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moins cé que semblent dire ces lignes quelque peu chagrines que nous fournissent les recueils du temps :

<< Si vous le trouvez bon», écrit d'abord, à Madame de Sévigné, Bussy-Rabutin, « je vous ferai faire quelques réflexions sur la mort de la vieille Puisieux. Nous en voilà délivrés! Ne trouvez-vous pas qu'elle contraignoit un peu trop ses amis? Il falloit marcher droit avec elle ! » Madame de Sévigné répond : « Cette Puisieux étoit bien épineuse! Dieu veuille avoir son àme ! Quand elle fut preste à mourir, l'année passée, je disois en voyant sa triste convalescence et sa décrépitude Mon Dieu elle mourra deux fois bien près l'une de l'autre ! Ne disois-je pas vrai ? » «Je suis triste, Monsieur, » écrivoit à son tour le 10 septembre, Madame de Scudéry à Bussy-Rabutin, « je viens de l'enterrement de Madame de Puisieux, on n'a jamais veu une personne mourir si vivante, avec tant de feu et de présence d'esprit. Il n'y avoit que quinze personnes à l'enterrement de cette femme, si connue et si recherchée »; et Bussy répondait le 15 septembre: « La mort de Madame de Puisieux m'a autant surpris que si elle n'avoit eu que trente ans. Dieu veuille que nous allions aussy loin, avec un aussi bon esprit qu'elle en avoit. Ce peu de monde connu à son enterrement, après avoir été si recherchée pendant sa vie, marque nonseulement la lâcheté du cœur humain, mais encore la crainte qu'on avoit d'elle quand elle vivoit. (Lettres de Bussy-Rabutin, citées par M. P. P. dans son commentaire de Tallement des Réaux, t. Ier, p. 479.)

On sait par les propos de Tallement et par divers écrits du temps que Madame de Puisieux ne fut pas plus ménagère de sa fortune que de celle de sa maison. Nous avons dans nos propres papiers un Etat des deniers employés par Madame, depuis le décès de feu Monseigneur, tant en acquit des dettes mobiliaires qui estoient dues du vivant de mondit seigneur qu'en dépenses extraordinaires faites depuis. On y lit entre autres choses :

Premièrement. La somme de 90,000 livres à plusieurs marchands, ouvriers et autres qui avoient fourni et travaillé pour la maison du vivant de Monseigneur, tant à Paris, Présigny, Marines, que Sillery, en ce compris quelque chose pour Monsieur de Sillery...

Plus la somme de 8,000 livres pour les frais généraux de feu Monseigneur, sans y comprendre les habits de deuil.

A M. le Fegneux, 3,800 livres qui lui estoient deus par obligation de feu Mgr, et qu'il avoit emprunté pour payer le reçu des ouvrages de menuiserie de Bergny (Berni).

V

Au sieur de Cazanove la somme de 4,000 liv., restant de 6,000 liv., contenus en une promesse de feu Mgr. pour ses appointements.

Plus madame a envoyé à Malte la somme de 4,200 livres pour Mons le Chevalier son fils.

Plus madite dame a desboursé pour Madame sa fille, religieuse, à sa profession, pour le present à l'église, dons, festins et voiage en Champagne, la somme de 12,000 livres. Plus au même voyage, la somme de 13,500 livres pour le bastiment d'un grand pavillon au chasteau,de Sillery, que feu Mgr avait fait commencer jusques au cordon hors l'eau, et qu'il falloit par nécessité achever, parce que pour ce faire il avoit fait abbattre l'encoignure dudit chasteau, à l'endroit dudit pavillon.

Plus madame a payé aux habitans de sa terre de Fontaine, 1,500 liv. pour acquisition de bois de leur communauté.....

Suivent d'autres dépenses s'élevant ensemble à la somme de 169,000 livres que Madame dit avoir effectivement desboursée, et qu'elle a pris sur son revenu depuis cinq ans, et dont elle peut dire avoir acquitté et deschargé la maison.

Suit encore un autre mémoire des dettes mobilières de Madame, s'élevant à la somme de 68,500 livres.

