et fixés par les lois de la Nouvelle-Angleterre l'intervention du peuple dans les affaires publiques, le vote libre de l'impôt, la responsabilité des agents du pouvoir, la liberté individuelle et le jugement par jury, y sont établis sans discussion et en fait. Ces principes générateurs y reçoivent une application et des développements qu'aucune nation de l'Europe n'a encore osé leur donner. Dans le Connecticut, le corps électoral se composait, dès l'origine, de l'universalité des citoyens, et cela se conçoit sans peine (1). Chez ce peuple naissant régnait alors une égalité presque parfaite entre les fortunes et plus encore entre les intelligences (2). Dans le Connecticut, à cette époque, tous les agents du pouvoir exécutif étaient élus, jusqu'au gouverneur de l'État (3). Les citoyens au-dessus de seize ans étaient obligés d'y porter les armes ; ils formaient une milice nationale qui nommait ses officiers, et devait se trouver prête en tous temps à marcher pour la défense du pays (4). C'est dans les lois du Connecticut, comme dans toutes celles de la Nouvelle-Angleterre, qu'on voit naître et se développer cette indépendance communale qui forme encore de nos jours comme le principe et la vie de la liberté américaine. Chez la plupart des nations européennes, l'existence politique a commencé dans les régions supérieures de la société, et s'est communiquée peu à peu, et toujours d'une manière incomplète, aux divers parties du corps social. En Amérique, au contraire, on peut dire que la commune a été organisée avant le comté, le comté avant l'État, l'État avant l'Union. Dans la Nouvelle-Angleterre, dès 1650, la commune est (') Constitution de 1638, p. 17. (2) Dès 1641, l'assemblée générale de Rhode-Island déclarait à l'unanimité que le gouvernement de l'État consistait en une démocratie, et que le pouvoir reposait sur le corps des hommes libres, lesquels avaient seuls le droit de faire les lois et d'en surveiller l'exécution. Code of 1650, p. 70. (3) Pitkin's History, p. 47. complétement et définitivement constituée. Autour de l'individualité communale viennent se grouper et s'attacher fortement des intérêts, des passions, des devoirs et des droits. Au sein de la commune on voit régner une vie politique réelle, active, toute démocratique et républicaine. Les colonies reconnaissent encore la suprématie de la métropole ; c'est la monarchie qui est la loi de l'État, mais déjà la république est toute vivante dans la commune. La commune nomme ses magistrats de tout genre; elle se taxe; elle répartit et lève l'impôt sur elle-même (1). Dans la commune de la Nouvelle-Angleterre, la loi de la représentation n'est point admise. C'est sur la place publique et dans le sein de l'assemblée générale des citoyens que se traitent, comme à Athènes, les affaires qui touchent à l'intérêt de tous. L'orsqu'on étudie avec attention les lois qui ont été promulguées durant ce premier âge des républiques américaines, on est frappé de l'intelligence gouvernementale et des théories avancées du législateur. Il est évident qu'il se fait des devoirs de la société envers ses membres une idée plus élevée et plus complète que les législateurs européens d'alors, et qu'il lui impose des obligations auxquelles elle échappait encore ailleurs. Dans les États de la Nouvelle-Angleterre, dès l'origine, le sort des pauvres est assuré (2) des mesures sévères sont prises pour l'entretien des routes, on nomme des fonctionnaires pour les surveiller (3); les communes ont des registres publics où s'inscrivent le résultat des délibérations générales, les décès, les mariages, la naissance des citoyens (4); des greffiers sont préposés à la tenue de ces registres (5); des officiers sont chargés d'administrer les successions vacantes, d'autres de surveiller la borne des héritages; plusieurs ont pour principales fonctions de maintenir la tranquillité publique dans la commune (“). (') Code of 1650, p. 80. (3) Id., p. 78. (3) Code of 1650, p. 49. () Voyez l'Histoire de Hutchinson, vol. 1, p. 455. (") Code of 1650, p. 86. La loi entre dans mille détails divers pour prévenir et satisfaire une foule de besoins sociaux, dont encore de nos jours on n'a qu'un sentiment confus en France. Mais c'est par les prescriptions relatives à l'éducation publique que, dès le principe, on voit se révéler dans tout son jour le caractère original de la civilisation américaine. <«< Attendu, dit la loi, que Satan, l'ennemi du genre << humain, trouve dans l'ignorance des hommes ses plus puis<«<santes armes, et qu'il importe que les lumières qu'ont ap« portées nos pères ne restent point ensevelies dans leur <<< tombe; attendu l'éducation des enfants est un des que << premiers intérêts de l'État, avec l'assistance du Seigneur.... » Suivent des dispositions qui créent des écoles dans toutes les communes, et obligent