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ce qui me regarde, ils seroient exposés à ignorer tout ce que je viens d'écrire si Dieu disposoit bientôt de moy, et ils auroient à mon égard le même malheur dans lequel m'ont laissé mes pères qui après avoir perdu leurs papiers ne m'ont pas seulement laissé de mémoire.

Enfin j'ay écrit celuy cy pour leur apprendre que trois minoritez consécutives, la mauvaise conduitte d'une gardienne noble, un incendie, l'indolence de mes père et mère et une accumulation non interrompue de dettes, ont jetté ma famille dans la pauvreté et, de la pauvreté, dans un abbaissement dont il ny a qu'un méritte solide qui puisse les tirer. Mes enfans doivent se représenter sans cesse que, n'ayant point ou très peu de bien à espérer, ils ne doivent rien attendre que d'eux-mêmes. Loin de se laisser abbattre par cette réflexion, ils doivent au contraire s'en servir pour excitter leur courage à se tirer du malheur de leur situation. Tout est possible à l'homme, quand il veut efficacement, et rien ne luy est si possible que d'acquérir un vray et solide méritte: Il consiste à avoir une piété essentielle et sincère, sans laquelle on ne peut estre honneste homme I consiste à avoir de l'honneur et une probité fondamentalle dans le monde: Il consiste enfin à avoir une science solide des principes de la profession qu'on embrasse, jointe à une connoissance au moins généralle de la belle littérature. Ces trois points réunis font l'homme de meritte, et il est bien difficile que l'homme de méritte ne se tire de l'indigence et ne se procure les établissemens auxquels les gens médiocres ne parviennent jamais. En tous cas, il trouve, dans les sentiments d'un cœur bien réglé et dans les lumières d'un esprit éclairé, des ressources qui diminuent son malheur dans les disgrâces. Je conçois les obstacles que rencontrent presque tous ceux qui sont nez sans biens. Telle a esté de tout temps l'injustice des hommes qu'ils ont toujours prodigué leur encens et leurs graces aux hommes riches, tandis que les pauvres, quelsque

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vertueux qu'ils ayent esté, n'ont éprouvé que des mépris ; mais la persévérance dans le chemin de la vertu et de la science est seule capable de mettre un homme en état de surmonter une mauvaise fortune. Il n'est question pour luy que d'avoir du courage et de se proposer pour objet la vraie gloire de l'état qu'il embrasse. Ce motif l'engage nécessairement à acquérir du méritte. Et quand ce mérite est une fois connu, il est difficile que la solide gloire n'amène quelque degré de fortune à sa suitte. Voilà les principes auxquels mes enfans doivent s'attacher et que je leurs mets par écrit, dans la crainte d'estre prévenu par la mort. J'espère que la providence, qui éprouve les justes, mais qui ne les abandonne jamais, leur accordera sa protection, s'ils s'en rendent dignes.

A Nancy ce premier novembre mille sept cent quarantesix.

DE CHATEAUFORT.

Mon père s'est marié le 30 septembre 1736 avec AnneCécile Seinturier, veuve Marcol, qui avait un fils de son premier lit, qui est mort à Pont à-Mousson en 1750. Mon père a été reçu conseiller à la Cour souveraine en 1744 et fait toutes les remontrances de sa compagnie. En 1750 mourut Mme Catherine Barrois de Gomecourt, veuve de M. des Carreaux, dont mon père et ma tante étaient héritiers naturels. Elle les déshérita par une donation entre vifs faite à MM. de Brunet, qui ne fut connue qu'à sa mort. Il perdit son procès à Paris, le parlement ne voulant pas reconnaître la souveraineté des ducs de Lorraine sur le Barrois. Mon père en rappela; il fut débouté au conseil des dépêches, que M. de Belle-Isle présidait. Par là il se · vengea de la justice que mon père avait rendue à Gautier comme présidant la chambre et de ce que mon père avait refusé de se conduire selon ses vues et contre toute justice. Il en couta 20,000 fr. à la famille outre les fonds.

Mon père fut exilé le 2 mai 1758 à Sainte-Hyppolite, petite ville de Lorraine, frontière d'Alsace. Il fut destitué le 12 septembre. Le ministère ayant accordé un abonnement pour le 2e vingtième, mon père fut rappelé et remis en place, à la satisfaction du peuple et de la noblesse, qui la lui témoigna par des réjouissances. En 1759 l'empereur François nomma mon père un de ses commissaires pour les liquidations en Lorraine, avec 3,000 fr. d'appointements. En 1760 mon père, étant à Paris pour les affaires de la province, commissaire de sa compagnie, fut nommé par l'Empereur son commissaire en Cour de France, pour les mêmes liquidations, avec 50 louis par mois outre ses premiers appointements. En 1762 il fut nommé par le ministère français intendant à l'île Sainte-Hélie; il remercia, les affaires de l'empereur n'étant pas finies. En febvrier 1765 le ministère français prit des arrangements pour se l'associer; Mme la duchesse de Grandmont fut chargé de lui apporter ses patentes. Elle le trouva en bière le 15 mars 1765 à Paris, et a été entéré à Saint-Eustache. Il a laissé une veuve et sept enfans. La veuve a renoncé à sa communauté pour retirer ses portions patrimoniales, que le bien de Delouze a rempli, de préférence au bien que ses enfans avaient hérité de leur frère utérin. que mon père avoit dépensé pour soutenir les intérêts de la Province. La veuve a eu 1,200 fr. de pension de l'empereur, autant de la France. Les filles entre elles et à la survivante autant.

