faveur due au mariage a même fait (1) Cette expression peut être prise en outre dans deux autres sens: 1o pour le mariage luimême; c'est-à-dire, pour le lien qui unit les époux; -2o pour l'acte notarié qui constate les conventions matrimoniales. V. 753126 1 établir, qu'elles jouiraient à cet égard d'une liberté plus étendue que pour les transactions ordinaires (voy. 947, 1398, 1837): la loi ne leur interdit que les clauses susceptibles de porter atteinte aux bonnes mœurs ou à l'ordre public (1387). Parmi les clauses proscrites comme contraires à l'ordre public, la loi signale: 1o celles qui dérogeraient aux droits résultant de la puissance maritale, à ceux qui appartiennent au mari comme chef, ou à l'autorité conférée au survivant des époux par le titre de la puissance paternelle et par le titre de la minorité, de la tutelle et de l'émancipation (1388); - 2o les pactes sur les successions non ouvertes et les donations faites à ceux qui ne sont pas conçus (1389,906, 1081); -3o enfin les stipulations qui tendraient à faire revivre d'anciennes règles abrogées par les lois nouvelles (1390). — Du reste, les époux peuvent librement se référer d'une manière générale à l'un des régimes tracés par le Code. On nomme régime, la réunion des règles qui gouvernent une matière quelconque. Quatre régimes principaux et essentiellement distincts s'offrent au. choix des époux : 1o Le régime de la communauté légale (1399, 1496) ou conventionnelle (1497, 1529): - Sous ce régime, les époux ont des biens en commun (1401); le mari les administre (1421), et lors de la dissolution, si la femme accepte la communauté, ces biens se partagent (1467). 2o Le régime exclusif de communauté, sans séparation de biens (1529-1535): - Sous ce régime, la femme ne peut réclamer aucune part dans les bénéfices que son mari a faits durant le mariage: elle conserve tous ses biens personnels; mais le mari en a l'administration et la jouissance (1). 3o Le régime de séparation de biens (1536-1539): - La femme conserve sous ce régime, ses biens meubles ou immeubles; elle en a de plus l'administration et la jouissance (2). Ces deux derniers régimes sont compris dans la section 9. 4o Le régime dotal (1540, 1581): - Ce régime, puisé dans le droit romain, est ainsi nommé, à cause des rapports particuliers sous lesquels la dot y est envisagée: il se compose de principes particuliers et vraiment exorbitants. - Le mari a la jouissance et l'administration des biens que la femme s'est constitués ou qu'on lui a constitués en dot; ces biens sont en général frappés d'inaliénabilité (1554); — la femme conserve l'administration et la jouissance des biens para (1) Les biens de la femme sont dotaux à la vérité, mais seulement quant à la jouissance. (2) Sous ce régime, c'est le mari qui supporte les charges du ménage, sauf la contribution de la femme; cette contribution est réglée soit par le contrat, soit par la loi. phernaux, c'est-à-dire, de ceux qui ne sont pas compris dans la constitution de dot. Afin de prévenir à cet égard toute interprétation arbitraire, la loi prend soin de déclarer, que l'emploi du mot dot, sans autre explication, ne suffit point pour faire présumer que les parties ont prétendu se soumettre au régime dotal, et que cette intention ne résulterait même pas de ce qu'elle aurait déclaré vouloir se marier sans communauté (1392). La dot (lato sensu) est le bien que la femme apporte au mari, soit en propriété. soit en jouissance, pour supporter les charges du ménage (1540). Lorsque la femme se marie sous le régime de la séparation de biens, ou, ce qui revient au même, lorsqu'elle se marie sous le régime dotal en se réservant tous ses biens comme paraphernaux, il ne saurait donc exister de dot. Du reste, ces divers régimes peuvent être modifiés par des conventions (voyez art. 1497, 1534, 1539, 1575, 1581). Le régime de la communauté, tel qu'il se trouvait établi dans la coutume de Paris, a servi de base au système que les auteurs