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faces à courbure moyenne constante et négative, appelées pseudosphères par M. Beltrami.

L'auteur pense, avec M. Houël, que l'on peut tirer de là cette conclusion qu'il est désormais impossible de démontrer le postulatum dans le plan, puisque cette démonstration serait également applicable sur une pseudosphère, pour laquelle le postulatum n'a pas lieu. Cependant, si l'on pouvait prouver qu'un quadrilatère formé de deux lignes géodésiques et de deux équidistantes sur une surface à courbure moyenne constante peut avoir quatre angles droits, et cela ne semble nullement impossible, le postulatum serait démontré (1).

Peu familier avec cette géométrie, ce n'est que sous toutes réserves que je fais cette objection, à l'appui de laquelle semble venir toutefois la déduction que j'ai faite précédemment du postulatum au moyen de la cinématique plane.

Il est vrai que par démonstration du postulatum l'auteur semble entendre une démonstration tout à fait directe, comme celle qui consisterait à prouver par construction qu'une perpendiculaire et une oblique doivent se rencontrer; et, dans ce cas, la démonstration qu'il donne de l'impossibilité de cette preuve par construction, me semble satisfaisante.

Par son travail, M. De Tilly a apporté son contingent à ces recherches qui méritent de fixer l'attention des philosophes, et desquelles sortira un jour une démonstration du postulatum qui convaincra les plus incrédules.

(1) C'est ainsi, par exemple, que si la géométrie non euclidienne de la sphère peut démontrer que les quatre angles d'un quadrilatère formé de deux méridiens et de deux parallèles sont droits, on en déduira le postulatum dans le plan.

J'ai donc l'honneur de proposer à la classe l'insertion du travail de M. De Tilly dans ses Bulletins et de voter des remerciments à l'auteur pour son intéressante communication. >

Rapport de M. le colonel Liagre.

L'analyse que notre savant confrère, M. Folie, vient de donner du mémoire de M. De Tilly, facilite beaucoup ma tâche, et je remercie mon collègue d'avoir bien voulu, à ma demande, se charger des fonctions de premier commissaire. Je me bornerai donc à préciser quelques points de la question.

Et tout d'abord, je tiens à constater que le travail actuel de M. De Tilly est écrit dans la géométrie ordinaire ou euclidienne. Si, pour ne pas répéter tous les calculs, l'auteur renvoie à ceux qu'il a développés dans ses études de cinématique abstraite, il n'en est pas moins vrai que c'est d'une manière tout euclidienne qu'il étudie aujourd'hui les surfaces à courbure moyenne constante, surfaces dans lesquelles la propriété correspondante au postulatum n'existe pas.

Je tiens également à constater que je partage les doutes que notre savant confrère exprime lui-même, au sujet de la rigueur des trois essais de démonstration du postulatum qu'il donne dans son rapport.

D'abord, le théorème de Poncelet qu'il rappelle implique effectivement le postulatum.

En second lieu, de ce que l'on peut faire passer, par un même point d'un plan, une infinité de sphères tangentes dont la courbure décroît indéfiniment, ce n'est pas une

raison pour en conclure rigoureusement que ce plan luimême est la limite de la sphère, en d'autres termes, que l'horisphère des géomètres non euclidiens n'est autre chose que le plan.

En troisième lieu enfin, c'est avec raison, me semble-t-il, que M. Folie se demande à lui-même si sa démonstration, tirée de la cinématique, n'implique pas le postulatum : en effet, elle s'appuie implicitement sur la notion de la similitude des triangles, laquelle dépend du postulatum. D’ailleurs, cette démonstration prouverait trop, car elle peut se répéter sur la sphère, pour un point assujetti à se mouvoir sur cette surface, et de là elle conduit à des conséquences qui sont en opposition avec la géométrie euclidienne.

