Imágenes de páginas
PDF
EPUB

le développement de quelques malheureux enfants en les torturant par des bandelettes.

Les géants aussi ont eu leur histoire fabuleuse. L'académicien Henrion, en 1718, assignait à Adam 123 pieds, à Ève 118, et à leurs descendants une taille graduellement décroissante. Ces statures extraordinaires accréditées chez les anciens n'étaient basées que sur des témoignages mal précisés ou indignes de confiance, et les prétendus ossements de géants découverts à diverses époques étaient des os d'éléphants, de mastodontes, de cétacés, et d'autres grands animaux. Les tailles gigantesques bien constatées ne s'élèvent guère au delà de 8 à 9 pieds, et le géant Goliath dont il est fait mention au 1er livre des Rois ne paraît pas avoir dépassé cette limite. Les géants sont en général faibles de corps et d'esprit, lents et paresseux, et leur vie est courte. Berkeley, au siècle passé, parvint, par certains principes hygiéniques, à produire sur un enfant une taille d'environ 8 pieds, mais le géant mourut vieux à 20 ans. On ne connaît pas non plus de géants parmi les animaux.

[ocr errors]

L'accroissement de la taille, qui s'arrête ordinairement à l'époque de la puberté, présente parfois une précocité anomale. Le recueil de l'Académie des sciences de Paris de 1758 mentionne un enfant de six ans qui avait une taille de six pieds et la barbe d'un homme de trente ans; dès lors il cessa de croître et devint contrefait.

Toutefois l'augmentation et la diminution de volume ne sont pas toujours réparties d'une manière égale sur tout le corps, comme dans le nanisme et le gigantisme; on a vu des têtes de géant sur des épaules de nain et d'autres parties du corps également disproportionnées. Certains individus ont une prédisposition au développement du sys

sage-femme épouvantée le jeta dans le feu, mais on l'en retira et il guérit de ses blessures; il mourut à l'âge de cinq ans de la morsure d'une vipère. La tête accessoire était peu sensible; elle semblait pourtant partager les joies et surtout les chagrins de la tête normale. Un monstre semblable, mais plus imparfait, a été signalé en 1828 par le docteur Voltem de Liége.

Ce qui semble surtout dépasser les limites du vrai, c'est l'endocymie, c'est-à-dire le parasitisme par inclusion. Le parasite plus ou moins informe est emboîté dans l'individu normal. Cette inclusion peut avoir lieu dans une poche sous la peau ou dans l'abdomen, et cette sorte de gestation, ordinairement inaperçue pendant la vie du propriétaire, n'est dévoilée que par l'autopsie. On a vu un homme de cinquante ans porter dans son corps un de ces parasites qui vivait à ses dépens. Dernièrement encore, nos journaux rapportaient un fait semblable, et leur témoignage aura rencontré plus d'un incrédule. Et pourtant la science a donné de ces faits une explication assez naturelle. Il est probable que le plus petit de ces jumeaux a adhéré aux intestins du plus grand, lorsque ceux-ci étaient encore pendants hors de l'abdomen; la rentrée des intestins du sujet principal a eu pour résultat la traction et l'inclusion de l'autre.

Mais il est temps de mettre fin à cette énumération déjà bien longue. Les monstres triples, beaucoup plus rares, sont soumis aux mêmes lois que les monstres doubles. On ne connaît pas de monstres quadruples.

-

Il est à remarquer que le nombre des anomalies décroît à mesure qu'on descend dans la série animale. Elles sont bien plus communes chez les animaux domestiques et surtout chez l'homme, et quelques-unes sont transmissibles

par génération. Les êtres affectés par les anomalies les plus graves n'ont aucune chance de viabilité, à moins qu'ils ne vivent en parasites sur des sujets bien portants.

Chez les monstres doubles, il y a dualité physique et morale; la sensibilité n'est commune que près des points de contact. Soumis pendant toute leur vie aux mêmes influences, ils ont souvent les mêmes idées, les mêmes désirs; il y a chez eux parité, mais non unité; ils ne pensent et n'agissent pas toujours de la même manière, et plus d'une fois on les a vus en mésintelligence. Tous les monstres doubles observés jusqu'ici étaient ou bimâles ou bifemelles. Enfin, les monstres moitié hommes, moitié animaux, auxquels croyaient nos aïeux, et que le sceptique Voltaire admettait de la meilleure foi du monde, sont purement imaginaires; une hybridité de ce genre sera toujours impossible.