Dans notre historique, nous avons eu occasion de reproduire quelques passages de l'oraison funèbre prononcée dans l'église abbatiale par le P. Floriot, le 13 mars 1687, le jour même de l'inhumation de Madame Brulart de Sillery. Bien que, suivant le constant adage, une oraison funèbre tourne forcément au panégyrique, comme il s'y trouve toujours quelques traits de caractère bons à recueillir, nous achèverons cette partie de notre appendice par une nouvelle citation à la louange de Marie-Eléonore Brulart de Sillery. Nous avons dit qu'elle contribua puissamment à la réparation des bâtiments et à l'embellissement du monastère :

Il lui vint en pensée, dit le P. Floriot, d'orner cette royale maison et de la parer de tout ce qui étoit nécessaire, tellement que l'on trouvoit partout soit dans l'église, au cloistre, au chapitre; soit au réfectoire, à la communauté, aux dortoirs, aux infirmeries, aux jardins ; soit encore aux clôtures qui furent en partie l'objet de ses soins, des marques de sa magnificence et de son goût.....

Elle avoit un tour d'esprit si délicat et une manière de parler si éloquente, si aisée et si facile que c'estoit assez de l'écouter pour se rendre à tout ce qu'elle désiroit, c'estoit assez de l'entendre parler pour

la connoître. Mais ce qui la distingue et qui la caractérise, non pas seulement de son sexe mais même de tout le monde, c'est qu'elle avoit un art tout particulier pour passer des deux extrémités opposées, je veux dire de Dieu au monde, par un heureux mélange qu'elle faisoit des choses saintes aux prophanes, et n'en soyez nullement surpris, mais c'est qu'elle savoit l'histoire sainte, l'histoire de l'Eglise, celle de France et même celle des royaumes étrangers : elle avoit appris beaucoup de ces sortes de choses par son étude et son application, mais elle en savoit plus par la prière et la contemplation, mais ce qui fait sa gloire et ce qui la rend une véritable fille forte c'est qu'elle estoit au milieu de tant de sublimes élévations sans vanité et sans ostentation.....

Elle avoit un fond's inépuisable de trois choses, d'esprit, d'érudition et de bonté; par son esprit elle discernoit ce qu'elle devoit estre dans la conversation; par son érudition elle y fournissoit, et par sa bonté elle l'assaisonnoit agréablement, de sorte qu'elle n'avoit jamais de contretemps et il estoit rare qu'on sortit d'auprès d'elle mal satisfait, parce qu'elle avoit par son savoir-faire, l'art de plaire et de charmer..... et si au milieu de tant d'acclamations que l'on donnoit à son savoirfaire, à ses aimables manières, elle a eu néanmoins des ennemis, ce n'estoient que des jaloux et des envieux de sa gloire, où ils ne pouvoient atteindre, ny même approcher; mais les gens sages et les pérsonnes éclairées l'ont honorée et estimée avec justice. Ah! qu'une fille d'un caractère si distingué méritoit bien d'estre dans le grand monde pour l'éclairer de ses lumières et l'édifier de ses exemples; mais qu'elle étoit bien éloignée de ces sortes de sentiments! Elle avoit eu de belles et légitimes occasions, ayant esté priée de sortir plusieurs fois pour la bénédiction de quelques abbesses de ses amies qui l'en sollicitoient; mais elle répondoit toujours, avec le Prophète : Ecce elongavi fugiens, et préféroit la solitude à toutes les sorties, même les plus licites.....

L'église de Sillery conservait avant la révolution un dernier souvenir de la maison des Brulart. Voici ce que nous lisons dans le vol. 5,024-23, f° 665, de la Bibliothèque nationale.

L'épitaphe qui suit est en marbre noir dans l'église paroissiale de Sillery en Champagne, en la chapelle de la Vierge du costé de l'Epistre. Au haut de cette épitaphe sont les armes de Brulart, avec le collier des armes autour. Au-dessus du tableau qui est à l'autel de ladite chapelle de la Vierge, sont les armes de Brulart et d'Etampes avec les colliers des ordres autour.

ICY REPOSENT LES COEURS DE HAUT ET PUISSANT SEIGNEUR
MESSIRE ROGER BRULART, CHEVALIER DES ORDRES DU ROY,
LIEUTENANT-GÉNÉRAL LES ARMÉES, CONSEILLER D'ESTAT
D'ESPÉE, AMBASSADEUR EN SUISSE, MARQUIS DE SILLERY
ET DE PUISIEUX, VICOMTE DE Ludes, seigneur de Ver-
ZENAY, FONTAINES, ET AUTRES LIEUX, QUI DÉCÉDA LE 28
MARS 1719.

