Mais quand, par-dessus ce, nous voions clairement que cestuy orgueil de Senachérib est si extrême et insupportable que non-seullement il tâche publicquement de mettre soubz les piedz la saincte parolle de Dieu et vraye religion, mais aussi forcéement priver vostre ville de tous ses anciens et louables coustumes et previléges, et oppresser à jamais nostre chière patrie de nations estrangières, quelle misère et calamité, voires quelle mort pourrions estimer si dure et horrible que ne vouldrions plustost choisir (si avant que besoing fût) que, après une si longue et dure guerre, nous plyer soubz le joug de telz orgueilleux, pour servir de farce et risée à toutes les nations du monde et nous rendre perpétuelz esclaves des Espaignolz? Par où, messieurs, nous réjoyssons grandement de ceste virille résolution que, par la singulière grâce de Dieu, avez présentement prinse, et avecq ung heur et dextérité tant mirable mené à bonne fin: vous prians bien instamment d'y vouloir constament persévérer, et principallement ne donner audience aux traistres de la patrie, lesquelz, soubz umbre de paix, ne cherchent sinon vous despouller de toute tranquilité, liberté et prospérité, tant temporelle que perpétuelle, vous proposant, par dextérité et ruse de parolles, la grande puissance de l'ennemy, lequel ne se pourroit icy maintenir ung jour, ne fût que eulx et leurs semblables leur missent voluntairement ès mains villes et provinces entières; vous intimidant de l'impression de la destruction de la ville si avant qu'elle ne viègne à se rendre, là où ne se peult excogiter misère ny ruyne plus griefve et extrême que celle qu'elle auroit à attendre en cas que, par pusilanimité ou lâcheté de couraige, vous vinssiez à tumber entre les mains de telz ennemys, dont ce bon Dieu vous veulle avecq nous tous préserver. Car, quant nous considérons qu'eulx, n'estans encoires maistres du pays, ne peuvent tou tesfois couvrir ny cacher leur horrible cruauté et hayne enracinée contre tous ceulx de ces pays, et nomméement contre ceulx de la religion, nous povons par ce assez conclure ce que nous aurions à attendre, si avant qu'ayans une foiz veu nostre pusilanimité, ilz vinssent plainement et absolutement estre maistres: ains nous espérons que Dieu ne le permettra jamais, veu qu'il nous at jusques ores si admirablement assisté que n'avons occasion de aucunement nous défyer de luy. Par où veullez prendre bon couraige, démonstrant et faisant apparoistre une virile constance. Cependant ne fauldrous d'employer tous noz moyens pour vous donner tout secours, ayde et assistence. Auquel effect, considérans que le Sr de Ryhoven n'estoit encoires retourné d'Hollande, nous avons trouvé convenir de vous envoyer présentement ung secours de quatre cens bons soldatz et aultant de provision de bure et fromaige que se pourra aucunement charger à Tenremonde, sans encoires nous vouloir de ce contenter, ains chercherons tous moyens que vous apperceverez, non par lettres ou de parolles, mais par effect, combien vostre bien et délivrance nous est à cœur et en recommandation. Vous advertissant aussi, par cestes, que ceulx de la garnison de Cambray ont, ces jours passez, bruslé grand nombre de villaiges ès pays d'Artois et Haynnau et réduict les malcontens en mauvais termes : de sorte qu'ilz seront constrainctz de faire marcher celle part partie de leur cavaillerie; ayans aussi failly en Frise à l'entreprinse qu'ilz avoient sur main de se faire maistres de la rivière en Ryderlandt. Et d'abundant sont les choses de la Veluwe en telz termes que, d'heure à aultre, nous sumes attendans nouvelles que le fort devant Zutphen (contre lequel les nostres ont dressé et érigé une plate-forme d'où ilz font grand mal à ceulx qui y sont dedens) sera réduict en nostre povoir. Par où nous aurons, avecq la grâce de Dieu, bientost moyen de venir et faire marcher tout nostre camp vers Flandres, et faire retirer les forces de l'ennemy hors du pays de Waes. Pendant lequel temps ne délaisserons d'entrer en communication aveeq voz députez, ausquelz ferons partienlièrement entendre l'estat des affaires, en telle sorte que nous espérons que de ce aurez occasion de recevoir tout bon contentement et satisfaction: ce que ne trouvons convenir de fier à la plume. Seullement prenons bon couraige et ayons fiance à ce bon