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DES INSTITUTIONS RÉPUBLICAINES AUX ÉTATS-UNIS, QUELLES SONT LEURS CHANCES DE DURÉE.

L'Union n'est qu'un accident.

plus d'avenir.

Les institutions républicaines ont La république est, quant à présent, l'état naturel des Anglo-Américains. — Pourquoi. — Afin de la détruire, il faudrait changer en même temps toutes les lois et modifier toutes les mœurs. Difficultés que trouvent les Américains à

créer une aristocratie.

Le démembrement de l'Union, en introduisant la guerre au sein des Etats aujourd'hui confédérés, et avec elle les armées permanentes, la dictature et les impôts, pourrait à la longue y compromettre le sort des institutions républicaines. Il ne faut pas confondre cependant l'avenir de la république et celui de l'Union.

L'Union est un accident qui ne durera qu'autant que les circonstances le favoriseront, mais la république me semble l'état naturel des Américains; et il n'y a que l'action continue de causes contraires et agissant toujours dans le même sens, qui pût lui substituer la monarchie.

L'Union existe principalement dans la loi qui l'a créée. Une seule révolution, un changement dans l'opinion publique peut la briser pour jamais. La république a des racines plus profondes.

Ce qu'on entend par république aux Etats-Unis, c'est l'action lente et tranquille de la société sur elle-même. C'est un état régulier fondé réellement sur la volonté éclairée du peuple. C'est un gouvernement conciliateur, où les résolutions se mùrissent longuement, se discutent avec lenteur et s'exécutent avec maturité.

Les républicains, aux Etats-Unis, prisent les mœurs, respectent les croyances, reconnaissent les droits. Ils professent cette opinion, qu'un peuple doit être moral, religieux et modéré,

aux Etats-Unis, c'est le règne tranquille de la majorité. La majorité, après qu'elle a eu le temps de se reconnaître et de constater son existence, est la source commune des pouvoirs. Mais la majorité elle-même n'est pas toute-puissante. Audessus d'elle, dans le monde moral, se trouvent l'humanité, la justice et la raison dans le monde politique, des droits acquis. La majorité reconnaît ces deux barrières, et s'il lui arrive de les franchir, c'est qu'elle a des passions, comme chaque homme, et que semblable à eux, elle peut faire le mal en discernant le bien.

Mais nous avons fait en Europe d'étranges découvertes.

La république, suivant quelques-uns d'entre nous, ce n'est pas le règne de la majorité, comme on l'a cru jusqu'ici, c'est le règne de ceux qui se portent forts pour la majorité. Ce n'est pas le peuple qui dirige dans ces sortes de gouvernements, mais ceux qui savent le plus grand bien du peuple : distinction heureuse, qui permet d'agir au nom des nations sans les consulter, et de réclamer leur reconnaissance en les foulant aux pieds. Le gouvernement républicain est, du reste, le seul auquel il faille reconnaître le droit de tout faire, et qui puisse mépriser ce qu'ont jusqu'à présent respecté les hommes, depuis les plus hautes lois de la morale jusqu'aux règles vulgaires du sens commun.

On avait pensé, jusqu'à nous, que le despotisme était odieux, quelles que fussent ses formes. Mais on a découvert de nos jours qu'il y avait dans le monde des tyrannies légitimes et de saintes injustices, pourvu qu'on les exerçât au nom du peuple.

Les idées que les Américains se sont faites de la république leur en facilitent singulièrement l'usage et assurent sa durée. Chez eux, si la pratique du gouvernement républicain est souvent mauvaise, du moins la théorie est bonne, et le peuple finit toujours par y conformer ses actes.

Il était impossible, dans l'origine, et il serait encore trèsdifficile d'établir en Amérique une administration centralisée. Les hommes sont dispersés sur un trop grand espace et séparés par trop d'obstacles naturels, pour qu'un seul puisse entre

est donc par excellence le pays du gouvernement provincial et

communal.

A cette cause, dont l'action se faisait également sentir sur tous les Européens du Nouveau-Monde, les Anglo-Américains ajoutèrent plusieurs autres qui leur étaient particulières. Lorsque les colonies de l'Amérique du Nord furent établies, la liberté municipale avait déjà pénétré dans les lois ainsi que dans les mœurs anglaises, et les émigrants anglais l'adoptèrent non-seulement comme une chose nécessaire, mais comme un bien dont ils connaissaient tout le prix. Nous avons vu, de plus, de quelle manière les colonies avaient été fondées. Chaque province, et pour ainsi dire chaque district, fut peuplé séparément par des hommes étrangers les uns aux autres, ou associés dans des buts différents.

Les Anglais des Etats-Unis se sont donc trouvés, dès l'origine, divisés en un grand nombre de petites sociétés distinctes qui ne se rattachaient à aucun centre commun, et il a fallu que chacune de ces petites sociétés s'occupât de ses propres affaires, puisqu'on n'apercevait nulle part une autorité centrale qui dût naturellement et qui pût facilement y pourvoir.

