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Denis d'Halicarnasse en était l'auteur, les autres ont cru que c'était Denis, premier tyran de Syracuse, ou Denis le jeune son fils, ou bien quelque autre personnage de l'antiquité qui s'appelait de même; mais tous les écrivains Arméniens s'accordent avec Fabricius pour la donner à Denis de Thrace. Nous adoptons sans hésiter cette dernière opinion, comme étant la plus ancienne et la plus probable, en nous abstenant de discussions et de conjectures qui ne répandraient aucune lumière nouvelle sur l'objet de science qui nous occupe ici spécialement.

Denis apprit la grammaire sous Aristarque de Samothrace ; il était né à Alexandrie d'un père nommé Tero ou Teros. Suivant quelques auteurs Arméniens, ce nom signifie célérité; mais d'autres n'ont vu dans ce mot qu'une simple qualification, ce qui est, au reste, fort indifférent.

Plusieurs l'appelèrent Denis le Rhodien, parce qu'il avait excrcé pendant plusieurs années des fonctions publiques à Rhodes, On l'appela aussi Denis de Thrace parce qu'il avait long-temps vécu dans cette contrée. Les Arméniens le désignent ordinairement sous ce dernier surnom, qui lui est resté. On croit qu'il habita Rome pendant quelques années, qu'il y donna des leçons de grammaire et qu'il y a vécu jusqu'à l'époque où le Sénat romain envoya Pompée dans l'Orient pour y continuer la guerre.

Il

y a tout lieu de penser que les Grecs de cette partie du monde ont été en possession du texte original de

la grammaire de Denis: peut-être même ne serait-il pas

impossible de retrouver dans quelque coin de l'Asie ou de l'Europe, ce texte en son entier, c'est-à-dire avec ce qui manque à celui que Fabricius a publié dans sa Bibliotheca greca, tome VII, pag. 26. édition de Hambourg. Dans la version arménienne de Denis, qui date du quatrième ou du cinquième siècle, on trouve ordinairement plus de matières relatives à la grammaire que dans l'original grec. Il en existe des copies dans plusieurs monastères de la Grande et de la Petite Arménie, ainsi que dans la bibliothèque Arménienne de Saint-Lazare de Venise; mais la Bibliothèque du Roi possède deux manuscrits en arménien, du même ouvrage, qui sont plus complets que les précédens. Nous avons conféré l'un avec l'autre et traduit en français l'ouvrage en entier, sur ces deux manuscrits; nous y avons joint aussi l'original grec, pris dans Fabricius, et nous allons le publier dans les trois langues à-la-fois.

L'ouvrage est un plan, un canevas de grammaire où l'auteur expose le système, la marche à suivre par un professeur, pour dicter avec méthode un cours complet d'études grecques, en suppléant de lui-même à ce qui n'est qu'effleuré dans le canevas: tels que les règles et principes accessoires de la langne qu'on enseigne, les formes des mots, les exemples à donner sur les usages tolérés dans la conversation ou admis dans le style, et tous les autres développemens qui s'appliquent à l'art d'écrire et de parler.

L'auteur commence par une définition de la grammaire; il présente ensuite des notions succinctes sur la lecture, sur les accents, les points, les lettres, les syl

labes, les mots, les noms, les verbes, les participes, les articles, les pronoms, les prépositions, les adverbes, les conjonctions, la prosodie, la mesure ou le mètre, les inflexions, les mots techniques, les déclinaisons et les conjugaisons. Chaque objet traité a som article ou son paragraphe à part.

Dans l'original grec incomplet, l'ouvrage est divisé en 25 articles; dans la version arménienne, plus ample, il en comprend 26, dont les 21 premiers renferment presque toutes les matières contenues dans le texte grec; les cinq derniers manquent dans l'original. Nous remarquerons que le 12 article du grec n'est que le de la version arménienne. Dans l'un comme dans l'autre, on ne trouve que des phrases d'une ou de deux lignes tout au plus.

Fabricius, d'après le témoignage de Porphyre, raconte qu'on avait ajouté à la grammaire de Denis des notions sur la prosodie et sur quelques autres parties. Nous regrettons beaucoup que Fabricius ait omis, dans sa bibliothèque, le texte grec de ces parties ajoutées qu'il attribue à d'autres auteurs: nous aurions pu comparer les styles et juger s'ils sont de la même main ou de plusieurs; mais les écrivains de l'Arménie ne paraispas avoir là-dessus le moindre doute : ils s'accordent à reconnaître que la version arménienne est entièrement conforme au texte original composé par Denis, et que le grec des lacunes remplies dans cette version pourrait être de lui.

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Outre ce surcroît de matière, la version arménienne présente de temps en temps des omissions ou plutôt

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des changemens dans les expressions employées simplement' comme exemples. Ces sortes de mutations n'y sont introduites que pour donner des modèles de phrases plus analogues aux tournures arméniennes; mais pour le reste, le traducteur, qui connaissait sa langue parfaitement et qui était aussi un excellent helléniste, a tâché de faire accorder les principes généraux du grec avec ceux de sa langue maternelle.

S'agit-il du nombre et de la valeur organique des lettres, il essaie d'en établir la concordance avec celles dont se composait de son temps l'alphabet arménien qui était alors de trente-six lettres.

Sur le duel, le genre conventionnel et certains autres points où les deux langues diffèrent essentiellement, le traducteur explique les règles du grec avec toute l'exactitude nécessaire; mais il cherche dans l'arménien même, les locutions qui s'en rapprochent le plus; il met à contribution tous les dialectes de la Grande et de la Petite Arménie, pour se créer des similitudes. En général, cette version arménienne est conforme presque partout au texte grec; les différences qu'on y trouve sont peu nombreuses et peu importantes: toute fois nous aurons soin de les indiquer dans les notes. Les hellénistes pourront en juger sur notre traduction, s'ils veulent prendre la peine de la conférer.

Nous avons rendu en français, aussi fidèlement qu'il nous a été possible, la version arménienne. Comme le style en est dans le goût du texte original grec, c'està-dire extrêmement concis, on y rencontre beaucoup d'ellipses; mais dans tous les endroits où il s'en trouve,

nous avons indiqué, entre deux parenthèses, les mots supprimés qui servent à les faire comprendre.

Il ne sera peut-être pas sans intérêt de placer ici quelques détails sur l'état des deux manuscrits Arméniens déposés à la Bibliothèque du Roi. Le premier est un petit cahier portant le N° 124; il est dans le format in-12 et ne renferme que la grammaire de Denis, écrite sur 12 feuillets ou 24 pages. On le conserve dans un dossier en maroquin rouge, aux armes de France, lié avec des rubans verts.

A la fin de la grammaire et au bas de la 24 page, on lit ces mots arméniens þè q¿5, du 22o livre; ce qui annonce que ce cahier faisait anciennement partie d'une collection de divers ouvrages réunis en un volume. On n'y remarque aucun mémorial, mais on doit présumer, d'après le genre d'écriture, qu'il a été transcrit dans le quinzième siècle : Il ne comprend que les vingt-trois premiers articles du second manuscrit arménien; par conséquent il a deux articles de plus que l'original grec.

Le second manuscrit, format in-12 comme le premier, est inscrit sous le N° 127; il contient les vingt-six articles dont se compose l'ouvrage entier. Le premier feuillet était déchiré ou perdu : nous l'avons complété avec l'exemplaire du No 124. Comparaison faite des deux manuscrits, nous les avons trouvés, dans tout le reste, entièrement conformes, sauf quelques variantes, qui seront indiquées quand nous donnerons le texte.

L'exemplaire de la bibliothèque de Saint-Lazare de

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