les habitants, sous peine de fortes amendes, à s'imposer pour les soutenir. Des écoles supérieures sont fondées de la même manière dans les districts les plus populeux. Les magistrats municipaux doivent veiller à ce que les parents envoient leurs enfants dans les écoles; ils ont le droit de prononcer des amendes contre ceux qui s'y refusent; et si la résistance continue, la société, se mettant alors à la place de la famille, s'empare de l'enfant, et enlève aux pères les droits que la nature leur avait donnés, mais dont ils savaient si mal user (2). Le lecteur aura sans doute remarqué le préambule de ces ordonnances: en Amérique, c'est la religion qui mène aux lumières; c'est l'observance des lois divines qui conduit l'homme à la liberté. Lorsque après avoir ainsi jeté un regard rapide sur la société américaine de 1650, on examine l'état de l'Europe et particulièrement celui du continent vers cette même époque, on se sent pénétré d'un profond étonnement sur le continent de l'Europe, au commencement du XVIIe siècle, triomphait de toutes parts la royauté absolue sur les débris de la liberté oligarchique et féodale du moyen âge. Dans le sein de cette Europe brillante et littéraire, jamais peut-être l'idée des droits n'avait été plus complétement méconnue; jamais les peuples (') Code of 1650, p. 90. a vie politique; jamais les notions de moins préoccupé les esprits; et c'est cipes, inconnus aux nations euroles, étaient proclamés dans les déserts devenaient le symbole futur d'un hardies théories de l'esprit humain. ue dans cette société si humble en aphomme d'État n'eût sans doute alors à l'originalité de sa nature, l'imagiprovisait une législation sans précéoscure démocratie, qui n'avait encore philosophes, ni grands écrivains, un en présence d'un peuple libre, et s de tous, cette belle définition de la pas sur ce que nous devons enpendance. Il y a en effet une sorte de nt l'usage est commun aux animaux qui consiste à faire tout ce qui plaît. mie de toute autorité; elle souffre imgles; avec elle, nous devenons infé; elle est l'ennemie de la vérité et de devoir s'élever contre elle! Mais il est orale qui trouve sa force dans l'union, 1 pouvoir lui-même est de protéger : re sans crainte tout ce qui est juste liberté, nous devons la défendre dans exposer, s'il le faut, pour elle notre pour mettre en son vrai jour le caracglo-américaine. Elle est le produit (et sans cesse être présent à la pensée) de Christi americana, vol. 2, p. 13. - Winthrop; on l'accusait d'avoir commis, s arbitraires; après avoir prononcé le dispeler un fragment, il fut acquitté avec aplors il fut toujours réélu gouverneur de l'É deux éléments parfaitement distincts, qui ailleurs se sont fait souvent la guerre, mais qu'on est parvenu, en Amérique, à incorporer en quelque sorte l'un dans l'autre, et à combiner merveilleusement. Je veux parler de l'esprit de religion et de l'esprit de liberté. Les fondateurs de la Nouvelle-Angleterre étaient tout à la fois d'ardents sectaires et des novateurs exaltés. Retenus dans les liens les plus étroits de certaines croyances religieuses, ils étaient libres de tous préjugés politiques. De là deux tendances diverses, mais non contraires, dont il est facile de retrouver partout la trace, dans les mœurs comme dans les lois. Des hommes sacrifient à une opinion religieuse leurs amis, leur famille et leur patrie; on peut les croire absorbés dans la poursuite de ce bien intellectuel qu'ils sont venus acheter à si haut prix. On les voit cependant rechercher d'une ardeur presque égale les richesses matérielles et les jouissances morales, le ciel dans l'autre monde, le bien-être et la liberté dans celui-ci. Sous leur main les principes politiques, les lois et les institutions humaines semblent choses malléables, qui peuvent se tourner et se combiner à volonté. Devant eux s'abaissent les barrières qui emprisonnaient la société au sein de laquelle ils sont nés; les vieilles opinions, qui depuis des siècles dirigeaient le monde, s'évanouissent; une carrière presque sans bornes, un champ sans horizon se découvre l'esprit humain s'y précipite; il les parcourt en tous sens; mais, arrivé aux limites du monde politique, il s'arrête de lui-même ; il dépose en tremblant l'usage de ses plus redoutables facultés; il abjure le doute; il renonce au besoin d'innover; il s'abstient même de soulever le voile du sanctuaire; il s'incline avec respect devant des vérités qu'il admet sans les discuter. Ainsi, dans le monde moral, tout est classé, coordonné, prévu, décidé à l'avance. Dans le monde politique, tout est agité, contesté, incertain; dans l'un, obéissance passive, bien que volontaire; dans l'autre, indépendance, mépris de l'expérience et jalousie de toute autorité. Loin de se nuire, ces deux tendances, en apparence si opposées, marchent d'accord |