La démonstration du postulatum ne serait même pas acquise si l'on pouvait prouver, comme le demande notre confrère, qu'un quadrilatère, formé de deux lignes géodésiques et de deux équidistantes, sur une surface à courbure moyenne constante, peut avoir quatre angles droits. En effet, il n'existe pas, jusqu'aujourd'hui du moins, une théorie des surfaces à courbure moyenne constante qui soit indépendante du postulatum : on ne pourrait donc pas invoquer cette théorie pour démontrer le postulatum lui-même.

J'ai cru devoir entrer dans ces détails, afin de préciser nettement l'interprétation que je donne à certains points du rapport de notre savant confrère, au sujet desquels il était resté quelques doutes dans mon esprit. Je me rallie, du reste, entièrement aux conclusions de ce rapport. »

Conformément aux conclusions de ces deux rapports, la classe vote l'impression du travail de M. De Tilly dans les Bulletins.

COMMUNICATIONS ET LECTURES.

Une remarque sur l'admission d'une force vitale en physiologie; par M. le Dr Gluge, membre de l'Académie.

J'aurais voulu ne pas prendre part à la discussion qu'a soulevée M. d'Omalius, malgré le respect affectueux que je professe pour notre illustre confrère, parce que je ne pense pas qu'une telle discussion puisse amener un résultat utile pour une Académie des sciences; mais la communication faite à la Compagnie par notre savant confrère, M. Poelman, a fait quelque bruit à l'étranger; on somme pour ainsi dire les professeurs de physiologie de la Belgique de déclarer s'ils adoptent encore une force vitale spéciale. Mes opinions sur ce point sont parfaitement connues; elles sont publiées dans mon Manuel de physiologie (1). Néanmoins voici en peu de mots ma pensée.

Il existe deux classes de connaissances produites par l'intelligence humaine. Les premières sont le résultat du travail des organes des sens, combiné avec celui du cerveau. Quand on a découvert les lois d'après lesquelles les phénomènes de la nature se produisent, alors naissent les sciences; selon le mot profond de Bacon. «Non est scientia nisi universalium, singularium non est scientia! » Eh bien, la force vitale est dans ce cas; personne n'a pu jusqu'à présent par une méthode scientifique connue en dé

(1) Edition II, 1854, p. 11.

montrer l'existence. Nous voyons des phénomènes des corps vivants, nous ne savons rien d'une force spéciale; et notre devoir est d'étudier le corps vivant avec les mêmes moyens et d'après les mêmes méthodes que les corps dits inertes. Les progrès modernes de la physiologie sont dus à cette vue large des phénomènes de la nature. On n'admet plus sans démonstration l'existence d'une force différente pour la naissance d'une planète et d'un animal. Magendie (1) me disait un jour que ce serait le plus grand service qu'on pût rendre à la physiologie si l'on parvenait à démontrer que la contraction musculaire est un phénomène purement physique et chimique sans l'intervention d'aucune force vitale. On est parvenu à le démontrer. Qu'on se soit trop souvent hâté d'appliquer nos connaissances physiques et chimiques actuelles à l'interprétation des organismes vivants, je ne le conteste pas, mais cela ne prouve rien pour l'existence d'une force vitale spéciale. Quant au rapport des forces avec la matière, je ne comprends pas l'existence d'une force séparée de celle-ci, et le mot d'un grand philosophe, que la force est une cause qui se suffit à elle-même, est et reste une énigme pour moi. Il n'y a qu'une cause qui se suffit à elle-même, et celle-là

(1) Qu'il me soit permis de rappeler, à cette occasion, qu'en 1838 j'ai créé à notre université de Bruxelles le cours de physiologie expérimentale, qui avait été purement théorique jusqu'alors et celui d'anatomie pathologique. Sorti des leçons de Magendie, le créateur de la physiologie expérimentale moderne, et honoré de son amitié, grâce à la recommandation de M. de Humboldt, j'aurais voulu continuer sur le domaine de la physiologie des travaux que j'ai dû restreindre principalement à celui de l'anatomie pathologique. La position modeste des professeurs de notre université libre ne leur permet pas, comme à ceux de l'État, de s'occuper exclusivement de la science.

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