CCCCXXVII. Lettres de pardon et rémission accordées par Philippe II aux corps et communautés des ville et châtellenie de Courtrai, ainsi qu'aux bourgeois, manants et habitants desdites ville et châtellenie, pour la part qu'ils avaient prise à l'insurrection : février 1581 (1). .. PHILIPPE, etc. Sçavoir faisons à tous présens et advenir que, comme le corps, ville et communaulté, bourgeois, manans et habitans de nostre ville de Courtray ayent, contre tout debvoir de bons subjectz, rebellé et prins les armes contre nous, leur seigneur souverain et prince naturel; introduict en icelle ville les Gantois et aultres noz ennemis, héréticques et rebelles et prédicans de diverses sectes, contraire à nostre saincte foy catholicque, appostolicque, romaine; institué et souffert estre instituez en ladicte ville dix-huict hommes, gens factieulx, héréticques et ennemis du service de Dieu et le nostre; renouvellé le magistrat de gens de semblable estoffe par voyes indeues et non accoustumées, y fourant la pluspart desdicts dix-huict; démoli aucunes églises et monastères, aussi partie de nostre chasteau dudit Courtray; vendu les cloches, aornemens, joyaulx et aultres biens, mesmes le propre fonds d'aucunes desdictes églises et monastères tant en ladicte ville que chastèlenie; déchassé et souffert estre déchassez les cordeliers et aultres gens de religions; violé les sacramens, profané lesdictes églises et brisé les autelz et imaiges dédiées et consacrées à l'honneur de Dieu et ses sainctz, et généralement com (1) Sous le n° CCCLXV de ces Analectes, nous avons donné une « Rela» tion des événements arrivés dans la ville de Courtrai depuis le mois » d'octobre 1577 jusqu'au mois de février 1580. » TOME XIIIme, Zme SÉRIE. 5 -- mis délictz et impiétez dont ilz se sont peu adviser, jusques à ce que, avecq l'ayde de Dieu, ladicte ville a esté réduicte à nostre obéissance par force d'armes; et combien que, pour toutes ces rébellions, voyes de faictz et exécrables excès et attentats, lesdicts de Courtray ayent notoirement encouru les peines de crimes de lèze-majesté divine et humaine, et conséquamment fourfaict corps et biens, ensemble tous les previléges, franchises, statutz, droictz et autoritez qui povoient compéter, tant au corps et communaulté de ladicte ville, compaignies, confrairies, guldes, colléges et mestiers d'icelle que aultrement, en général et particulier, de manière que, en détestation de telles et si obstinées iniquitez et offenses, nous cussions à bon droict peu démanteler, exterminer et assoler ladicte ville, à l'exemple et terreur des aultres qui ont faict ou vouldroient faire le mesme, toutesfois veullans plustost user de nostre clémence acoustumée et préférer grâce et miséricorde à rigeur de justice, nous avons, à grand, meur advis de conseil et par la délibération de nostre très-chier et très-amé bon nepveur le prince de Parme et de Plaisance, lieutenant, gouverneur et capitaine général de noz pays de par deçà, pardonné, quicté et remiz, pardonnons, quictons et remettons généralement et particulièrement, par ces présentes, au corps et communaulté de ladicte ville et chastèlenie de Courtray, bourgeois, manans et habitans d'icelle, de quelque sexe, qualité ou condition qu'ilz soient, tous les crimes, offences et excès dessus mentionnez, ensemble toutes peines corporelles, criminèles et civiles èsquelles à cause de ce ilz sont tombez, les recevant en grace et restituant à leurs bons noms, fame et renommée et biens non confisquez, tout ainsi et en la mesme forme et manière qu'ilz estoient auparavant l'advenu dudiet cas, saulf et excepté toutesfois les prisonniers, banniz et congiés, ensemble tous aultres chiefz et auteurs des désordres et excés susdiets, si comme ministres, diacres, consistoriaus, briseurs des églises, autelz et imaiges, et aultres ayant procuré l'entrée desdicts Gantois, ensemble ceulx ayans esté du colliége desdicts dix-huict hommes, du conseil de guerre, mesmes ceulx les ayant institué et estably, contre lesquelz l'on procèdera comme en termes de droict il appertiendra, bien entendu toutesfois qu'ilz pourront supplier pour grace, particulier narré de toutes circonstances, à quoy l'on aura le regard que sera trouvé convenir en termes de clémence et de grâce. Et quant à la justice et police que d'ores en avant l'on tiendra en ladicte ville, nous voulons et ordonnons que au faict d'icelle justice et police l'on se reigle selon la Caroline de l'an XVe quarante, ensemble les modérations et déclarations depuis ensuivy, saulf que nous ou noz commissaires au renouvellement de la loy de ladicte ville pourrons continuer pour la seconde année ung tierch ou la moictié, si bon nous semble et que le trouvons ainsi convenir, de ceulx de la loy précédente, et au surplus mectre en ladicte loy indifféramment tous manans et habitans desdictes ville et chastèlenie, sans pour cela les constraindre ou assubjectir aux bourgeoisies d'icelle ville