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Dont, tout considéré, doibt-on enthièrement confesser que la grâce et l'ayde de Dieu tout-puissant en toutes manières trèsmiraculeusement ha œuvré pour le costé de la ville, leur ayant conféré et dirigé telle vaillantise et force, laquelle au plus périlleux danger ha peu se tenir contre toute la grande (ains malheureuse) puissance de l'ennemy en contre-poix, quand ce ne fust sans cecy encoires que, tant seulement depuis la cheute des susdicts balcons-leviz, l'ennemy en fort brief espace fust survaincu, lequel en si grand nombre estoit occupant un si fort compris et contour de la ville, lequel soy-mesmes assez en forme d'ung chasteau se desseigne, y ayant plus que assez de moyen pour si longuement escarmoucher qu'on eusse peu faire ouverture d'une porte fermée, au cas qu'ilz eussent eu en vue d'y remordre derechief avecq leur plaine puissance, et que ceulx de la ville ne leur eussent ainsy aliéné et renfermé le couraige, mais ayants encoires, par coupemens et brisemens à travers la susdicte herse, recouvert à leur advantaige derechieff certaine ouverture, ont advanché et faict avecq ce semblable prouffict comme les aultres firent par les fossez de la ville.

On ha conquiz dedans la ville environ vingt rondasses ennemies et grande abondance de musquettes, d'aultres harcquebouses et de toutes sortes de corseletz et armures, avecq bien notable et grand nombre de bons chevaulx. Et si ha-on trouvé que, du costé de l'ennemy, assez oultre cent et soixante (y comprins certain petit nombre de prisonniers, qui bientost aprèz y furent quant et quant aussy dépeschez) dedans ladicte. ville ont esté tirez et mis à mort, entre lesquelz furent ung Truxes, frère du déchassé apostat archevesque de Couloigne; item le bastard de Nassou ou filz naturel du prince d'Oranges, selon toute présumption, et oultre ce plusieurs divers capitaines, lieutenans, enseignes et aultres officiaulx et gentilzhommes, tous lesquelz, jaçoit que soyent aussy de singulier renom et estime, pour cause ne se mectent ichy par noms (par

dessus lesquelz aulcuns d'importance encoires demeurent prisonniers). Et de semblable estoffe sont les noyez aussy notablement esté accompagnez, desquelz beaucoup oultre la centaine ont esté tirez dehors, retenans encoires pour les poissons ung bon nombre guères trouvable ès profonditez et abismes de l'eaue illecq. Oultre ce, peult l'ennemy mesme sçavoir en quelle belle façon de garniture et compaignie de morts et blessez, tant à chariot que aultrement, il s'est retiré par le chemin derechieff en arrière vers le logiz : quoy concernant le bruict assez amplement en vole et apporte nouvelles de plusieurs centaines.

Ceulx de la ville n'ont peu faillir de souffrir aussy desplorable dommaige en ung si dur escot et combat ayant duré jusques aux unze heures devant midy, et doibvent avoir la pacience et se consoler avecq le nombre de six vingtz bonnement, tant mortz que blessez, desquelz les deux tierces partz à peine restent cncoires en vie et selon qu'on espère curables. Sur ce soit repoz aux trespassez, paix et tranquillité aux vivans, et louange au bon Dieu omnipotent.

(Originaux, aux Archives du royaume.)

CCCCXLV.

Lettre de Philippe II au prince de Parme touchant les affaires de la ville de Gand: 7 mars 1585.

(Extrait.)

Mon bon nepveu, estant arrivé, le septième de décembre de l'an passé, vostre pacquet du mois de novembre précédent, avecч aultres lettres vostres de date plus vieille, j'assignay au