ET DE HAUTE ET PUISSANTE DAME MADAME CLAUDE GODET
DE RENNEVILLE, SON ÉPOUSE, QUI DÉCEDA LE 24 MAY 1681.
TOUS DEUX PLUS RECOMMANDABLES PAR LES VERTUS CHRES-
TIENNES, PAR LEURS RARES ET ÉMINENTES QUALITEZ QUE

PAR LEURS HAUTES NAISSANCES.

PRIEZ DIEU POUR LEURS Ames.

Avec ce dernier marquis de Sillery, petit-neveu de notre abbesse, s'éteignit cette branche de la maison Brulart. Le marquis Charles-Alexis Brulart, mari de madame de Genlis, appartenait à une branche puînée collatérale dont le maréchal Gérard, par alliance, fut le dernier représentant.

XLII Abbesse. Madame de Boufflers.

-

(1687 à 1720.)

Voici la lettre d'invitation des Chevaliers de l'Arquebuze de Reims à ceux d'Avenay, en vue du prix général qui devait être décerné en juin 1687. Ils se glorifient de la permission que le roi leur a donnée de lui ériger une statue dans le jardin même de leurs exercices : statue effectivement exécutée, et qui ne disparut que lors des destructions démocratiques, en 1792. Elle a été gravée, et et les collectionneurs en recherchent les exemplaires.

A Messieurs les Chevaliers de l'Arquebuze de la ville d'Avenay.

Messieurs,

L'étroite union qu'une amitié sincère a formée entre nous depuis tant de temps, nous engage aujourd'hui à vous faire part de la grâce que Sa Majesté vient de nous accorder par ses lettres patentes; comme

il ne nous sauroit arriver aucun bonheur qui ne rejaillisse en même temps sur vous, et que vous n'ayez droit pour ainsi dire de nous en demander le partage, nous n'avons pas voulu différer plus longtemps à vous donner avis de celuy qui doit établir cette année dans notre ville le prix général. Nous espérons qu'il sera d'autant plus solennel et agréable à tous les corps, qu'il réunira les provinces, qui avoient été séparées dans les autres villes, et qu'il ne fera qu'un bouquet de ceux de Vitry et de Sézanne. Nous ne scaurions cependant vous exprimer les transports de joye que nous ressentons par avance de l'honneur que vous devez nous faire en vous y rendant et nous sommes dans des impatiences continuelles de voir arriver ce temps heureux de vous envoyer le mandat: c'est là où nous nous réservons à vous rendre ce qui nous reste de devoir et de civilité en cette occasion, vous assurant que notre bonheur ne scauroit être parfait ny véritable que quand nous aurons l'avanrage de vous embrasser et de vous faire connaître avec combien de zèle et d'inclination nous sommes, Messieurs,

Vos très-humbles et très-obéissans serviteurs,

Les Capittaine, Roy, Lieutenant, Enseigne, Officiers et Chevaliers de l'Arquebuzade de Reims.

A Reims, ce 20 février 1687.

1688-1690. Pièces imprimées du procès entre l'abbaye et la communauté des habitants, dans la question du franc-alleu.

FACTUM pour Jean Cuillier, Jacques Martin et consorts, tous particuliers habitans du bourg d'Avenay, appelans et la communauté des habitans du mesme bourg, demandeurs en intervention.

Contre Toussaint-Souchet, sous-fermier du domaine du Roy a Epernay, intimé : Et les Dames religieuses, abbesse et couvent de Saint-Pierre d'Avenay, intervenans.

Signé : M. DE LA MOUCHE, rapporteur; BAUDOUIN, avocat; BAUDOUIN, Secrétaire.

C'est le factum dont nous avons donné un court extrait, p. 470, in-fo de 8 pages, sans nom d'imprimeur.

FACTUM pour Dame Marguerite-Françoise de Boufflers, abbesse, et et les Dame prieure, religieuses et couvent de l'abbaye de SaintPierre d'Avenay, de fondation royalle, intervenantes et deffendresses. Contre les habitans et communauté du bourg et territoire d'Avenay, intervenans et deffendeurs.

Signė M. DE LA MOUCHE, rapporteur; GORIOT procureur (in-f de 4 p.).

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