Ainsi la nature du pays, la manière même dont les colonies anglaises ont été fondées, les habitudes des premiers émigrants, tout se réunissait pour y développer à un degré extraordinaire les libertés communales et provinciales.

Aux Etats-Unis, l'ensemble des institutions du pays est donc essentiellement républicain; pour y détruire d'une façon durable les lois qui fondent la république, il faudrait en quelque sorte abolir à la fois toutes les lois.

Si, de nos jours, un parti entreprenait de fonder la monarchie aux Etats-Unis, il serait dans une position encore plus difficile que celui qui voudrait proclamer dès à présent la république en France. La royauté ne trouverait point la législation préparée d'avance pour elle, et ce serait bien réellement alors qu'on verrait une monarchie entourée d'institutions républicaines.

Le principe monarchique pénétrerait aussi difficilement dans les mœurs des Américains.

point une doctrine isolée qui ne tienne ni aux habitudes, ni à l'ensemble des idées dominantes; on peut, au contraire, l'envisager comme le dernier anneau d'une chaîne d'opinions qui enveloppe le monde anglo-américain tout entier. La Providence a donné à chaque individu, quel qu'il soit, le degré de raison nécessaire pour qu'il puisse se diriger luimême dans les choses qui l'intéressent exclusivement. Telle est la grande maxime sur laquelle, aux Etats-Unis, repose la société civile et politique : le père de famille en fait l'application à ses enfants, le maître à ses serviteurs, la commune à ses administrés, la province aux communes, l'Etat aux provinces, l'Union aux Etats. Etendue à l'ensemble de la nation, elle devient le dogme de la souveraineté du peuple.

Ainsi, aux-Etats-Unis, le principe générateur de la république est le même qui règle la plupart des actions humaines. La république pénètre donc, si je puis m'exprimer ainsi, dans les idées, dans les opinions et dans toutes les habitudes des Américains en même temps qu'elle s'établit dans leurs lois ; et pour arriver à changer les lois, il faudrait qu'ils en vinssent à se changer en quelque sorte tout entiers. Aux Etats-Unis, la religion du plus grand nombre elle-même est républicaine; elle soumet les vérités de l'autre monde à la raison individuelle, comme la politique abandonne au bons sens de tous le soin des intérêts de celui-ci, et elle consent que chaque homme prenne librement la voie qui doit le conduire au ciel, de la même manière que la loi reconnaît à chaque citoyen le droit de choisir son gouvernement.

Evidemment, il n'y a qu'une longue série de faits ayant tous la même tendance, qui puisse substituer à cet ensemble de lois, d'opinions et de mœurs, un ensemble de mœurs, d'opinions et de lois contraires.

Si les principes républicains doivent périr en Amérique, ils ne succomberont qu'après un long travail social, fréquemment interrompu, souvent repris; plusieurs fois ils sembleront renaître, et ne disparaîtront sans retour que quand un peuple entièrement nouveau aura pris la place de celui qui existe de nos jours. Or, rien ne saurait faire présager une semblable ré

Ce qui vous frappe le plus à votre arrivée aux Etats-Unis, c'est l'espèce de mouvement tumultueux au sein duquel se trouve placée la société politique. Les lois changent sans cesse, et au premier abord il semble impossible qu'un peuple si peu sûr de ses volontés n'en arrive pas bientôt à substituer à la forme actuelle de son gouvernement une forme entièrement nouvelle. Ces craintes sont prématurées. Il y a, en fait d'institutions politiques, deux espèces d'instabilités qu'il ne faut pas confondre l'une s'attache aux lois secondaires; celle-là peut régner longtemps au sein d'une société bien assise; l'autre ébranle sans cesse les bases mêmes de la constitution, et attaque les principes générateurs des lois; celle-ci est toujours suivie de troubles et de révolutions; la nation qui la souffre est dans un état violent et transitoire. L'expérience fait connaître que ces deux espèces d'instabilités législatives n'ont pas entre elles de lien nécessaire, car on les a vues exister conjointement ou séparément suivant les temps et les lieux. La première se rencontre aux Etats-Unis, mais non la seconde. Les Américains changent fréquemment les lois, mais le fondement de la constitution est respecté.

De nos jours, le principe républicain règne en Amérique comme le principe monarchique dominait en France sous Louis XIV. Les Français d'alors n'étaient pas seulement amis de la monarchie, mais encore ils n'imaginaient pas qu'on pût rien mettre à la place; ils l'admettaient ainsi qu'on admet le cours du soleil et les vicissitudes des saisons. Chez eux le pouvoir royal n'avait pas plus d'avocats que d'adversaires. C'est ainsi que la république existe en Amérique, sans combat, sans opposition, sans preuve, par un accord tacite, une sorte de consensus universalis.

Toutefois, je pense qu'en changeant aussi souvent qu'ils le font leurs procédés administratifs, les habitants des EtatsUnis compromettent l'avenir du gouvernement républicain.

Gênés sans cesse dans leurs projets par la versatilité continuelle de la législation, il est à craindre que les hommes ne finissent par considérer la république comme une façon incommode de vivre en société; le mal résultant de l'instabilité

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