Imágenes de páginas
PDF
EPUB

An travers des périls un grand caur se fait jour.
Que ne peut l'amitié conduite

par

l'amour! Allons de tous vos Grecs encourager le zèle: Nos vaisseaux sont tout prêts , et le vent nous appelle.. Je sais de ce palais tous les détours obscurs : Vous voyez que la mer en vient battre les murs; Et cette nuit, sans peine, une secrette voie Jusqu'en votre vaisseau eonduira votre proie.

OR ESTE.

J'abuse , cher ami, de ton trop d'amitié :
Mais pardonne à des maux dont toi seul as pitié.
Excuse un malheureux qui perd tout ce qu'il aime,
Que tout le monde hait, et qui se hait lui-même.
Que ne puis-je, à mon tour, dans un sort plus heureux....

PYLADE.

Dissimulez , seigneur; c'est tout ce que je veux.
Gardez qu'avant le coup votre dessein n'éclate:
Oubliez jusques-là qu'Hermione est ingrate;
Oubliez votre amour. Elle vient, je la voi.

ORESTE.

Va-t'en. Réponds-moi d'elle, et je réponds de moi.

SCÈNE II. HERMIONE, ORESTE, CLÉONE.

ORESTE.

Hé bien, mes soins vous ont rendu votre conquête :
J'ai vu Pyrrhus , madame ; et votre hymen s'apprête.

HERMIONE.
On le dit; et de plus on vient de m'assurer
Que vous ne me cherchiez que pour m'y préparer.

ORESTE.
Et votre âme à ses veux ne sera pas rebelle ?

HERMIONE.
Qui l'eût cru que Pyrrhus ne fut pas

infidèle:
Que sa flamme attendrait sı tard pour éclater ?
Qu'il reviendrait à moi quand je l'allais quitter?
Je veux croire avec vous qu'il redoute la Grèce;
Qn'il suit son intérêt plutôt que sa tendresse;
Que mes yeux sur votre âme étaient plus absolus.

ORESTE.

[ocr errors]

Non, madame : il vous aime, et je n'en doute plus, Vos yeux ne font-ils pas tout ce qu'ils veulent faire? Et vous ne vouliez pas, sans-doute, lui déplaire.

HERMIONE.

Mais que puis-je, seigneur ? on a promis ma foi:
Lui ravirai-je un bien qu'il ne tient pas de moi?
L'amour ne règle pas le sort d'une princesse:
La gloire d'obéir est tout ce qu'on nous laisse.
Cependant je partais ; et vous avez pu voir
Combien je relâchais pour vous de mon devoir.

ORESTE.

Ah ! que vous saviez bien, cruelle... Mais, madame,
Chacun peut à son choix disposer de son âme.
La vótre était à vous ; j'espérais : mais enfin
Vous l'avez pu donner sans me faire un larcin,

Je vous accuse aussi bien moins que la fortune.
Et pourquoi vous lasser d'une plainte importune?
Tel est votre devoir; je l'avoue : et le mien
Est de vous épargner un si triste entretien.

SCÈNE III.

HERMIONE, CLÉONE.

HERMIONE.

Attendais-tu, Cléone, un courroux si modeste?

CLÉON E.
La douleur qui se tait n'en est que plus funeste.

Je le plains : d'autant plus qu'auteur de son ennui Le coup qui l'a perdu n'est parti que de lui. Comptez depuis quel tems votre hymen se prépare : Il a parlé, madame; et Pyrrhus se déclare.

a

HERMIONE.

[ocr errors]

Tu crois que Pyrrhus craint ? Et que craint-il encor?
Des peuples qui, dix ans, ont fui devant Hector;
Qui cent fois, effrayés de l'absence d'Achille,
Dans leurs vaisseaux brûlans ont cherché leur asyle;
Et qu'on verrait encor, sans l'appui de son fils,
Redemander Hélène aux Troyens impunis?
Non, Cléone, il n'est point ennemi de lui-même :
Il veut tout ce qu'il fait; et s'il m'épouse , il m'aime.
Mais qu'Oreste, à son gré, m'impute ses douleurs;
N'avons-nous d'entretien que celui de ses pleurs?

m

[ocr errors]

Pyrrhus revient à nous. Hé bien, chère Cléone,
Conçois-tu les transports de l'heureuse Hermione?
Sais-tu quel est Pyrrhu ? T'es-tu fait raconter
Le nombre des exploit.... Mais qui les peut compter?
Intrépide, et par-tout suivi de la victoire,
Charmant, fidèle ; enfin rien ne manque à sa gloire.
Songe...

CLÉONE.
Dissimulez : votre rivale en pleurs
Vient à vos pieds, sans doute, apporter ses douleurs.

HERMIONE.

Dieux ! ne puis-je à ma joie abandonner mon âme !
Sortons. Que lui dirais-je ?

SCÈNE IV.

ANDROMA QUE, HERMIONE,

CLÉONE, CÉPHISE.

ANDROMAQUE.

Ou fuyez-vous, madame? N'est-ce point à vos yeux un spectacle assez doux Que la veuve d'Hector pleurant à vos genoux? Je ne viens point ici, par de jalouses larmes, Vous envier un caur qui se rend à vos charmes. Par une main cruelle, hélas ! j'ai vu percer Le seul où mes regards prétendaient s'adresser :

[ocr errors]

Ma flamme par Hector fut jadis allumée ;
Avec lui dans la tombe elle s'est enfermée.
Mais il me reste un fils. Vous parez quelque jour,
Madame, pour un fils jusqu’oufia notre amour :
Mais vous ne saurez pas, du moins je le souhaite,
En quel trouble mortel son intérêt nous jette,
Lorsque de tant de biens qui pouvaient nous flatter
C'est le seul qui nous reste , et qu'on veut nous l’óter.
Hélas ! lorsque, lassés de dix ans de misère,
Les Troyens en courroux menaçaient votre mère,
J'ai su de mon Hector lui procurer l'appui :
Vous pouvez sur Pyrrhus ce que j'ai pu sur lui.
Que craint-on d'un enfant qui survit à sa perte?
Laissez-moi le cacher en quelque île déserte :
Sur le soin de sa mère on peut s'en assurer;
Et mon fils avec moi n'apprendra qu'à pleurer.

HERMIONE.

Je conçois vos douleurs : mais un devoir austère,
Qaand mon père a parlé, m'ordonne de me taire.
C'est lui qui de Pyrrhus fait agir le courroux.
S'il faut fléchir Pyrrhus, qui le peut mieux que vous ?
Vos yeux assez long-tems ont régné sur son âme.
Faites-le prononcer ; j'y souscrirai, madame.

« AnteriorContinuar »