et chastèlenie non plus qu'il estoient auparavant. Voulons et ordonnons aussi que le grand bailly desdictes ville et chastelenie de Courtray aura d'ores en avant entrée et libre accès aux colléges des eschevins de nostredicte ville de Courtray et des haults poinctres et francqs eschevins d'icelle chastèlenie en toutes leurs assemblées, fors ès causes où il sera partie formée, et que nulz mandemens ny ordonnances se pourront faire sans son sceu et adveu. Au surplus, nous avons déclairé et déclarons par cestes cassé, nul et comme non advenu l'achat que lesdicts de Courtray ont faict, durant ces troubles, de nostre terre nommé Den Broel, comme semblablement tous aultres aliénations, charges et transports de noz biens et demaines faicts au prouffit de ladicte ville et chastèlenie doiz la date de ladicte Caroline de l'an XVe quarante: cassant, annullant en oultre et déclairant estainctes toutes lettres et obligations, tant d'indempnitez que aultres, dont nous pourrions estre tenuz envers ceulx de ladicte ville et chastèlenie, soit conjoinctement ou appart; demeurans toutes et quelzconcques les debtes et rentes pour lesquelles ilz se sont obligez pour nous, aveeq les arriéraiges en escheuz, à leur charge, sans en povoir jamais prétendre aucun payement ou recouvrir, comme aussi nous déclarons nulles et sans effect toutes venditions et aliénations des lieux sacrez, pieulx et de religion faictes durant ces troubles, aussi toutes venditions des ornemens, reliquaires, calices et de toute aultre chose dédiée au service de Dieu, lesquelles se pourront répéter et vindícquer de ceulx qui les ont. Si avons applicqué et applicquons par cestes à nostre demaine certain moulin à eaue près la Leyeporte, nouvellement érigé et édiffié par ceulx dudiet Courtray sans nostre licence ou octroi, déclarant semblablement confisqué à nostre prouffit toute l'artillerie estant èsdictes ville et chastèlenie, avecq les amonitions, suitte et appertenances. Et quant aux estatz et offices de pensionnaires, greffiers, receveurs et aultres ayans esté à la disposition desdicts du magistrat et chastèlenie, nous en réservons à nous pour ceste fois la provision, soit pour continuer ceulx qui y sont ou en establir d'aultres, comme trouverons convenir. Bien entendu que, moyennant ceste nostre présente grâce et pardon, nostredicte ville de Courtray sera tenue de réparer les églises y ayans esté ruinées et démollies durant ces troubles, et restablir en deu estat le cloistre des cordeliers et aultres licux pieulx de ladiete ville, ensemble nostre maison et chasteau illecq, saulf leur recouvrir contre ceulx qui auront esté chiefz et auteurs desdicts saccaigemens, sacriléges et ruines: à laquelle fin leur sera donné ottroy pertinent, si avant que besoin soit; contre lesquelz aussi ilz pourront recouvrer les fraiz, mises et despens faictz pour les informations tenues sur le faict de ladicte rébellion, èsquelz avons condempné lesdictes ville et chastèlenie respectivement, chascune à moictié. Tous lesquelz poinetz et articles nous voulons et commandons estre punctuellement et inviolablement gardez et observez, réservant à nous, noz hoirs et successeurs, contes ou contesses de Flandres, de les interpréter, changer, amplier ou modérer selon que pour le meilleur maintiennement, bénéfice et prospérité de ladicte ville et nostre service sera trouvé convenir. Si donnons en mandement à noz très-chiers et féaulx les chief, présidens et gens de noz privé et grand consaulx, président et gens de nostre conseil en Flandres, souverain bailly dudict Flandres et à tous aultres noz justiciers officiers et subjectz cuy ce regardera, que ceste nostre présente grâce, pardon, rémission, déclaration, ordonnance et cassation, aux conditions, selon et en la forme et manière que dict est, ilz gardent, observent et entretiennent, facent garder, observer et entretenir inviolablement et à tousjours, sans y faire, mectre ou donner, ny souffrir estre faict, mis ou donné, ores ny au temps advenir, aucun trouble ou empeschement au contraire: car ainsi nous plaist-il. Et afin que ce soit chose ferme et estable à tousjours, nous avons faict mectre nostre seel à ces présentes, saulf en aultres choses nostre droict et l'aultruy en toutes. Donné en nostre ville de Mons au mois de febvrier, l'an de grace mil cineq cens IIIII, de noz règnes, assçavoir des Espaignes, Sicille, etc., le xxvi, et de Naples le xxvi°. Sur le ply estoit escript: Par le Roy, signé VERREYKEN. Sur le doz estoit escript: Publié à la bretecque de la ville de Courtray en présence du seigneur de Zweveghem, gouverneur en ladicte ville et chastèlenie, maistre Pierre de Steelant, conseillier ordinaire du Roy, et François Roose, aussi conseillier du Roy et son procureur général de Flandres, ad ce députez; présent aussi le magistrat d'icelle ville, aveeq grand nombre d'auditeurs au Marchiet embas, le xxıo de mars XV IIII**I. Moy aussi présent: J. BOTERBERGE. |