exemple, ces fameuses propositions de la chambre de Saint-Louis du mois de juillet 1648, et qu'on nous dise s'il n'y a pas là et la lutte la plus hardie contre les volontés royales, et l'empiétement le plus marqué sur le terrain de l'ancienne monarchie. Au reste, une preuve que la Fronde n'a pas toujours été regardée comme si peu de chose, c'est qu'après en avoir vu disparaître les dernières conséquences, Louis XIV tenta d'en abolir jusqu'à la mémoire. En 1668, longtemps après les derniers mouvements, il ordonna la recherche et la suppression de toutes les pièces concernant les affaires publiques des années 1648 à 1652, qui se trouvaient, soit au Parlement, soit à la Chambre des comptes, soit à la Cour des Aides, soit enfin à l'Hôtel de Ville. Il paraît que cette mesure fut exécutée à la rigueur, quant à ce qui est du Parlement, car toutes nos recherches n'ont pu nous y faire découvrir une seule pièce de cette nature. Toute trace de la Fronde semble donc avoir disparu des registres originaux; mais il n'en est pas de même des nombreuses copies que nous en possédons : comme elles sont antérieures à l'ordonnance de 1668, elles contiennent toutes, plus ou moins, une partie politique. D'ailleurs, pour le Parlement en particulier, cette espèce de proscription était bien inutile, puisque, comme on vient de le voir, tout ce qui s'y était passé pendant la Fronde avait été imprimé dans le temps même. Pour ce qui est de l'Hôtel de Ville, voici ce qui fut fait. Le 6 juillet 1668, des lettres patentes en forme de commission furent adressées à Pierre Poncet, conseiller du Roi. Elles portaient que le Roi, voulant abolir la mémoire des choses qui s'étaient faites contre son service pendant sa minorité, avait fait retirer des greffes, tant du Parlement, que de la Chambre des comptes et de la Cour des Aides, les registres et les minutes des arrêts rendus à cette époque, et qu'il voulait que la même mesure fût exécutée à l'Hôtel de Ville. En conséquence, le 18 juillet, on remit au conseiller commis à cet effet, les minutes et les registres de la Ville des années 1648 à 1652. Celui-ci retira des minutes celles qui devaient être supprimées, et désigna sur les registres, qui étaient au nombre de quatre, les pièces qui devaient également en disparaître. Le 10 août suivant, il remit au greffier de la Ville ces quatre registres, à l'aide desquels ce dernier en composa deux nouveaux, nouveaux, qui ne contenaient plus que les affaires privées. Tout cela était exécuté au plus tard le 7 novembre, jour auquel les quatre anciens registres furent remis au chancelier, pour être détruits. Il semblerait donc qu'ici, comme au Parlement, toute trace de la Fronde ait encore dû disparaître, et pourtant il n'en est rien. En effet, dans la collection des Registres de l'Hôtel de Ville, on trouve, entre ces deux registres refaits en 1668, un autre registre d'un plus petit format et d'une autre main, qui contient précisément ce qu'on avait voulu anéantir, à savoir tous les actes relatifs aux affaires publiques, émanés de la Ville pendant la Fronde. C'est ce registre que nous publions. Nous n'entreprendrons point d'en donner ici une analyse qui nous mènerait beaucoup trop loin, et qui d'ailleurs serait toujours insuffisante. C'est dans le document lui-même qu'il faut étudier les mille détails de cette histoire. On nous permettra seulement une réflexion. Les Registres de l'Hôtel de Ville, qui pour les temps ordinaires offrent un intérêt réel, mais spécial et restreint, prennent, on le conçoit sans peine, une tout autre importance dans les temps d'agitations et de crise. L'administration de la ville, qui aux jours de calme s'effectuait, malgré la complication de ses ressorts, d'une manière facile et réglée, devient alors l'œuvre la plus difficile, et qui demande une activité, une prudence, une énergie en rapport avec la gravité des circonstances. Jamais peut-être ces vertus n'ont été plus nécessaires aux magistrats de Paris qu'à l'époque qui nous occupe. Qu'on songe à ce qu'était Paris pendant la Fronde : une ville travaillée en tous sens par les chefs de parti les plus audacieux; une ville où se trouvaient, et un Coadjuteur et un duc de Beaufort; une ville, qui tantôt menaçait son Roi, tantôt était menacée par lui, qui tantôt appelait l'étranger de ses vœux, et tantôt se troublait aux moindres bruits de la guerre. Et cette ville, il a fallu la garder et la nourrir pendant quatre années de guerre civile, et cela quand elle avait deux fois à ses portes, d'abord Condé, et plus tard Turenne. Aussi, pour ses magistrats, que de soins, que de difficultés, que de dangers de toute nature, et dont notre document témoigne à chaque page. Placés d'une part entre la crainte encore respectueuse de la royauté, de l'autre entre l'impérieuse domination du Parlement; en butte aux exigences des partis et aux fureurs populaires, responsables jusqu'à un certain point des malheurs et des souffrances de tous, combien ne leur a-t-il pas fallu d'efforts et de courage pour se montrer au niveau de leur tâche! Cette tâche, l'ont-ils accomplie ? Se sontils montrés, ce qu'ils devaient être, le pouvoir le plus maître de lui, le plus sage et le plus protecteur de ceux qui existaient alors? Grande question, que nous n'avons pas l'ambition de traiter ici, mais à la solution de laquelle notre document pourra, nous l'espérons du moins, n'être pas inutile. Veut-on, au reste, se faire une idée de la manière dont le corps de la Ville, peu de temps après ces événements, les a lui-même envisagés ? qu'on lise la pièce suivante, qui est une espèce de décharge pour toutes les irrégularités plus ou moins fortes dans lesquelles avaient pu tomber durant le cours de ces temps malheureux, ceux mêmes qui se piquaient le plus d'être de bons et sages bourgeois. C'est en même temps le frontispice obligé de notre livre. « Nous, Prévost des marchauds et Eschevins de « la ville de Paris, certifions à tous qu'il appar<< tiendra que, par les registres de la Ville, il appert « que, depuis le samedy vingt-sixiesme jour d'aoust « 1646 jusques à la fin du mois d'octobre 1652, «< il il y a eu, a eu, dedans ladicte ville, diverses factions, qui ont causé de grands troubles et quantité de << ruynes, tant en ladicte ville, qu'aux environs d'icelle; ayant mesme esté investie fort long« temps de gens de guerre, d'armes, estrangers << et autres, qui y ont faict tous les maux imagi« nables; ce qui a empesché les bourgeois et ha<< bitans d'icelle de pouvoir vacquer aux faicts « de leurs charges et dans leurs propres affaires, pendant cette longue persécution; laquelle fut appaisée par le retour du Roy en ladicte ville. « Faict au bureau de la Ville, le 22o jour de juin 1654. 1 Cette période est précisément celle qu'embrasse le registre que nous publions, et dont nous allons maintenant donner la description. C'est un manuscrit, petit in-folio, de 452 feuillets de papier. Il fait partie de la belle collection des Registres de l'Hôtel de Ville, actuellement conservée aux Archives du royaume. Comme on l'a déjà dit, ce manuscrit est d'une autre main et d'un autre format. Il porte le n° xxx11 bis, les nos xxxii et xxxIII 'Registre de l'Hôtel de Ville coté xxxv, fol. 275. |