dience, deux jours devant ma sortie de Madrid, pour m'estre faict rapport des affaires de mes pays d'embas, afin d'y prendre résolution et vous faire responce sur les poinctz reprins par lesdictes lettres; laquelle néantmoins a esté retardée à l'occasion du voyage des ministres que s'y debvoient employer. Lesquelz se treuvans présentement devers moy, yra icelle response par ce dépesche louant, premiers, la dextérité et discrétion que, comme contient vostre lettre d'Estat du xuo dudict novembre, a esté employée vers ceulx de la ville de Gand par ceulx que y aviez envoyé pour introduire en ladicte ville si grand nombre de gens de guerre, tant de cheval que de pied; estimant que par ce commencement ce n'a esté peu de chose s'en asseurer en telle manière, veu mesmes que la craincte qu'ilz pouvoient avoir à l'occasion de leurs faultes passées eult peu engendrer quelque doubte et arrière-pensée. Par où convient tant plus songner et tenir la bonne main que ladicte garnison, signamment leurs chiefz, capitaines et officiers, ne s'y desbordent aulcunement, et sur le tout ilz ne s'advancent (comme a esté faict cy-devant) de vilipender, enfraindre ny diminuer l'aucthorité et puissance légitime du magistrat, lequel doibt entièrement estre soustenu, favorisé et appuyé aultant que bonnement faire se pourra, n'y ayant chose du monde que plus peult rasseurer la bonne police et gouvernement d'une ville que le respect et soustien du magistrat d'icelle; aussi se rendent les bourgeois plus voluntaires à porter les communes charges et fraiz que, selon les occurrences, leur conviendra imposer pour entretenir lesdicts gens de guerre, nonobstant que finablement la charge de garnison si grande sera audict Gand trop griefve, et conviendra la réduire à nombre assez moindre que n'y est à présent bien entendu que cela se face lorsque le chasteau sera en meilleurs termes de réfection et furny de toutes munitions et vivres que en tel cas sont requises, afin que l'on soit hors de doubte de tomber de nouveau és inconvéniens passez.

Je croy facillement que ledict Gand eult plus longuement peu soustenir le siége au moyen des provisions que encoires leur restoient. Aussy est-il aysé de veoir que si, après le recouvrement de Duynkercke, ilz se fussent advisez de se pourveoir des vivres qu'ilz avoient à la main par la voye de Hollande et Zeelande, le progrès de mes affaires de ce costel-là ne fût réuscy si heureusement comme il a faict à la faveur de Dieu et au moyen de vostre vigilance: ce que doibt donner occasion de traicter lesdicts de Gand plus doulcement et discrètement, pour inviter aultres villes à prendre la mesme bonne résolution que ceste-cy a faict, estant à craindre que, y procédant d'aultre pied, il en adviendra le contraire, et tardera-l'on à donner fin à ceste longue et dispendieuse guerre civile, laquelle va espuisant des grands trésors, oultre la diminution de mon demaine de par delà. Ce néantmoings, ne sera interrompue la continuation des provisions que se furnissent doiz icy, comme a esté faict jusques oires...........

A tant, mon bon nepveu, Nostre-Seigneur vous ait en sa saincte garde.

Dèz Çaragoça en Aragon, le vie de mars 1585.

A. DE LALOO.

PULE.

Suscription: A mon bon nepveu le prince de Parme et de Plaisance, lieutenant, gouverneur et capitaine général de mes pays d'embas et de Bourgongne.

(Original, aux Archives du royaume.)

CCCCXLVI.

Lettre du prince de Parme à Philippe II sur les premières mesures qu'il a prises après la réduction de Bruxelles (1) et sur l'état dans lequel les commissaires qu'il a envoyés en cette ville l'ont trouvée : 30 avril 1585.

(Extrait.)

Sire, suyvant le traitté, l'ordre s'est mis en la ville de Bruxelles, où j'avois envoyé les président Richardot et secrétaire Garnier, et s'y est renouvelé le magistrat et restably les guldes des plus notables et catholicques, au contentement de tous les gens de bien, et de manière que j'espère, avecq l'ayde de Dieu, les choses y seront fort bien asseurées : ayant escript à ceulx des consaulx (2) d'incontinent s'y transporter et y reprendre leur résidence ordinaire, par où ladicte ville, merveilleusement appauvrie et exténuée, se pourra ung peu remectre. Les chartres de Brabant, qui soulloient estre à Vilvorde, y sont bien gardées, ensemble plusieurs lettraiges d'importance, selon que ledict Richardot m'a rapporté qui est ung trésor fort principal pour la direction des affaires de Vostre Majesté. Aussi y sont les colliers et habillemens de l'Ordre (3), la Bibliothecque, le Parcq entiers, le palais peu gasté, et tout en meilleur ordre que je ne pensois.................

Sire, etc. De Bevere, ce dernier d'apvril 1585.

(Minute, aux Archives du royaume.)

(1) Nous avons donné, sous le no CCCXLIII de ces Analectes, une volumineuse série de documents concernant la réduction de Bruxelles. (2) Les conseils d'État, privé et des finances.

(3) De la Toison d'or.

TOME XIIIme, 3me SÉRIE.

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