Mon frère Ignace-Romain Daristay de Chateaufort a été fait capitaine du bataillon de province, envoié ensuite en Pologne en 17.., ensuite consul en Amérique à Charlesthown en résidence en 17.. ; nommé consul en Russie, il n'a pas joint; il est allé en 1788 à Lisbonne comme consul. (Note de François-Pascal-Gabriel de Chateaufort.)

(Les Mémoires de Mme de Châteaufort seront publiés dans le volume de l'année prochaine.)

LES DERNIERS

VESTIGES DES
DES REMPARTS DE NANCY

PAR

M. Ch. PFISTER

A l'heure actuelle (fin mars 1898), des ouvriers sont occupés à démolir, sur une hauteur de plusieurs mètres, les épaisses murailles formant le dernier des bastions de Nancy qui soit encore debout; le comblement du fossé enterrera le reste; bientôt de ces anciens remparts qui avaient tant de célébrité, il ne demeurera plus rien — rien. que certains bourrelets rappelant à l'archéologue la place. où s'élevaient les bastions (1). La Société d'archéologie a cru qu'il était de son devoir de dresser le plan détaillé de la fortification qui va disparaître; M. Albert Barbier a bien voulu faire ce travail, avec une minutieuse exactitude. Sur la planche ci-jointe, à l'échelle de Om,0066 pour

(1) Trois de ces bourrelets doivent être signalés. Celui qui porte l'hôpital militaire et la Caisse d'épargne était l'ancien bastion SaintThiébault de la Ville-Neuve; celui sur lequel se trouvent les jardins de la communauté Saint-Charles était l'ancien bastion Saint-Nicolas le relief en était très accusé avant le percement de la rue des QuatreEglises); celui qui supporte les jardins de l'Evêché était l'ancien bastion de Vaudémont. Notons que sur la terrasse de la Pépinière, dans un jardin de la maison n° 2, l'on voit encore l'un des orillons de ce bastion; la pointe et toute la face droite sont fort bien conservées dans un autre jardin appartenant à M. Barbey (rue Sainte-Catherine no 5, ancienne maison des Frères de Saint-Jean de Dieu). A ces deux endroits l'on remarque contre le rempart les armes de Louis XIV: le soleil, l'aigle et la tête de lion.

10 mètres (1), il indique l'état actuel du bastion et de ses environs; en teinte rouge il donne l'état ancien tel qu'il existait après 1673; les lecteurs des Mémoires pourront aisément faire la comparaison. Notre tâche consiste à fournir quelques éclaircissements historiques. Nous nous aideron's des excellents conseils qu'a bien voulu nous donner M. Léon Lallement.

Nous distinguerons sur le plan six parties, désignées chacune par une lettre majuscule: A) le bastion qu'on est en train de démolir; B) le réduit sur lequel ce bastion s'appuie du côté de la ville; C) le bastion voisin dit Bastion de Danemark; D) la Citadelle comprise entre les deux portes appelées portes de la Craffe ou de Notre-Dame; E) l'ancien fossé entourant notre bastion; F) la demi-lune et la contrescarpe (2).

A) Bastion le Marquis. L'on n'est pas bien d'accord sur le nom du bastion qu'on démolit en ce moment, à droite du voyageur qui entre par la porte extérieure de Notre-Dame. Sur le plus ancien plan de Nancy, celui de La Ruelle en 1611, il est nommé Bastion le Marquis ; et ce nom est reproduit sur tous les plans du xvIIe siècle : celui de 1617, celui de Beaulieu, tant le plan d'ensemble de la ville que le plan de la citadelle à l'échelle de 80 toises, les diverses éditions du plan de De Fer (3). Il en est de même sur les plans de l'époque de Léopold : celui de dom Calmet et un beau plan manuscrit conservé à la Biblio

(1) Cette échelle a été adoptée pour faire tenir le plan dans le format des Mémoires.

(2) Nous avons eu à notre disposition pour faire cette étude un plan conservé à la Direction du génie et qui nous a été libéralement communi-. qué Plan de la citadelle faict à Nancy le 1er vendémiaire l'an quatrième de la République (23 septembre 1795) par l'ingénieur civil, chargé en chef des fortifications et bâtimens militaires à Nancy, Pont-à-Mousson et Nomeny, Mélin.

(3) Sur ces plans, voir notre Histoire de Nancy, p. xvi, xxu et

XXIII.

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