du Code ont adopté; par conséquent, lorsque le doute s'élève sur quelque point, il faut chercher la pensée du législateur dans les règles coutumières; de même qu'il faut se reporter au droit romain, en cas d'obscurité sur quelque disposition comprise dans le régime dotal, puisque ce régime nous vient des Romains. Quant aux articles 1530-1539, comme ils n'ont point d'antécédents, on doit les considérer dans leur ensemble, Le régime de la communauté légale forme le droit commun de la France (1393); les parties sont censées vouloir adopter toutes les dispositions de ce régime qu'elles n'ont pas modifiées (1528). Comme les conventions matrimoniales n'intéressent pas seulement les contractants, mais encore les tiers, la loi prescrit des mesures pour assurer leur inviolabilité; elle veut que ces conventions soient constatées par un acte notarié, et défend d'apporter aucuns changements à cet acte après la célébration (1395): mais jusqu'alors, elles peuvent être modifiées et même détruites en totalité ou en partie. Toutefois, pour que ces changements produisent leur effet vis-àvis des époux, la loi exige qu'ils aient eu lieu avec le concours et le consentement simultané de toutes les personnes qui ont été parties au contrat de mariage (1396); pour qu'ils puissent ètre opposés aux tiers, elle veut, de plus, qu'ils aient été rédigés à la suite de la minute du contrat: cette condition accomplie, les parties ont fait tout ce que l'on pouvait attendre d'elles: s'il arrive que le notaire néglige de faire mention des changements à la suite des grosses ou expéditions qu'il délivre, il encourt des dommages-intérêts envers les tiers (1397). La loi du 10 juillet 1850 exige que les contrats de mariage soient rendus publics (voyez art. 75 et 76, p. 407 et suiv., 2e v., et les art. 1391 et 1494). En général, toute personne capable de se marier est habile à régler ses conventions matrimoniales; la loi exige seulement, pour le mineur, qu'il soit assisté des personnes dont le consentement est requis pour la validité de son mariage (1398). Conventions que peut renfermer le contrat de mariage. 1387 - La loi ne régit l'association conjugale, quant aux biens, qu'à défaut de conventions spéciales, que les époux peuvent faire comme ils le jugent à propos, pourvu qu'elles ne soient pas contraires aux bonnes mœurs (1) et, en outre, sous les modifications qui suivent. = Les futurs époux jouissent d'une entière liberté pour le règlement de leurs intérêts pécuniaires (1497, 1527, 1581): l'ordre public l'exige ainsi, car la société est intéressée aux mariages; - bien plus, on admet, dans les contrats de mariage, certaines clauses qui, dans tout autre contrat, seraient frappées de nullité : - par ex., les futurs époux peuvent convenir, que leurs immeubles à venir tomberont en propriété dans la société conjugale (1526), ou que la communauté entière appartiendra à l'un d'eux seulement (1525); ce qui est contraire aux règles générales des sociétés: en effet, aux termes de l'art. 1837, les sociétés ordinaires ne peuvent comprendre les biens à venir que pour la jouissance, et l'article 1855 déclare nulle, toute clause qui attribuerait à l'un des associés la totalité des bénéfices; - les futurs époux ont également la faculté de modifier les règles établies par la loi sur les divers régimes (1387): par ex., ils peuvent valablement stipuler, en se mariant sous le régime de la communauté, l'inaliénabilité de la dot (2); réciproquement, ils peuvent en se mariant sous le régime dotal, se réserver la faculté d'aliéner les immeubles dotaux (1557). - Comparez encore, pour d'autres exemples, les art. 903, 904, 944, 945, 946, 947, 1082, 1086, 1095, 1309, 1398. La loi se borne à interdire aux époux les conventions contraires (1) Cette expression est employée ici dans un sens large; elle comprend aussi les conventions qui sont contraires à l'ordre public. (2) Toull. t. 12 n. 372, Zach. p. 402. Paris, 30 mai 1835, Dev. 1835 2 558. |