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rejoindre directement le corps-de-garde de la porte Stainville (notre porte Désilles); il se continuait ensuite au-delà de la porte, tournait à angle droit (1) et servait de mur d'octroi pour la Ville-Vieille agrandie, comme le mur de Léopold pour la Ville-Neuve.

D) Citadelle.-Nous donnons ici ce nom à l'espace compris entre les deux portes Notre-Dame ou de la Craffe. Nous avons dit comment la citadelle fut entièrement isolée de la ville par les Français en 1633. Notre intention n'est point de raconter ici l'histoire des deux portes qui la limitent. Nous rappelons seulement que la porte de la Craffe date du règne de Jean Ier (1346-1390), qu'en 1463 sous le règne de Jean II de Calabre elle fut modifiée, qu'à cette dernière date furent construites les tours si pittoresques qui existent encore; qu'au XVIIe siècle, au temps de l'occupation française, elle fut revêtue d'un ordre grec et qu'elle a retrouvé en 1861 sa physionomie gothique. Nous nous bornons aussi à rappeler que la seconde porte date de 1598 et que sa façade a été ornée de sculptures par notre grand artiste nancéien Florent Drouin (2). Dans l'intérieur de cette citadelle, les Français construisirent en 1633, du côté Ouest, un magasin de munitions et un magasin de vivres ; du côté Est deux bâtiments l'un pour le logement des officiers, l'autre pour celui des soldats (3). Ces constructions n'étaient que des baraquements en bois; mais, lors de la seconde occupation française (1670-1697), l'on éleva en d une caserne en pierre, nommée Caserne de la Citadelle et qui reçut sous la Révolution le nom de Charlemont, un noble anglais qui avait défendu avec

(1) Ce mur subsiste encore dans les jardins de la rue de l'Hospice. La rue de l'Hospice est un ancien chemin rural reliant la porte SaintJean à la route de Metz, vers Boudonville. Comme il est dommage que les maisons actuelles aient suivi le tracé de ce chemin tortueux, au lieu d'avoir été alignées le long du mur d'octroi !

(2) Voir notre Histoire de Nancy, t. I, p. 89-93.

(3) On consultera à ce sujet le plan de la Citadelle de Nancy de Beaufieu, à l'échelle de 80 toises.

énergie les droits de l'Irlande. Aujourd'hui elle se nomme la Caserne Hugo, le général, père de Victor Hugo, étant né dans notre ville. Le pavillon attenant à cette caserne à l'Est et où sont aujourd'hui les bureaux du génie fùt bâti en 1768; et, en 1787, la caserne elle-même qui n'était qu'un rez-de-chaussée fut élevée d'un étage. C'était d'abord une caserne d'infanterie; en 1832, lorsque la place manqua dans les écuries du quartier Saint-Jean, elle fut affectée à la cavalerie. Après la guerre, elle a abrité d'abord des artilleurs ; puis, depuis un certain temps déjà, elle sert au logement de la compagnie du génie. Dans la cour était jadis une petite chapelle, la chapelle Saint-Louis qui date de Louis XIV. Transformée en 1855 en forge pour la cavalerie, elle a été détruite en 1877. En face de la caserne, un petit bâtiment eee servait au XVIIIe siècle d'arsenal; depuis, il a été employé comme magasin du génie. Derrière la caserne enfin s'élève une poudrière qui fut construite en 1777, lorsque fut démolie la poudrière du bastion de Salm (1). Enfin, un dernier détail, si infime qu'il soit, doit être mentionné. Sur le rebord du bastion le Marquis en f, on remarque un petit contrefort avec de grandes pierres de tailles aux angles. C'étaient là non point un ouvrage de défense, comme nous l'avons entendu dire, mais de vulgaires latrines. Elles ont été construites en 1775; car à cette date il y avait communication au moyen d'une pente douce entre la caserne et le terre-plein du bastion (2). Jusqu'en 1842, ces latrines étaient à découvert dans le bas; mais, à la suite des craintes du choléra, l'on construisit une fosse ; et peu après, par suite de nouvelles dispositions, ce local devint inutile.

(1) Nous avons sous les yeux un État estimatif de la dépense à faire pour construire un magasin à poudre dans le terre-plein du bastion le Marquis à la date du 15 juillet 1777, signé Beylié. A la même époque, l'on établit deux magasins à poudre sur les bords de la Meurthe, non loin des Grands-Moulins.

(2) Ce n'est qu'en 1871, quand fut établie la promenade des Bastions, que fut élevé le mur vertical, qui fermait entièrement le quartier.

A la fin du XVIIIe siècle se sont bâties, dan 'intérieur de la Citadelle, une série de maisons particulières en gg. L'une d'elles, le no 15, portait naguère encore sur la façade la date de la construction: 1769. Sainte Marie, prie pour nous (1). L'état-major laissa faire; mais la propriété du terrain ne fut reconnue aux possesseurs que par arrêt du 15 avril 1774, avec autorisation de pratiquer des jours sur le derrière, mais sans porte d'entrée.. Malheureusement l'on a laissé l'une de ces maisons s'appuyer contre la porte de la Craffe même, et elle a caché l'inscription de droite rappelant la victoire de René II sur Charles le Téméraire. Ces maisons s'alignèrent de manière à former du côté de l'ouest une rue; à l'est, on limita cette rue par un grand mur de clôture qui commençait à la porte intérieure de la Craffe; une assez belle maison s'éleva aussi de ce côté, avec une fontaine assez pittoresque (2); la fontaine a fait place. à une banale fontaine candélabre. Au début, les habitants de la Citadelle se croyaient indépendants de la ville; il a fallu un arrêté spécial du Conseil d'État, en date du 4 mars 1769, pour les soumettre aux mêmes règlements de police que les autres Nancéiens (3).