Quant aux causes des anomalies, ce sont des perturbations qui peuvent précéder la fécondation, ou l'accompagner ou la suivre. Un grand nombre de cas sont dus à une violence extérieure ou à de fortes impressions morales. Mais c'est à tort que le vulgaire attribue des anomalies déterminées d'avance à l'imagination de la mère. Sans doute le moral peut influer sur le physique au point de mettre obstacle au développement normal; mais un objet que l'on voit, que l'on craint ou que l'on désire, n'aura jamais assez de puissance pour imprimer son image sur le corps d'un enfant qui n'est pas né.

L'étude des lois qui président à la formation des anomalies a permis, dans beaucoup de cas, de produire artificiellement des monstres. On a expérimenté sur les œufs de la poule en les secouant, en les maintenant dans des positions insolites, en enduisant partiellement la coquille d'une

2me SÉRIE, TOME xxx.

30

substance imperméable à l'air, et on a obtenu des poussins incomplets, estropiés de toutes les façons. Mais c'est surtout en donnant à l'œuf une certaine position par rapport à la chaleur que M. Dareste a pu produire des anomalies prévues d'avance. Il a constaté aussi qu'une température supérieure à 40 degrés détermine souvent le nanisme, et il conclut que l'arrêt de développement est la cause prochaine de la plupart des monstruosités simples. M. Lereboullet a opéré sur des œufs de brochet, et il a obtenu des poissons doubles et triples.

L'ensemble des faits que nous venons d'exposer nous fait voir jusqu'où la nature peut s'écarter de sa marche ordinaire. La nature, sans doute, n'a pas épuisé toutes ses ressources; plusieurs anomalies que présentent les animaux pourraient également se retrouver chez l'homme, et réciproquement; mais il est des limites qui ne seront pas dépassées.

[ocr errors]

Comme on peut l'entrevoir, l'étude des anomalies est propre à dissiper bien des préjugés, et à faire tomber bien des récits absurdes; elle joue un grand rôle dans l'anatomie, la physiologie et la zoologie. Elle a aussi des rapports intimes avec la médecine légale : plus d'une fois on a soulevé devant les tribunaux des questions de sexe et de viabilité; les avocats peuvent avoir à discuter des cas de succession, de mariage, de vengeance des lois chez les êtres doubles. - Enfin, la théologie à son tour peut y apprendre que tout être vivant né de la femme, quelle que soit sa forme, est un être humain; que dans les monstres doubles, aussi bien que dans les unitaires, les plus imparfaits sont également doués d'une âme créée à l'image de Dieu, et que mettre fin à l'existence de ces êtres est un crime d'homicide dans les mêmes conditions que chez les

êtres normaux. Enfin, nous pouvons conclure de cet exposé que dans l'oeuvre du Créateur rien n'est laissé au hasard; les déviations les plus étranges ont leurs lois, et l'ensemble de ces lois porte la lumière sur le plan général de la création. En un mot, cette étude est digne de tout point qu'on s'y livre et qu'on en tienne compte dans l'enseignement.

Avant de passer à la proclamation des résultats du concours et des élections, M. le secrétaire perpétuel s'est levé pour annoncer que M. le baron Kervyn de Lettenhove, Ministre de l'intérieur et membre de la classe des lettres, ayant été forcé de s'absenter avant la fin de la séance, il allait donner lecture des arrêtés royaux de promotion et de nominations suivantes dans l'Ordre de Léopold :

1° Au grade d'officier, M. Constantin Wesmael, membre de la classe des sciences, président du conseil de surveillance du Musée royal d'histoire naturelle;

2o Au grade de chevaliers, MM. Dewalque (G.), directeur de la classe des sciences et professeur à l'université de Liége; Nyst (P.-H.) et l'abbé Coemans (E.), membres de la classe des sciences; Nève (F.), membre de la classe des lettres; le chevalier de Burbure (Léon) et Siret (Ad.), membres de la classe des beaux-arts.

Les acclamations de l'assemblée ont accueilli chacune de ces nominations.

« AnteriorContinuar »