Dieu, persistans en nostre désignée résolution, aussi en la vraye religion et en la liberté de nostre chière patrie (qui maintenant nous est ottroyée de Dieu) jusques au dernier goust de nostre sang. A quoi vous offrons toute ayde et assistence, bonne amitié et correspondence possible, prians au Créateur, messieurs, etc. D'Anvers, le xvu" de may 1584. Ainsi soubscript: Les députez des estatz de Brabant, voz affectionnez amys et confédérez. Et plus bas : Par ordonnance d'iceulx, et signé CALVART. Suscription: Aux échevins de la keure de la ville de Gand. CCCCXXXVI. Lettre du prince de Parme à Philippe II sur la reddition de la ville d'Ypres : 21 mai 1584. (Extrait.) Sire, Vostre Majesté aura, passé quelques jours, entendu le succès particulier de la rendition en son obéissance de la ville d'Ypre, soubz les conditions que j'envoie présentement à icelle (1): en quoy elle trouvera que non-seulement l'an (1) Voy. les nos CCCCXXXII et CCCCXXXIII. TOME XIIIme, 3the SÉRIE. 7 chienne religion catholicque romaine n'est au moindre poinct du monde lésée, ny aussi l'authorité de Vostre Majesté, mais que absolutement et simplement est remise soubz son obéissance, et aucuns des plus délinquans réservez, pour en faire et disposer à son bon plaisir et selon sa clémence accoustumée. Je sçay bien que la pertinacité et malice desdicts d'Ypre, tant pour le regard des gens de guerre que bourgeois et inhabitans, méritoient chastoy exemplaire, à terreur des aultres, mesmement ceulx qui estoient réservez à la miséricorde: mais, d'aultre part, je considère que ne désire rien plus qu'advancher la fin de ces misères, et que j'avois soubz main des traictez avecq Gand, Bruges et Francq, et qu'il convenoit encore user de clémence. Ladicte ville est au povoir de Vre Mtd, y ayant mis, pour la garde d'icelle (tant que j'aye illec entièrement donné l'ordre requis) le Sa du Werp avecq les trouppes qui ont esté au fort près ledict Ypre, les y faisant vivre bien reiglément, moiennant paiement que leur a esté faict des deniers venans de la somme en laquelle lesdicts d'Ypre ont esté mulctez; ayant semblablement, pour le respect du restablissement de la religion, à saulte d'évesque, procuré faire venir celluy de SainctAumer, le plus voisin dudict lieu, lequel entend présentement à réconcilier les églises, recueiller les curez, chanoines et gens d'Église, remettre le sainct service divin, absouldre les confessans et pénitens, et restablir l'exercice de nostre religion, comme aussi, pour le regard du politicq et civil, j'ay envoié certains commissaires (1) pour mesmement informer des plus qualifiez pour commettre au magistrat et administrer la justice, que j'entens establir seulement de bons catholicques, et quasi tous de ceulx qui sont esté exilez et déchassez (1) Voy. l'instruction du 14 avril, sous le n° CCCCXXXIV. par les héréticques hors de ladicte ville et plat pays à l'environ, comme estans les personnes les plus asseurées; entendant pareillement repurger ladicte ville des plus pernicieux et mauvais et faire annoter les biens des rebelles. Et le mesine se fera pour la justice du plat pays, à fin de petit à petit remettre les choses à l'anchien pied, tant en la religion que justice et police.............. De Tournay, le xxıo de may 1584. (Minute, aux Archives du royaume.) CCCCXXXVII. Capitulations accordées par le prince de Parme à la garnison ainsi qu'aux magistrat et bourgeois de la ville de Termonde: 17 août 1584. SON ALTÈZE, ayant veu les articles proposez par le seigneur de Mortaigne, capitaines, officiers et soldatz estans en garnison en la ville de Denremonde, et après quelques communications verbales tenues d'une part et d'aultre, désirant monstrer toute doulceur plustost qu'employer sa force, est contente qu'ilz puissent sortir et se retirer librement la part que bon leur semblera, portans, quant à eulx seulement, espées et dagues: leur promectant les faire conduire seurement, avecq escolte et convoy, jusques auprèz de Willebroeck, sans souffrir qu'aucun tort leur soit faict, à condition qu'ilz sortiront promptement, sans emmener quant et eulx aucuns prisonniers, et qu'ilz n'attenteront riens davantaige en ladicte ville qui puist estre préjudiciable au Roy ou à ceste armée. Faict en la ville de Denremonde, le dix-septiesme en aougst XVe quatre-vingtz quatre. ! |