E) Fossé. Le fossé qui, de ce côté, entourait le rempart et, d'une façon spéciale, le bastion le Marquis, avait une profondeur considérable (4). Ce fossé était inondé. Nul doute n'est possible pour qui regarde la perspective de la porte Notre-Dame d'Israël Silvestre. Au milieu se trouvait une cunette plus profonde. Le fossé était alimenté par l'étang Saint-Jean, qui recueillait les eaux de Villers et de Laxou,

(1) Courbe, Les rues de Nancy, I, 146.

(2) On vient de lui substituer une maison récente, qui suit un autre alignement. La fontaine était placée dans un enfoncement de la maison. L'eau sortait par la bouche d'une tête sculptée. Voir les dessins de la Bibliothèque de la ville.

(3) Lionnois, Histoire de Nancy, I, 382.

(4) Le mur d'escarpe devait avoir 11 mètres au-dessus du fossé; le mur de contrescarpe, 6 mètres.

alors point encore disséminées comme de nos jours. Quand toute communication entre la Ville-Vieille et l'étang fut rompue, ne coulait plus en ces fossés qu'un simple filet d'eau échappé des hauteurs de Boudonville (1). Ce même filet a permis d'établir de nos jours, dans le fossé, un lavoir public.

Dans le fossé abandonné ont poussé au siècle dernier de grands arbres, que la hache vient d'abattre. Depuis 1763, le terrain de ces fossés était accensé à divers particuliers, au profit des officiers de l'état-major; mais l'état-major céda en 1769 ses droits à la ville, contre paiement d'une somme annuelle de 6383 1. 14 s. L'arrangement fut approuvé par l'Intendant à la date du 6 avril et confirmé par le Conseil d'État le 1er mars 1783. La ville se libéra de cette rente en messidor an IV, et ainsi elle est demeurée jusqu'à nos jours proprié taire de ces terrains. En somme, elle gagna beaucoup à la convention de 1769. Par suite de la loi du 25 mars 1877, elle est devenue propriétaire en sus de tous les terrains dans l'intérieur de la Citadelle, outre ceux qui ont été bâtis par des particuliers et les terrains effectivement occupés par l'armée. On lui a aussi assuré la propriété des deux bastions le Marquis et le Duc et des réduits voisins. Même les deux tours de la Craffe lui ont été adjugées et, aujourd'hui qu'un nouveau corps d'armée a été installé à Nancy, le génie doit les louer à la municipalité pour les rendre à leur ancien usage de prison militaire.

Au

F) Double retranchement extérieur et contrescarpe. début, la ville de Nancy n'avait point d'ouvrage extérieur; sur le plan de La Ruelle, n'est indiqué qu'un ravelin audevant de la porte extérieure de Notre-Dame. Mais, en 1617, Jean L'Hoste construisit des demi-lunes, pour protéger la

(1) Les eaux de Boudonville pénétraient en ville par un aqueduc par dessus le fossé entre les deux bastions de Danemark et le Marquis : voir le plan de Nancy de Dom Calmet, sous le n° 125: mais ces eaux ne servaient qu'à l'alimentation.

courtine, dans l'intervalle de deux bastions. La demi-lune entre le bastion le Marquis et le bastion de Danemark s'appelait demi-lune de Danemark: elle ne se distinguait pas des autres demi-lunes construites autour de Nancy. C'était un simple ouvrage en terre, de forme triangulaire. Ainsi elle nous apparaît sur les plans de Mérian, sur celui de Jean Boisseau de 1646, sur le plan de la Citadelle de Beaulieu. La demi-lune fut démolie avec tous les remparts de Nancy en 1662; mais, quand elle fut refaite en 1672-1673, on lui donna une forme particulière; seule de tous les ouvrages extérieurs de Nancy, elle eut une contregarde. Elle se composait dès lors de quatre parties: 1o la demilune en forme de losange irrégulier; 20 un premier fossé; 3o un second retranchement ou contregarde, d'un relief un peu moindre; 4o un fossé extérieur avec chemin de ronde et glacis. Cette disposition est nettement indiquée sur les plans de De Fer de 1693, sur le plan de dom Calmet et sur le beau plan manuscrit de l'époque de Léopold déjà souvent cité.

La demi-lune de Danemark a été détruite, comme tous les ouvrages extérieurs de Nancy, en 1698, en vertu des stipulations de la paix de Ryswick. Mais la partie qui servait de contrescarpe au grand fossé a été forcément conservée; elle l'est encore aujourd'hui et elle présente quelques particularités curieuses que l'étude du terrain nous a révélées.

Dans l'intérieur de la demi-lune a été percé un souterrain qui subsiste encore et qu'on peut assez facilement visiter. Nous devons indiquer l'usage de ce souterrain, et pour cela revenons un peu sur nos pas, au bastion le Marquis. Dans l'orillon droit de ce bastion, au point où cet orillon se recourbe vers le front, avait été percé jadis dans l'intérieur du mur un escalier. Une petite baraque en bois, qui existe encore, indique l'entrée de l'escalier. Cet escalier secret conduisait à une poterne en i (voir le plan) cachée

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